Exil des missionnaires de la charité, fermeture d’une radio catholique, interdiction d’une procession mariale, arrestation d’un évêque… L’Église catholique au Nicaragua semble être devenue ces dernières semaines l’institution à abattre par le gouvernement de Daniel Ortega. Des événements loin d’être isolés qui s’inscrivent dans une action globale du gouvernement depuis plusieurs années. Voici sept clefs à avoir en tête pour comprendre la situation de l’Église au Nicaragua.
1979L’ARRIVÉE DU SANDINISME AU POUVOIR
En 1979, après de nombreuses années de lutte contre la dictature de la famille Somoza qui dirigeait le pays d’une main de fer depuis plusieurs décennies, le Front sandiniste de libération nationale (FSLN), fondé en 1961, arrive au pouvoir. Les sandinistes y resteront jusqu’en 1990 “pour réformer la société et l’économie du pays”. Leur arrivée au pouvoir a été en grande partie permise grâce au travail de médiation effectué par l’Église catholique, notamment par l’ancien cardinal de Managua, Miguel Obando y Bravo. Les sandinistes – avec Daniel Ortega en tête – étaient à l’origine assez proches l’Église catholique. Mais la rupture entre l’Église et les sandinistes est rapidement intervenue. Alors qu’il avait été médiateur entre la guérilla sandiniste et le gouvernement du dictateur Anastasio Somoza Debayle, Mgr Miguel Obando y Bravo devient dans les années qui suivent l’un des leaders de l’opposition à la Révolution Populaire Sandiniste (1979-1990) et de “L’Église Populaire”, composée de religieux et religieuses ainsi que de laïcs engagés dans le processus révolutionnaire. C’est le cas du père Ernesto Cardenal, également promoteur de la théologie de la libération, qui est nommé ministre de la Culture dans le gouvernement du FSLN. Son frère Fernando Cardenal, également prêtre catholique est quant à lui nommé ministre de l’Éducation.
Lorsque Jean Paul II s’est rendu au Nicaragua pour la première fois en mars 1983, deux événements ont favorisé l’éloignement du sandinisme et de l’Église catholique. Il y a d’abord eu l’avertissement public du Pape à peine arrivé à l’aéroport au père Ernesto Cardenal lui intimant à deux reprises de “régulariser sa situation”. Refusant de quitter la vie politique, par la suite suspendu a divinis par le Saint-Siège, ce qui lui interdit de célébrer la messe et d’administrer les sacrements. Et puis il y a eu cette messe célébrée par Jean Paul II et perturbé par les commandants sandinistes qui ont manifesté en plein office religieux. Au cours de cette messe célébrée à Managua, plusieurs manifestants ont scandé : “Nous voulons la paix !”. Le Pape a répondu à la répondant : “L’Église est la première à vouloir la paix ». Mais alors que les cris et slogans se sont multipliés, Jean Paul II a pris le micro afin de réclamer le silence pour prononcer les mots de la consécration, c’est-à-dire le moment le plus solennel de la messe. Mais il n’a pas pu. Jean Paul II confiera d’ailleurs par la suite à ses proches son “amertume d’alors devant la messe profanée”. À cette époque, plusieurs prêtres accusés de “terrorisme” par le gouvernement (comprendre en désaccord avec la politique sandiniste) étaient déjà chassés.
1986LA PREMIÈRE EXPULSION D’UN ÉVÊQUE
Toujours au pouvoir, le gouvernement sandiniste a voulu se venger des positions de l’Église catholiques et du rejet des théologiens de la libération par le pape Jean Paul II, considérant qu’il s’agissait d’une opposition à la révolution populaire. L’assignation à résidence puis l’arrestation récente de Mgr Rolando Álvarez n’est ainsi pas sans rappeler la persécution et l’exil auxquels le régime a soumis l’évêque de Juigalpa, Mgr Pablo Vega, en 1986. L’invitant pour une réunion fictive, il a été embarqué dans un hélicoptère puis laissé de l’autre côté de la frontière, au Honduras. L’accusation d’hier, comme celle d’aujourd’hui : “Trahison contre la patrie”.