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Comment protéger son enfant de la pornographie ?

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MOTHER AND SON TALKING

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Mathilde de Robien - publié le 29/09/22 - mis à jour le 20/02/24

Les mineurs sont de plus en plus nombreux à consulter des sites pornographiques. Dès 12 ans, plus de la moitié des garçons se rend en moyenne chaque mois sur ces sites, selon l'Arcom. Que faire en tant que parent ?

Nul ne peut nier le phénomène, ni élever son enfant sous une cloche de verre. Face au fléau de la pornographie, il est urgent que les parents évoquent le sujet avec leur enfant. Un rapport choc produit par l’Arcom en mai 2023, basé sur les données d’audience internet de Médiamétrie, met en lumière une réalité glaçante : de plus en plus de mineurs sont exposés à une pornographie de plus en plus violente, et ce de plus en plus tôt. Chaque mois, 2,3 millions de mineurs fréquentent des sites pornographiques, un chiffre en croissance rapide au cours des dernières années. Dès 12 ans, plus de la moitié des garçons se rend en moyenne chaque mois sur ces sites, ils sont près des deux tiers à s’y rendre entre 16 et 17 ans. En moyenne, 12% de l’audience des sites adultes est réalisée par les mineurs. Des chiffres qui font frémir lorsqu’on prend conscience de l’ampleur des dégâts de la pornographie sur le psychisme des enfants ou des adolescents, qui n’ont pas ou peu de capacité de distanciation face aux images reçues.

Les conséquences sont nombreuses et inquiétantes : traumatismes, troubles du sommeil, de l’attention et de l’alimentation, vision déformée et violente de la sexualité, difficultés à nouer des relations avec des personnes du sexe opposé, hypersexualisation précoce, développement de conduites à risques ou violentes, etc. Face à ce fléau, comment avertir et protéger son enfant ? “Aujourd’hui, devant les changements de la société et l’évolution des moyens d’information, ne pas parler à son enfant, c’est le laisser en vrai danger”, souligne Inès de Franclieu, spécialiste d’éducation affective et sexuelle. “Il n’y a pas de temps à perdre pour offrir à son enfant des paroles vraies et rassurantes sur le corps sexué, lui donner des bases solides et saines pour comprendre ce qu’est l’amour.”

“Si les enfants souhaitent accéder à des contenus pornographiques, c’est d’abord parce qu’ils se posent des questions sur la sexualité”, observe Olivier Gérard, responsable du pôle média-usages numériques de l’Union nationale des associations familiales (Unaf). Une manière de protéger son enfant des images choquantes consiste donc tout d’abord à oser évoquer la sexualité avec son enfant. “Donner à un enfant et à un jeune une éducation affective et sexuelle solide est le meilleur rempart contre la pornographie”, affirment Philippe Barbet et Laura Bertail, auteurs du livret 12 questions à se poser pour protéger ses enfants de la pornographie (AFC/Téqui). “S’il a découvert le vrai sens de la sexualité et de l’amour, il saura mieux résister aux mirages de la pornographie”. Une éducation qui commence tôt, avec des mots appropriés selon l’âge de l’enfant, et qui se poursuit tout au long de sa croissance. “Il est essentiel d’entreprendre l’éducation affective et sexuelle de son enfant dès le plus jeune âge, c’est-à-dire dès 3 ans. Et d’en parler régulièrement. Pas tous les trois ou cinq ans mais tous les ans !”, insistait auprès d’Aleteia la psychologue Véronique Lemoine.

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Avertir de l’existence d’images choquantes

Parallèlement à une éducation à la vie affective et sexuelle, il est nécessaire d’avertir son enfant quant aux images qu’il pourrait rencontrer sur Internet. En effet, selon un sondage Ifop de 2017, plus de la moitié des adolescents de 15 à 17 ans sont tombés involontairement sur un extrait vidéo à caractère pornographique, à l’occasion de recherches sur Internet, du téléchargement d’un film ou d’un dessin animé, ou de discussions sur les réseaux sociaux… Pour le docteur Patrice Huerre, pédopsychiatre, qui siège au tribunal de Paris pour les affaires de mineurs, l’exposition des enfants à des contenus pornographiques est inéluctable. Il revient donc aux parents de les avertir pour mieux les protéger : “Les parents doivent éduquer leur enfant à la rencontre inévitable avec des contenus inadaptés sur la toile”. Quel est le bon âge pour en parler ? Pour les AFC, cela dépend des conditions de vie de l’enfant : a-t-il un téléphone avec Internet ? Prend-il les transports en commun ? A-t-il souvent des recherches à faire sur Internet ? Regarde-t-il des films en streaming ? En tout état de cause, quel que soit son environnement, les auteurs préconisent d’avertir son enfant dès l’âge de 9 ans, en CM1.

