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Imaginez la scène. C’est un après-midi d’octobre, au Xe siècle, dans un monastère situé non loin de Paris, en France. Deux moines testent différentes manières de faire fermenter le lait du bétail du monastère. Après des essais et des erreurs, ils découvrent qu’en ajoutant du sel au lait de vache fermenté, ils en retirent suffisamment d’humidité pour en faire une substance gluante mais ferme. Ce monticule de fromage salé est ensuite aspergé d’un champignon (Penicillium) pour créer une croûte épaisse, puis placé dans une cave pendant six semaines. Le résultat ? L’emblématique fromage de Brie à croûte blanche qui est aujourd’hui encore apprécié dans le monde entier.
Mais le brie n’est pas le seul fromage que nous devons à l’inventivité des moines. Du Parmesan au Laguiole, bon nombre des fromages les plus célèbres du monde ont été inventés dans des monastères européens depuis le Moyen Âge. Découvrez quelques uns de ces fromages célèbres mis au point par des moines.
Le Brie de Meaux, “Roi des fromages” par les moines de Reuil-en-Brie
Inventé par des moines du prieuré de Reuil-en-Brie, à une cinquantaine de kilomètres de Paris, le “Roi des fromages” selon Talleyrand épate les grands hommes depuis qu’il a été découvert, dit-on, par Charlemagne lors d’une visite en 774. Selon les récits, Charlemagne aurait tellement aimé ce fromage qu’il a demandé à ce qu’il soit livré à son palais d’Aix-la-Chapelle. Quelque trois cents ans plus tard, c’est Philippe Auguste qui aurait envoyé des rondes de Brie à chaque membre de sa cour. Et lorsque les nations européennes se sont réunies en Congrès à Vienne entre 1814 et 1815, c’est ce Brie inventé par les moines qui a remporté le concours du meilleur fromage. Lors du banquet final du Congrès, une dégustation des 52 fromages régionaux que représentaient les participants des différents pays a été organisée. À la fin de la dégustation, le Prince Metternich lui-même a proclamé le Brie « Prince des fromages et premier des desserts ».
Le fromage de l’Abbaye de Cîteaux, Dijon, France
Ce fromage doit son nom à l’Abbaye qui l’a inventé au XIIe siècle, en utilisant le lait cru des vaches Montbéliarde rouges et blanches, qui paissent dans les prairies du monastère. Aujourd’hui, ce fromage à pâte demi-ferme, orange clair à l’extérieur et ivoire à l’intérieur, est toujours fabriqué par les frères de la ferme laitière de l’abbaye. Frère Frédéric et Frère Joël, responsables de la crémerie, fabriquent environ 300 fromages par semaine, qui sont ensuite vendus dans la boutique de l’Abbaye et représentent près de la moitié de ses revenus. Si avant le Covid, l’abbaye ne vendait ses fromages que dans sa boutique, avec la pandémie, les moines se sont lancés dans le commerce électronique après s’être retrouvés avec 4.000 meules de fromage en trop ! Inventifs, ils ont alors lancé un site web pour vendre leurs produits et en 24 heures seulement, les clients avaient déjà pré-commandé plus de deux tonnes de fromage !
Le Laguiole d’Aubrac, France
Selon la tradition, ce fromage à pâte dure et compacte, fabriqué à partir de lait de vache non pasteurisé, est né à l’abbaye d’Aubrac au XIIe siècle pour approvisionner les pèlerins qui s’y arrêtaient sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, situé à 863 km de là. Des témoignages plus récents attribuent aux moines la transmission de la recette aux agriculteurs de l’Aveyron, dans le sud de la France, lorsque ceux-ci ont été chassés à la Révolution. Aujourd’hui, la coopérative fromagère locale Jeune Montagne est le seul producteur officiel de ce fromage de montagne. Bien que le monastère d’origine où ce fromage a été inventé ait été détruit, il est toujours possible de visiter l’église de la ville de Laguiole et le pont même qui était traversé par les pèlerins sur le chemin de Saint-Jacques.
La Tête de Moine, Jura, Suisse
Ce fromage alpin à pâte mi-dure, fabriqué à partir de lait de vache non pasteurisé, a été inventé par les moines de l’abbaye de Bellelay au XIIe siècle. Différentes histoires cherchent à expliquer l’origine de son nom. Selon certains, le fromage était appelé tête de moine en référence à la façon dont il était coupé. Plutôt que d’être découpé en tranches, le moule du fromage était coupé à l’aide d’un outil spécial appelé “girolle” qui permettait de raser les couches de croûte sur le dessus, laissant une “tache chauve” qui ressemblait à la coupe de cheveux d’un moine. Selon d’autres, le nom fait référence à une pratique fiscale imaginée au XIIe siècle, selon laquelle le prieur de l’abbaye de Bellelay utilisait le fromage pour payer un loyer aux propriétaires fonciers féodaux : un morceau de fromage était requis pour la tête de chaque moine. Pendant la Révolution française, les moines ont été expulsés des monastères mais la production de fromage a continué dans la ferme laitière de l’ancienne abbaye. Aujourd’hui, l’abbaye séculaire de Bellelay a été reconvertie en clinique psychiatrique, mais heureusement, la production de fromage monastique a été préservée par des artisans qui suivent toujours la même méthode conçue par les moines du XIIe siècle.
Le Parmesan, Parme, Italie
L’un des fromages les plus célèbres au monde a été inventé par des moines bénédictins et cisterciens au cours du XIIe siècle. Selon des preuves historiques, les moines des abbayes bénédictines situées près des villes de Parme et de Reggio Emilia étaient à la recherche d’une recette permettant de fabriquer un fromage de longue durée. En mélangeant le lait des vaches des monastères avec du sel provenant des mines de sel voisines de Salsomaggiore, ces pionniers de l’alimentation ont créé une pâte laitière sèche conservée dans de grandes meules qui pouvaient être conservées pendant des mois, voire des années. Les premières traces du commerce du parmesan remontent à 1200, lorsqu’une acquisition notariée de Caseus Parmensis (fromage de Parme) a été faite à Gênes. Au XIVe siècle, le fromage, fabriqué selon la même recette élaborée par les moines, était largement commercialisé dans le nord de l’Italie et dans les ports de la Méditerranée. Au XVIIe siècle, des concurrents essayaient de fabriquer des versions du parmesan dans d’autres villes, ce qui a conduit le duc de Parme, Ranuccio I Farnese, à créer une loi qui autorisait uniquement le fromage fabriqué localement à être appelé “de Parme”. Cette loi a été le premier exemple de “dénomination d’origine”, un label qui certifie la production géographique de produits alimentaires, de nos jours largement adopté dans l’Europe entière. Aujourd’hui, la ferme laitière locale appelée “Latteria Due Madonne” (littéralement “laiterie des deux Madones”) produit du parmesan selon la même méthode inventée par les frères bénédictins au XIIe siècle.