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C’est une vieille connaissance du Parti communiste, un homme d’Église qui ne manie pas la langue de buis. À 90 ans, le cardinal Zen n’a rien perdu de sa vigueur contestataire à l’encontre du pouvoir communiste. Il est jugé avec quatre autres personnes, en tant qu’administrateurs d’un fonds de secours destiné à payer les frais de justice des manifestants pro-démocratie à Hong Kong. Il ne devrait pas tomber sous le coup de la loi sur la sécurité nationale de Hong Kong et n’encourt, en principe, qu’une amende 1.274 dollars. Mais sa probable condamnation n’en aurait pas moins une forte valeur symbolique. Le régime piloté par Pékin règle ses comptes après les troubles qui ont secoué Hong Kong en 2019 et 2020, pour protester contre l’étau qui se resserrait contre l’ancienne colonie britannique.
Une île contre l’Empire du milieu
Ces manifestations avaient débuté en opposition à une nouvelle loi d’extradition permettant à la Chine continentale d’intervenir dans le système juridique indépendant de la “région administrative spéciale” de Hong Kong. Un expatrié, présent sur les lieux au moment des faits, témoigne : “Il faut comprendre que pour les Chinois, voir des citoyens manifester ainsi bruyamment dans la rue contre les autorités, était un évènement extraordinaire. Ce n’est pas vraiment dans leur culture, d’ailleurs les policiers n’avaient pas d’équipement anti-émeute au début des évènements”. La situation s’est rapidement tendue, les manifestants ne décolérant pas, et les forces de sécurité faisant preuve de plus en plus de violence. Celle-ci s’est aggravée le 1er octobre 2020, quand un policier a tiré à balle réelle sur un manifestant. Le 8 novembre, un étudiant a trouvé la mort en marge des manifestations.
Le cardinal Zen s’est montré depuis lors le défenseur infatigable de ces catholiques cachés refusant d’appartenir à l’Église “validée” par le Parti communiste chinois.
Les opposants réclamaient le retrait du projet de loi, l’amnistie des opposants arrêtés pendant les manifestations, une commission d’enquête sur les violences policières. En fin de compte, ils ont obtenu le retrait du projet de loi, mais aucune autre concession. Beaucoup d’entre eux ont été arrêtés, et se sont retrouvés incapables de subvenir à leurs frais de justice. C’est dans ce contexte qu’est né le 612 Humanitarian Relief Fund, fonds d’aide aux personnes emprisonnées, auquel le cardinal Zen a participé. Participation qui lui vaut aujourd’hui d’être accusé de “collusion avec une force étrangère”. Pas de quoi, pourtant, intimider le cardinal.
Le vieil ennemi communiste
Joseph Zen Ze-kiun, né le 13 janvier 1932 à Shanghai, a connu la guerre civile chinoise. Sa famille a fui l’armée de Mao Zedong en 1948 pour se réfugier à Hong Kong, alors sous mandat britannique. La Chine s’est rouverte de 1989 à 1996, période pendant laquelle le père Zen put enseigner dans les séminaires officiels du gouvernement. Il enseigna aussi dans les séminaires clandestins et s’est montré depuis lors le défenseur infatigable de ces catholiques cachés refusant d’appartenir à l’Église “validée” par le Parti communiste chinois.
Les accords Chine-Vatican en question
Le procès de cette figure historique du catholicisme chinois fait écho aux accords entre le gouvernement chinois et le Saint-Siège, entamés en 2016. Le cardinal Zen n’a eu de cesse de les dénoncer. Il s’agit d’une entente entre Rome et Pékin sur les évêques à nommer au sein de l’Église catholique de Chine, assortie d’une normalisation des relations entre la Chine et le Vatican. L’idée originelle était de réunir les catholiques chinois, divisés entre ceux qui appartiennent à l’Église officielle ou “patriotique” et ceux de l’Église clandestine. Mais les détracteurs de cette démarche, dont le cardinal Zen est la figure de proue, craignent que la diplomatie vaticane ne fasse des concessions sans rien obtenir en retour. Ces accords expérimentaux seront en principe reconduits au mois d’octobre 2022.