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Manquerons-nous d’énergie alors que chaque jour on nous annonce la possibilité de l’effondrement ? Là encore, ne pas fuir, mais demeurer. Demeurer au cœur de cette humanité ballotée par l’orgueil de ceux qui croient savoir et le cynisme de ceux qui veulent régner. Encore une fois, comme Marie et Joseph, cheminer dans les méandres des routes où les cohortes d’entrecroisent, sans exiger d’autre traitement que celui du commun. Sans perdre de vue Celui qui pousse, en eux, le désir, ils se frayent un sentier. Ils ne sont ce qu’ils sont que parce qu’ils sont là, entourés, immergés, s’abandonnant. Jamais on n’affirme autant ce que l’on est qu’en acceptant de s’effacer. S’effacer, non pas disparaître, mais se laisser confondre. Car c’est au cœur de cette rencontre que jaillit toute singularité, que se révèle la Vérité : non ce que je suis, mais ce qui se révèle en, par, avec moi.
“Avec nos frères en humanité…”
Un texte retrouvé sur un banc, à la fin d’une session, un été en Grèce, où se rencontrent philosophie, théologie et écritures, et rédigé par une main qui demeure anonyme, exprime bien cela :
“Nous pouvons reconnaître que chacune de nos Églises confesse le même Dieu vivant, Père, Fils et Saint Esprit. Avec nos frères et sœurs chrétiens, nous confessons que le Dieu unique est Père, au-delà de tout et de tous, Fils s’approchant de tout et de tous, et Esprit Saint, au-dedans de tout et de tous. Dans toutes nos Églises, nous célébrons le Dieu unique et trois fois saint comme un mystère d’infinité et de proximité, de communion et de communication, de tendresse et de justice. Pour la foi commune qui nous habite, nous jubilons.
Avec nos frères en humanité juifs, nous confessons que Dieu est le Créateur de l’univers et qu’il est le Saint. Et différemment d’eux, nous confessons que le Créateur s’est fait créature et que le Saint s’est incarné.
Avec nos frères et sœurs en humanité musulmans, nous confessons que Dieu est le Tout-Puissant, le Parfait, l’Immortel. Et différemment d’eux, nous confessons que le Tout-Puissant a accepté d’être fragile, que le Parfait a porté nos imperfections et que l’Immortel, par la mort et la résurrection de Jésus, a transfiguré notre mortalité.
Avec nos frères et sœurs en humanité hindous, nous confessons que Dieu est l’Un indescriptible. Et différemment d’eux, nous confessons que son Unité est multiple et que le monde multiple ne se résorbe pas dans l’Un.
Avec nos frères et sœurs en humanité bouddhistes, nous confessons que la réalité ultime est inexprimable. Et différemment d’eux, nous confessons que l’inexprimable s’est exprimé, non comme “vide” impersonnel mais comme être personnel qui s’est “vidé” de soi.”
Avec, et différemment
Ainsi, avec les religions de l’Orient, nous confessons que Dieu est Silence et Souffle. Avec les religions juive et musulmane, que Dieu est Parole. Et différemment de toutes, nous confessons que Dieu est tout à la fois Silence, Parole et Souffle, que la Source silencieuse s’est faite parole, que la Parole s’est faite chair et que par le Souffle de la Parole, toute chair peut devenir une parole animée à la louange de Dieu au-delà de tout.
Avec nos frères et sœurs du continent africain dont la religion des ancêtres et les divers cultes animistes dessinent et orientent la relation au monde, nous confessons que minéral, végétal, animal et humain sont animés en une commune création. Et à la différence d’eux, nous croyons que cela peut se vivre, non en une quelconque loi de défiance mais en une alliance quotidienne de bienveillante liberté.
Avec nos frères et sœurs en humanité sans religion et de bonne volonté, nous confessons que les droits de l’homme sont inaliénables. Et différemment d’eux, nous confessons que l’humain est image du divin.
Avec l’Apôtre Paul et tous les chrétiens de tous les temps, nous confessons la divinité, l’incarnation, la mort, la résurrection et l’élévation de Jésus, Fils de Dieu, reconnu comme Messie, venu et qui vient. Et cette confession commune nous réjouit intensément. »
Oui, cheminer au cœur du monde, en quête de cette jubilation qui naît de la rencontre : jubilation d’être avec, intimement avec, profondément avec.