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Le chemin du Christ, un chemin « intranquille »

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JESUS-APOSTLES-TISSOT

Brooklyn Museum

Recommandation aux apôtres, par James Tissot, Brooklyn Museum.

Mickaël Le Nezet - publié le 13/08/22

Le père Mickaël Le Nezet commente l’évangile du XXe dimanche ordinaire (Jr 38, 4-10 ; He 12, 1-4 ; Lc 12, 49-53). La paix que le Christ est venu apporter est une paix qui dérange : sommes-nous prêts à nous laisser surprendre et déplacer dans nos certitudes ?

« Je suis venu apporter un feu sur la terre ! » Il y a quelque chose de dérangeant à entendre une telle parole en ce temps de vacances. Nous préférons en cette période estivale des paroles d’apaisement, de réconfort, d’encouragement et voilà que la Parole de Dieu nous parle de divisions, d’épreuves, de mise à mort. Dans un petit livre de la théologienne protestante Marion Muller-Colard qui s’intitule L’Intranquillité (Bayard), l’auteur parcourant l’Écriture nous montre que c’est bien parce que la Vierge Marie a accepté l’irruption de l’ange Gabriel dans sa vie que le cours de son existence s’en est trouvé bouleversé. L’annonce qui lui a été faite vient la sortir d’une route bien tracée pour entrer dans un projet plus grand, dans le projet même de Dieu. Le Christ lui-même, écrit-elle, a accepté cette intranquillité tout au long de son ministère public jusqu’à se laisser lui-même surprendre et déplacer dans sa mission par la rencontre de cette femme cananéenne venue demander la guérison de sa fille. La Parole de Dieu nous invite ainsi à accueillir l’intranquillité et à la vivre comme une condition de notre humanité, à la manière même du Christ.

Accepter de se laisser déplacer

Ce que dénonce Marion Muller-Colard, c’est une vie installée confortablement dans des certitudes, dans des idées arrêtées, dans des schémas préconstruits, et ce peut être même dans sa vie de baptisé nous contentant du minimum vital sans que cela vienne bousculer nos manières de vivre, de consommer, et nos manières d’être avec les autres, à commencer par les plus pauvres. Ce à quoi elle nous invite, c’est à une sortie de nous-mêmes, à une disponibilité intérieure pour nous laisser surprendre, pour nous laisser déplacer. Car c’est alors là que Dieu lui-même nous attend, prêt à nous surprendre, prêt à nous faire entrer dans un projet plus grand, plus ambitieux et aussi sans doute plus vrai pour nos vies. Je ne peux pas ne pas penser encore au détour que Moïse fera pour regarder le buisson ardent et du milieu duquel le Seigneur l’appellera pour libérer son peuple de l’esclavage en Égypte. N’aurait-il pas été plus tranquille à garder le troupeau de son beau-père ? Et voilà justement, écrit Marion Muller-Colard, que « la Parole du Père vient nous déranger mais pour nous faire grandir. Il est urgent de quitter les sentiers battus du bien-être et des certitudes ».

C’est ainsi que nous pouvons comprendre l’évangile de ce jour me semble-t-il. « Je ne suis pas venu apporter la paix sur la terre mais un feu » (Lc 12, 49). Certes Jésus est bien venu apporter la paix sur la terre, mais pas cette paix que l’on se donne à la manière du monde et qui essaye de nous endormir par toute sorte d’artifices qui ne combleront jamais vraiment la véritable paix à laquelle nous aspirons. La véritable paix engage le dialogue et le pardon. Certes Jésus est bien venu apporter l’unité, la communion entre les hommes, mais pas cette unité qui n’est qu’uniformité où tout le monde devrait penser la même chose. La véritable unité suppose la confrontation, la discussion. En choisissant de mettre le Christ dans notre vie, nous acceptons de ne plus nous installer au risque de nous endormir, nous acceptons de laisser la Parole de Dieu, telle une épée à deux tranchants, venir nous interroger jusqu’à nous déranger, ne nous laissant plus tranquille. 

Les yeux fixés sur Jésus

La vie avec le Christ nous invite à cela, comme nous le comprenons dans les lectures de ce dimanche. Si nous choisissons le Christ, nous ne choisissons pas la facilité. Nous acceptons de le laisser nous bousculer chaque jour. C’est parce qu’un François d’Assise a accepté de renoncer aux richesses de sa famille qu’il est devenu le grand saint que l’on connaît. C’est parce qu’une Mère Térésa a accepté un jour de ne plus se contenter d’une vie tranquille comme enseignante dans un établissement pour jeunes filles privilégiées, qu’elle est devenue la sainte des pauvres de Calcutta. Et nous pourrions allonger la liste de toutes celles et ceux qui, au nom de Jésus Christ, ont choisi l’intranquillité comme manière de vivre mais témoignant en même temps que ce choix de vie les avait ouverts paradoxalement à une joie et une paix véritable que rien ni personne n’avait pu leur ravir, et que seul le Christ avait capacité à donner. 

Reconnaissons que dans cette intranquillité à vivre il peut y avoir quelque chose d’angoissant, de déstabilisant, d’inconfortable.

Baptisés, nous choisissons cette intranquillité parce que c’est le chemin même du Christ. Mais reconnaissons que dans cette intranquillité à vivre il peut y avoir quelque chose d’angoissant, de déstabilisant, d’inconfortable. Cela est en effet vrai si nous le vivons encore une fois centrés sur nous-mêmes ou en ne nous appuyant que sur nous-mêmes, nos capacités, nos forces, nos talents toujours limités. Et voilà pourquoi l’auteur de la lettre aux Hébreux nous invite à courir avec endurance l’épreuve qui nous est proposée, mais les yeux fixés sur Jésus qui est à l’origine et au terme de notre foi (He 12, 1-4). Il nous invite à venir vers le Seigneur les mains vides pour tout recevoir de Lui. Notre confiance doit être en Lui. Car c’est lui qui en toute circonstance affermira nos pas. C’est encore lui qui nous donnera le feu de l’Esprit-Saint qui nous assurera en toute circonstance, la sagesse et l’intelligence, le conseil et la force pour nous engager pleinement dans la vie, à la suite du Christ. Laissons la Parole de Dieu de ce dimanche nous bousculer et nous sortir de nos tranquillités bien installées mais pour plus de vie et plus de joie. 

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HomélieJésusPaix
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