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L’Assomption de la Vierge Marie, une foi de l’Église bimillénaire

simon vouet assomption

Photo (C) RMN-Grand Palais / Hervé Lewandowski,

L'Assomption de la Vierge (1644) de Simon Vouet

Jean-François Thomas, sj - publié le 14/08/22

Le dogme de l’Assomption de la Vierge Marie date de 1950, mais c’est la reconnaissance d’une foi remontant au IIe siècle. Le père jésuite Jean-François Thomas retrace l’histoire d’une conviction de l’Église qui s’est précisée au fil des siècles.

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Nombreuses sont les attaques contre le dogme de l’Assomption de la Très Sainte Vierge Marie, et elles ne proviennent pas toujours des ennemis extérieurs de l’Église. Lorsque le pape Pie XII déclara ce dogme, bien des membres de son entourage, de ses collaborateurs, essayèrent de lui faire changer d’avis et freinèrent des quatre fers. Le Pape se décida avec sagesse et prudence, et, le 1er novembre 1950, publia la Constitution apostolique Munificentissimus Deus où sa proclamation magistérielle est présentée comme une louange envers Dieu. Rien de nouveau sous le soleil en fait, car l’Église n’invente rien d’elle-même, mais au contraire la reconnaissance officielle d’une foi bimillénaire. 

La fête de la Dormition

Tout commence — ou tout au moins tout s’articule dans l’écrit, avec le Transitus, ce récit apocryphe du IVesiècle mais utilisant des éléments beaucoup plus anciens remontant au IIesiècle. Le texte insiste sur le fait que le corps de la Vierge Marie n’a pas subi la corruption et qu’il a été enlevé vers le ciel. Ce récit marial est attribué à un disciple de saint Jean, Leucio, écrivant en grec. À la fin du VIesiècle, l’empereur Maurice institua, le 15 août, la fête de la Dormition de la Très Sainte Vierge Marie Mère de Dieu. Tant l’Occident que l’Orient célébreront désormais l’incorruptibilité de la Vierge Marie et sa montée vers le ciel, intronisée auprès de son Fils. Il n’y eut, à l’époque, aucune dispute théologique sur le bien-fondé de cette reconnaissance. Les mauvais procès n’apparaîtront que bien plus tard avec certaines hérésies, et ils laissent des traces jusqu’à aujourd’hui, y compris dans l’esprit de certains clercs et fidèles qui font la moue en lisant — s’ils en prennent la peine, le texte profond de Pie XII.

Le vœu de Louis XIII

Le catholique français devrait être attaché à cette Assomption plus encore que tous les autres catholiques puisque notre pays fut consacré par Louis XIII à la Vierge Marie dans son Assomption, décision du 10 février 1638, ceci à la suite de la naissance inespérée d’un héritier, Louis Dieudonné, futur Louis XIV. Relisant les périls auxquels sa propre personne et le royaume ont échappé, le roi reconnaît la protection multiséculaire de la Sainte Vierge. Il invite tous les archevêques et évêques de France et de Navarre de s’associer au vœu que prononcera l’archevêque de Paris, et de dédier l’autel principal des cathédrales à la Mère de Dieu. Il écrit : 

“Tant de grâces si évidentes font que pour n’en différer pas la reconnaissance, sans attendre la paix, qui nous viendra de la même main dont nous les avons reçues, et que nous désirons avec ardeur pour en faire sentir les fruits aux peuples qui nous sont commis, nous avons cru être obligés, nous prosternant aux pieds de sa majesté divine que nous adorons en trois personnes, à ceux de la Sainte Vierge et de la sacrée croix, où nous vénérons l’accomplissement des mystères de notre Rédemption par la vie et la mort du Fils de Dieu en notre chair, de “nous consacrer à la grandeur de Dieu” par son Fils rabaissé jusqu’à nous et à ce Fils par sa mère élevée jusqu’à lui ; en la protection de laquelle nous mettons particulièrement notre personne, notre état, notre couronne et tous nos sujets pour obtenir par ce moyen celle de la Sainte Trinité, par son intercession et de toute la cour céleste par son autorité et exemple, nos mains n’étant pas assez pures pour présenter nos offrandes à la pureté même, nous croyons que celles qui ont été dignes de le porter, les rendront hosties agréables, et c’est chose bien raisonnable qu’ayant été médiatrice de ces bienfaits, elle le soit de nos actions de grâces.”

