Un jour de septembre 1903, un groupe de malades et leurs accompagnateurs se rendent à Lourdes pour aller se baigner dans les sources et implorer la guérison à la Vierge Marie. Parmi eux, se trouve Giovanni Battista Tomassi, dit Gian. Pourtant, le jeune italien se tient à l’écart des autres, un regard sombre perdu dans le vide. Il a vingt trois ans et ne peut se déplacer qu’en fauteuil roulant. Atteint d’une forme d’arthrite précoce, chaque mouvement le fait souffrir.
La souffrance de Gian n’est pas seulement physique. Il ne partage pas l’espoir de ses compagnons de route. S’il se rend à la grotte de Massabielle, ce n’est pas pour être ravivé du feu de Dieu. En effet, soigneusement emballé dans les affaires de Gian se trouve un revolver. Las de cette existence douloureuse et humiliante, il veut mettre fin à ses jours.
La rancœur de Gian est dirigée vers Dieu. C’est pour cette raison qu’il souhaite mourir à Lourdes. Cet acte de provocation ultime envers le créateur est pour lui sa seule raison d’être encore en vie. Le plan est méticuleusement pensé : il veut arriver devant la grotte de Massabielle et se suicider en criant contre ce Dieu qui l’a laissé dans cet état. Si le Très-Haut veut l’arrêter, il devra le guérir.
Mais alors qu’il se prépare à l’exécution du plan, des bénévoles s’approchent de Gian. L’accueil chaleureux qu’on lui offre est déconcertant. Lui qui s’attendait à retrouver la pitié et l’hypocrisie de son quotidien…. Même les autres malades lui offrent des paroles réconfortantes. Quel étrange sentiment.
Toute cette douceur ne manque pas d’arracher des larmes à Gian alors que sa poitrine gonfle d’émotions. Et lorsqu’il lève les yeux vers la statue de la Vierge, l’amertume de tant d’années s’efface. Et la souffrance se fait soudainement minuscule face à tant de bonté. À son retour, il s’en va trouver le directeur spirituel du pèlerinage, monseigneur Radini Tedeschi pour lui remettre son fusil.
– La Madone a gagné. Ici, je n’en ai plus besoin ! La Vierge a guéri mon esprit. Si Lourdes m’a fait du bien, elle fera du bien à bien d’autres malades.
On ne peut venir à Lourdes et échapper à l’espoir qui s’y propage comme une traînée de poudre. Maintenant que Marie a chassé la rancœur, un désir de sauver les autres est né en lui. Il veut de toute son âme partager cette guérison intérieure avec ceux qui souffrent.
Pour sauver les autres
Poussé par l’inspiration qu’il considère comme divine, Gian ne perd pas de temps à partager son idée. Ce projet s’appelle UNITALSI (Unione Nazionale Italiana Trasporto Ammalati Lourdes Santuari Internazionali ou Union Nationale Italienne des Sanctuaires Internationaux). L’association a pour but d’organiser des pèlerinages pour les personnes malades italiennes vers divers sanctuaires d’Europe. Ceci en faisant appel à des bénévoles généreux comme ceux qui avaient reçu Gian à Lourdes.
Transformé par cette guérison si inattendue de son âme, Gian souhaite que tous connaissent la même délivrance, le même amour, le même espoir que lui. Et le cœur de la Madone est assez large pour le monde entier ! Parmi les témoins de son extraordinaire changement, outre monseigneur Tedeschi, se trouve aussi un jeune prêtre de Bergame, un certain Don Angelo Roncalli, qui deviendra plus tard Jean XXII.
Gian ne se contente pas d’exprimer la joie du moment de sa conversion ; il obéit à l’inspiration divine en se mettant au travail et usant pleinement de son intelligence pour faire fonctionner cette œuvre caritative, lui permettre de se tenir debout, et d’être efficace.
La main à la pâte
C’est Gian lui-même qui structure l’association qui va servir des millions de pèlerins pendant plus d’un siècle. Chaque démarche, chaque action est pensée pour les personnes en souffrance. Gian se fait leur guide et son but est de tracer un chemin simple pour qu’elles puissent elles aussi trouver la guérison auprès de Marie. Aujourd’hui, l’association compte 70.000 membres qui sont chaque année l’instrument par lequel le Mystère fait renaître spirituellement (et parfois même physiquement) les pèlerins.
Giovanni Battista Tomassi rend l’âme le 25 avril 1920, après avoir donné les 17 dernières années de sa vie à ouvrir un chemin pour que les malades se rendent auprès de la Vierge et soient délivrés.