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Qu’est-ce que François de Sales, cet évêque savoyard mort il y a tout juste quatre siècles, peut avoir à nous enseigner sur la vie chrétien alors que nous vivons dans un monde si différent du sien ? Si on veut bien prendre la peine de le lire, en particulier dans sa correspondance (cf. Fr. de Sales, Lettres intimes, prés. A. Ravier sj, Le Sarment), on découvre qu’il ne cesse d’inviter les chrétiens à qui il parle — et qui était assoiffés de perfection — à mettre le combat spirituel à sa juste place. Arrêtez de rêver que la vie spirituelle va faire de vous quelqu’un d’autre, arrêtez d’imaginer que la grâce va faire disparaître les limites de votre condition humaine… Voilà comment on pourrait résumer ce conseil qu’il ne cesse de répéter.
Accepter d’être imparfait
Nous avons à faire tout notre possible pour lutter contre nos défauts, en particulier ceux qui font souffrir les autres, mais ce n’est pas un péché d’être imparfait ! Nos actions, nos prières, notre foi resteront toujours marquées par l’imperfection, car nous sommes des êtres humains, limités. Et la limite n’est pas un péché. C’est ainsi qu’il enseigne à une jeune fille ivre d’absolu : nous ne sommes pas excusables de ne pas chercher à réduire nos défauts, ni inexcusables de ne pas le faire complètement…
Saint François de Sales nous alerte sur l’orgueil qui peut se glisser dans un tel désir de sortir de la condition humaine à la force du poignet.
Nous vivons dans une époque marquée par un goût immodéré pour la perfection, le “zéro défaut”, la performance, et cela marque beaucoup de chrétiens, y compris dans leur vie spirituelle. Saint François de Sales nous alerte sur l’orgueil qui peut se glisser dans un tel désir de sortir de la condition humaine à la force du poignet. Il nous invite à nous prendre avec un peu d’humour quand nous nous découvrons imparfaits. Il nous encourage à découvrir que la charité et l’humilité sont des vertus essentielles, et que l’absence de failles n’est pas une vertu…
Doucement, paisiblement, amiablement…
Cela changera le regard que nous portons sur nous-mêmes mais aussi notre manière de considérer les autres. Eux aussi sont marqués par des limites. Il nous faut marcher ensemble, sans complicité avec le mal bien sûr, mais avec patience et miséricorde envers les ratés qui affectent toutes nos actions. “Marchons avec la troupe de nos frères et compagnons doucement, paisiblement et amiablement”, écrit-il dans l’Introduction à la vie dévote. Trois petits adverbes qui n’ont l’air de rien, mais qui sont en fait d’une exigence terrible !
François de Sales est le champion des conseils apparemment anodins, et qui peuvent paraître un peu à l’eau de rose si on les lit trop vite, alors qu’ils sont porteurs d’un éventuel combat intérieur qui ne sera pas de tout repos. Accueillir l’autre avec douceur et paisiblement, alors qu’il nous énerve par ses négligences, par ses oublis, ou par ses plaisanteries… Encaisser les gaffes, les indélicatesses ou les petites trahisons de la vie courante sans en faire une affaire d’État… Être capable de comprendre que ce que fait l’autre est maladroit, voire blessant, mais que cela ne signifie pas nécessairement qu’il a voulu consciemment me faire mal… Les terrains de mise en pratique ne sont pas difficiles à trouver, mais la pratique de la douceur et de la bonté s’avère alors être un redoutable combat.
Pratique :