La mort s’incline devant Elle

Le fait que le roi souligne l’abaissement du Fils et l’élévation de la Mère ne fait que reconnaître que le sort de la Vierge Marie ne pouvait pas être semblable au nôtre, puisqu’Elle est la Nouvelle Arche d’Alliance, Celle qui porte en son sein les nouvelles Tables de la Loi, à savoir le Fils incarné. En tout, Elle ne peut que participer à la vie du Fils, à la fois dans ses souffrances lors de la Passion et sur la Croix, et dans sa gloire de Ressuscité. Une très antique tradition rapporte que la Sainte Vierge fut la première à bénéficier de l’apparition du Fils ressuscité le matin de Pâques, ceci non point pour affermir sa foi, mais pour lui offrir ce privilège, Elle qui avait partagé dans le moindre détail la vie terrestre du Christ.

La mort, pour Elle, ne pouvait être qu’une entrée directe dans l’Amour, sans passage par la corruption commune.

Nul besoin de rapporter cette rencontre dans les Évangiles, puisque les autres récits de la Résurrection sont là pour nous aider à faire tomber les écailles de nos yeux, œuvre difficile comme pour les premiers témoins du Maître leur rendant visite. Elle a porté la Vie éternelle en Elle, Elle a été touchée par la Vie au matin de Pâques. La mort, pour Elle, ne pouvait être qu’une entrée directe dans l’Amour, sans passage par la corruption commune. La mort elle-même s’incline devant Elle alors qu’elle fait trembler tous les hommes, privilège marial qui n’appartient à aucun autre être humain. Pas de porte étroite pour la Mère de Dieu, mais les vantaux largement ouverts d’un portail plus somptueux que celui des cathédrales. 

Le premier sermon sur l’Assomption

Saint Modeste de Jérusalem est le premier dont nous possédions un sermon sur la Dormition ou l’Assomption, ceci au VIIe siècle : 

“[Jésus] après l’avoir appelée auprès de lui, l’a revêtue de l’incorruptibilité de son propre corps et l’a glorifiée d’une gloire incomparable ; en lui donnant son hérédité, parce qu’elle est sa très Mère, selon ce que chante le psalmiste : “La reine se tient à ta droite, magnifique dans un vêtement où brille l’or et diverses couleurs ” (Ps 44, 10) […] Afin qu’elle resplendisse comme une aurore porteuse de la lumière spirituelle, la Vierge a fait sa demeure dans les splendeurs du soleil de justice, appelée par celui qui, né d’elle, a illuminé le monde. Cette splendeur, supérieure à celle des rayons du soleil, s’est répandue sur nous par Marie, avec abondance de miséricorde et de sentiments de piété, stimulant les âmes des croyants à imiter autant que possible sa divine bonté et sa bienveillance” (Homélie sur la Dormition, V). 

L’auteur ecclésiastique précise que la Sainte Vierge fut ainsi couronnée afin d’être notre Médiatrice et d’intercéder pour tous les hommes. Comme Elle fut préservée du péché originel et de tout péché, Elle peut ainsi être le canal direct entre nous et son Fils retourné dans la gloire du Père. Le dogme de l’Assomption est la suite logique de celui sur l’Immaculée Conception proclamé par le pape Pie IX dans sa Bulle Ineffabilis Deus en 1854. L’Église complétait ainsi par les textes magistériels l’énoncé de la foi de toujours héritée des Apôtres.

La robe d’immortalité

Le piquant auteur britannique du XIXesiècle, Hector Hugh Munro, dit Saki, note de façon amusante, dans une de ses Nouvelles : “Ne deviens surtout jamais un pionnier, écrivait Reginald à son plus tendre ami. Comme tu le sais, c’est au chrétien le plus zélé qu’échoit ordinairement le lion le plus féroce” (Le Parlement infernal. Nouvelles intégrales. Reginald et les choristes). La Très Sainte Vierge, parce qu’Elle a combattu le lion le plus féroce, étant la femme sans tache, parce qu’elle a écrasé la tête de ce lion rôdant autour de nous, de ce serpent antique, a revêtu cette robe d’immortalité sans subir la déchéance des hommes pécheurs. Elle pénétra dans le Paradis par l’ouverture de l’Ascension, réparant la faiblesse d’Ève. Elle est la pionnière de la nouvelle Création instaurée par son Fils et Elle annonce la promesse qui nous est faite de partager un jour cette même éternité.

Tags:
AssomptionCatholiquesFoiVierge Marie
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