Au moment d’être nommé administrateur du diocèse de Cayenne, en avril 2021, Mgr Michel Dubost était décrit comme “un homme expérimenté, profond et joyeux qui a fait énormément de bien au diocèse de Lyon”. Passé par le diocèse aux Armées, l’évêque émérite d’Évry venait de passer une année et demi comme administrateur à la tête du diocèse de Lyon, éprouvé par les nombreuses affaires d’abus.
Depuis, Mgr Dubost a été choisi comme délégué pontifical pour les Foyers de charité, un petit mois après avoir rendu son tablier guyanais. C’est dire qu’il a de l’expérience en gestion de crise et de situations où les abus sexuels ou de pouvoir ont corrompu l’œuvre du Salut. Un critère qui a d’ailleurs dû jouer en sa faveur, si l’on peut dire, quand Rome ou la nonciature ont eu à dénicher un secouriste de talent. Sans compter qu’il connaissait la Guyane pour y avoir visité des unités militaires, et que son épiscopat de presque trente ans lui avait donné le bagage nécessaire.
Lyon, Cayenne, les Foyers de charité, mais aussi Avignon, Paris, Strasbourg, la Communauté Saint-Martin, sans oublier Notre-Dame de Vie, l’Association pour la formation chrétienne de la personne (AFCP) ou Eucharistein : autant de diocèses, de communautés et d’associations de fidèles qui, ces derniers temps, ont eu à vivre une visite canonique ou pastorale. Que se soit d’ailleurs pour une consultation ordinaire ou un contrôle moins habituel. Dans chacun de ces cas, comment et pourquoi a-t-on choisi untel ou un autre pour s’inquiéter de l’état de communion dans un diocèse ou une communauté ?
À vrai dire, il n’existe pas de critère précis. Le choix d’un administrateur ou d’un visiteur relève d’une décision administrative de la nonciature du Saint-Siège en France ou de la congrégation romaine concernée. Une nomination qui ne donne pas lieu à un processus précis, mais demande de la part des autorités un flair et un sens certain de l’opportunité. Si l’heureux élu est libre de refuser, chacun est invité à le voir comme une aide apportée à l’Église et à des frères en difficulté. “C’est l’esprit de service qui habite mon cœur”, explique Mgr Touvet, chargé depuis le 25 juin de la communauté du Verbe de vie, ajoutant : “Je suis heureux de pouvoir les aider”.
Des personnes venant d’un univers spirituel proche
Pourtant, si l’on regarde les personnalités choisies pour les missions délicates depuis deux ans, on observe des tendances et une logique qui ressemblent à s’y méprendre à du bon sens. Par exemple choisir un homme ou une femme qui viennent d’un univers spirituel proche. Laurent Landete, ancien modérateur de la Communauté de l’Emmanuel, assiste Mgr Dubost dans son office auprès des Foyers de charité, issus eux aussi du Renouveau charismatique.
Le père Henry Donneaud, dominicain et théologien, est chargé d’aider les Dominicaines du Saint-Esprit de Pontcallec dans leurs réformes. Il avait avant eu la même fonction auprès de la communauté nouvelle des Béatitudes. Les communautés religieuses sont visités le plus souvent par au moins un religieux. Dom Nault, abbé bénédictin de Saint-Wandrille était assisté de l’abbesse cistercienne de Boulaur, sœur Desjobert, pour visiter Pontcallec. Eucharistein a, elle, reçu la visite du père Gilbert Narcisse, dominicain, et de Mari Carmen Avila, laïque consacrée de Regnum Christi. Au fond, la logique obéit à la nécessité pour les administrateurs et visiteurs de comprendre le charisme propre d’une communauté pour l’aider de la manière la plus pertinente possible.
Une proximité administrative et géographique
Il faut ajouter à cela une proximité administrative et géographique. Pour les diocèses, c’est cette idée qui domine. L’archevêque métropolitain est le premier interlocuteur en cas de pépin. C’est pour cette raison que Mgr Aveline a été envoyé à Toulon, qui est un de ses diocèses suffragants. Strasbourg étant métropolitain, la visite canonique est en revanche diligentée par Mgr Lalanne, de Pontoise, assisté de Mgr Joël Mercier, qui a longtemps travaillé à la Congrégation pour le clergé. Justement, il est question dans cette affaire, entre autres, de relations entre l’évêque et ses prêtres.
Enfin, la question de la disponibilité. Une visite canonique n’est pas de tout repos, être administrateur d’un diocèse ou d’une communauté en crise encore moins. Il s’agit donc de trouver la personne idoine…et libre. Une manière de rendre compte des nombreux évêques émérites appelés à l’aide, qui ont aussi l’expérience requise. Mgr Marceau, tout juste parti de Nice, épaulera ainsi Mgr Bertrand, de Mende, pour rencontrer tous les membres de la Communauté Saint-Martin, répartie dans seize lieux de mission en France…mais aussi à Cuba, Cologne et Rome ! Ils seront aidés d’un supérieur de séminaire, le père Dupont qui exerce à Versailles, choisi pour sa connaissance de la formation des prêtres, et de sœur Anne Descours, religieuse de l’Assomption, qui apportera un regard plus extérieur.
D’autres évêques émérites sont réquisitionnés. L’évêque émérite de Metz, Mgr Lagleize, qui avait demandé au pape d’accepter sa démission pour raison de santé en août 2021, s’est ainsi vu confier la charge d’assistant apostolique de la Famille missionnaire de Notre-Dame. Laquelle était en délicatesse avec l’évêque de Viviers, duquel elle dépend. Un autre a rendu de fiers services. Mgr Pontier, parti de Marseille en 2019 a depuis eu le temps d’administrer les diocèses d’Avignon et Paris après deux difficiles départs épiscopaux. Des missions pendant lesquelles il a été très apprécié. Au point d’être sollicité ailleurs ? Jamais deux sans trois, dit le proverbe…