Mais que dire ? Les mots ne sont pas faciles à trouver. Il ne s’agit pas de lui faire peur, n’y de lui donner envie de voir par lui-même ! Et comment ne pas craindre d’abîmer son innocence ? Pour Sabine Duflo, il faut avoir des mots simples : “Si un jour tu tombes sur des images choquantes, et elles peuvent surgir n’importe quand sur Internet, tu n’es pas responsable. C’est une grosse industrie qui cible les adolescents pour rapporter de l’argent. Dis-le moi, et éloigne-toi, ne regarde pas, car ces images vont casser ton rêve. Un jour, tu seras grand, tu tomberas amoureux, c’est quelque chose de beau à vivre, et si tu regardes ces images, tu ne pourras pas le vivre”. Le livret des AFC propose également les formules suivantes : “Sur Internet, tu pourrais voir des images où des hommes et des femmes nus jouent à faire l’amour mais d’une façon qui n’est pas du tout vraie : ces images sont choquantes et parfois violentes”. Ou encore : “Un copain peut t’en montrer. Tu te sentiras mal à l’aise et dégoûté. C’est une bonne réaction. Cela veut dire qu’il faut refuser tout net”.

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Favoriser le dialogue

Un enfant doit pouvoir se confier sur ce sujet, et s’il a été confronté à une vidéo pornographique, doit pouvoir dire ce qui l’a choqué. Cela demande de la part des parents une attitude d’écoute et d’empathie. “S’il a déjà vu des images pornographiques, il est très rare que l’enfant en parle spontanément à ses parents”, explique néanmoins Sabine Duflo. “Parce qu’il a honte, et qu’il se sent coupable des images sur lesquelles il est tombé.” Il est donc important de veiller à ne pas apporter de jugement mais de le rassurer en lui disant qu’il n’est pas coupable. Il est bon aussi que l’enfant entende que la pornographie est un trucage, et que, dans la réalité, les amoureux ont des gestes doux et tendres. Lorsqu’un enfant a déjà vu des images pornographiques, le protéger, c’est l’avertir sur le caractère addictif de la pornographie. “L’attrait de ces images, si on y succombe, devient une vraie drogue. Lorsque l’on commence, il est très difficile de s’arrêter”, souligne Inès de Franclieu. D’où l’intérêt de faire comprendre à un enfant qui a déjà vu de la pornographie que ces images le marquent, et qu’il ne pourra s’en débarrasser qu’à force de volonté, et éventuellement grâce à une aide extérieure. L’attitude de bienveillance et de dialogue n’exclut pas la fermeté et l’autorité. “Il s’agit de protéger les enfants d’un danger grave qui exige alors de poser un interdit ou de sanctionner quand les règles fixées n’ont pas été respectées”, avancent les auteurs du livret des AFC. Des règles qui concernent notamment l’usage des écrans et les contrôles parentaux.

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Installer des contrôles parentaux

Outre la prévention, via une éducation à la vie affective et sexuelle solide, et le dialogue, il est également bon de mettre en place des solutions techniques pour limiter l’accès à la pornographie ou l’ouverture intempestive de fenêtres “pop-up”. Il existe des filtres pour ordinateurs, tablettes ou téléphones auprès des fournisseurs d’accès à Internet. Et de nombreuses applications de contrôle parental (Family Link, Qustodio, Xooloo Parents) permettent de restreindre l’accès à Internet, notamment aux sites douteux, ou encore de verrouiller les moteurs de recherche.

“Des parents avaient l’impression que le job était fait à partir du moment où les outils étaient déployés.”

Ceci étant, aucun contrôle parental ne demeure éternellement fiable. Il ne s’agit pas de solutions miracles. Thomas Rohmer, président de l’Open (Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique), regrette que “le contrôle parental ait souvent été présenté à tort comme une sorte de solution miracle. Des parents avaient l’impression que le job était fait à partir du moment où les outils étaient déployés dans la famille”. Mais certains logiciels de contrôle parental disparaissent lors des mises à jour de l’ordinateur, ou ne fonctionnent plus quand l’appareil est en mode “économie d’énergie”. Enfin, bon nombre de jeunes doués en informatique arrivent aisément à contourner les pare-feux. Une étude Ifop de 2021 montre que 40% des jeunes connaissent l’existence de dispositifs de type VPN, dont 9% savent les utiliser. Un VPN (virtual private network) est un logiciel informatique qui permet de chiffrer ses données et de modifier son adresse IP. Il est ainsi possible d’accéder à des contenus qui sont bloqués par un fournisseur d’accès à Internet. Le caractère imparfait des solutions techniques rend l’enjeu éducatif crucial. L’accompagnement de son enfant dans un monde où la pornographie est à portée de clics suppose d’être disponible et proche de son enfant, de s’intéresser à ce qu’il vit, de se tenir au courant des dernières applis à la mode, d’être attentif à son comportement… C’est sans doute ainsi que viendront les mots pour lui parler de la signification profonde de la sexualité et lui proposer d’emprunter le beau et exigeant chemin de l’amour vrai.

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Tags:
ÉducationEnfantspornographieSexualité
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