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Pas de dates, peu de noms et quasiment aucune certitude… L’histoire de sainte Quitterie, assassinée pour avoir refusé d’abjurer sa foi catholique, est entourée d’ombres et de mystères. Cela ne l’empêche pas d’être l’une des figures de sainteté les plus vénérées du Sud-Ouest. Nous sommes au Ve siècle, l’un des plus noirs de l’histoire. En 405, des tribus germaniques et scandinaves installées de longue date en Europe centrale, fuyant les Huns venus des confins chinois, franchissent le Rhin gelé par une nuit glaciale. Les troupes romaines cantonnées en Alsace n’ont rien pu faire contre ce terrifiant déferlement d’un million de Barbares. Ce tsunami humain a ravagé la Gaule, l’Espagne, l’Afrique du nord romaine, pillant, brûlant et tuant tout sur son passage. Une partie des envahisseurs, les Wisigoths, continue vers l’Italie. En août 410, cataclysme impensable, ils s’emparent de Rome et la mettent à sac. Saint Augustin, saint Jérôme et leurs contemporains croient assister aux prémices de la fin du monde. Ce sera, en tout cas, la fin de leur monde…
L’abandon de l’Aquitaine
Pour se débarrasser des Wisigoths, les autorités impériales négocient un traité que les Romains jugent unanimement honteux : l’abandon d’une des plus belles et plus riches provinces de l’empire, l’Aquitaine, aux envahisseurs. Installés dans ce petit paradis fertile et ensoleillé, les Wisigoths n’ont pas tardé à s’y sentir à l’étroit et, poursuivant des rêves hégémoniques, ils envahissent une partie de l’Espagne, puis commencent, côté gaulois, à s’étendre vers le Massif central et la Loire, dans l’intention de s’emparer de la Gaule tout entière. Leur succès entraînerait l’effondrement des derniers restes de l’Empire romain et de sa civilisation. Surtout, il condamnerait l’Église. En effet, les Wisigoths, chrétiens, confessent l’hérésie arienne, négatrice de la divinité du Christ et férocement persécutrice du catholicisme. Pourtant, à vues humaines, dans ces années 470, rien ne semble plus pouvoir les arrêter…
Ses parents appartiennent à la haute noblesse wisigothe ; peut-être même se targuent-ils d’être princes.
C’est dans ce contexte que naît, côté espagnol des possessions wisigothiques, dans la Galice actuelle où les Bretons catholiques de Grande-Bretagne fuyant les invasions saxonnes n’ont pas encore abordé, une fillette prénommée Quitère, ou Quitterie en français. Ses parents appartiennent à la haute noblesse wisigothe ; peut-être même se targuent-ils d’être princes. En tout cas, ils sont ariens et c’est dans l’arianisme que leurs enfants sont élevés. Parmi les esclaves et les domestiques qui s’occupent de Quitterie, une femme, sa nourrice peut-être, est restée clandestinement catholique. Dans le dos du clergé arien, elle enseigne à la fillette que le Christ est véritablement le Fils unique de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu, consubstantiel au Père, et non pas une sorte de super-héros qui se serait mérité le titre honorifique de fils de Dieu.
Quitterie s’enfuit
Jusqu’à l’adolescence, Quitterie réussit à conserver le secret sur sa vraie foi. S’imagine-t-elle qu’elle le pourra toujours ? En tout cas, elle se conduit comme si elle le pouvait et elle voue sa virginité au Christ. Elle ne compte pas avec les projets de ses parents et leur intention de lui faire contracter un mariage avantageux, pour eux, bien entendu… Un jour, ils l’informent qu’elle épousera prochainement un jeune aristocrate wisigoth. Cette annonce plonge Quitterie dans la stupeur d’abord, puis dans l’effroi. Vierge consacrée, elle ne saurait appartenir à un époux ; catholique clandestine, elle ne saurait pratiquer l’hérésie de l’homme que ses parents lui destinent pour mari.
Ces jeunes filles de l’aristocratie germanique n’ont pas froid aux yeux. Elles savent monter à cheval, nager, pagayer et ne craignent pas le danger. Une nuit de printemps, profitant du sommeil de ses proches, Quitterie s’enfuit et réussit à franchir les cols pyrénéens, mettant entre elle et ce mariage odieux autant de distance qu’elle le peut. Sa fuite est vite découverte. Pour son père, l’affront est insupportable. Une rupture de fiançailles le déshonorerait et provoquerait avec l’autre famille un esclandre qui se paierait à prix d’or… Il faut ramener Quitterie, de gré ou de force. Prend-il lui-même la tête de la troupe lancée à la poursuite de la fuyarde ? Est-il accompagné du fiancé humilié ? Les versions divergent. En tout cas, la troupe d’hommes en armes rejoint la jeune fille alors qu’elle atteint Aire-sur-l’Adour. Quitterie est prise…
Elle a déjà épousé le Christ
Les Wisigoths ne sont pas des tendres, leurs femmes, qu’ils frappent et maltraitent sans vergogne, en savent quelque chose. Quand ils se lassent de leur épouse légitime et la répudient, pour éviter qu’elle prenne un autre mari, la coutume les autorise, et ils ne s’en privent pas, à lui couper le nez et les lèvres. Façon radicale de s’assurer qu’aucun homme ne s’intéressera plus à elle… Quitterie sait ce qui l’attend si elle tient tête à son père et au fiancé humilié. Ils peuvent la torturer, la tuer ; ils seront dans leur droit. Pourtant, elle leur tient tête, courageuse, décidée ; et elle s’explique : elle ne saurait se marier car elle a déjà épousé le Christ, vrai Dieu et vrai Homme. En entendant cette intolérable profession de foi, son père voit rouge et la tue. Puis il abandonne son cadavre aux bêtes.
Des catholiques des environs, témoins de la scène, lui donneront une sépulture chrétienne. Même si, au temps de Jeanne d’Albret, grande ennemie des “mômeries papistes”, les reliques de sainte Quitterie seront jetées au feu et leurs cendres dispersées, la dévotion autour de la jeune martyre ne faiblira ni dans le Sud-Ouest, ni en Espagne et au Portugal, où elle est grandement honorée. Sa réputation d’éloigner les chiens enragés, qu’elle tient en laisse et couchés à ses pieds sur les images la représentant, et de guérir de la rage les personnes mordues, a beaucoup fait, jusqu’à Pasteur, pour sa gloire.