Pour qu'Aleteia poursuive sa mission, faites un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu. Ainsi l'avenir d'Aleteia deviendra aussi la vôtre.
*don déductible de l'impôt sur le revenu
“Trois jours après le décès quasi foudroyant de ma grand-mère, nous avons découvert dans son sac à main l’avis d’un médecin. Il disait qu’il ne lui restait plus que quelques semaines à vivre. Elle ne nous l’avait jamais dit”, explique Anne, 30 ans. Ce comportement de sa grand-mère, décédée des suites d’une leucémie, elle ne l’a jamais compris. “Pourquoi ne nous a-t-elle rien dit ? Si je l’avais su, j’aurais passé à ses côtés tout le temps qui lui restait”, glisse la jeune femme. Entre les premiers symptômes, les examens, les hypothèses, les analyses complémentaires et le diagnostic final, plusieurs semaines voire plusieurs mois peuvent s’écouler. Autant de temps qui laisse à la personne atteinte d’une maladie grave d’accepter sa situation et d’en parler à son entourage. Et pourtant, certains peinent à le faire.
Les causes du mutisme
“C’est toujours sous couvert de protection, que ce soit pour protéger ses proches ou pour se protéger soi, que le patient a peur d’annoncer sa maladie à ses proches”, explique à Aleteia Catherine Mognolle, psychologue à la maison médicale Jeanne Garnier à Paris. Et de poursuivre : “J’entends des personnes dire “Je ne peux pas leur annoncer ça. Ils ne le supporteraient pas””. Et pourtant des membres de sa famille me disent après : “Nous savons qu’il va mourir””. Selon la spécialiste, le patient a aussi peur d’être catalogué, et craint que l’on ne parlera que de sa maladie une fois qu’il l’aura annoncée.
“En unité de soins palliatifs, je vois aussi des différences assez visibles entre ce que le patient sait de sa maladie et ce que ses proches savent ou imaginent. Il y a, par exemple, beaucoup de fantasmes autour d’une guérison possible. Parfois, les gens préfèrent aussi minimiser les choses. Une personne peut, par exemple, dire qu’elle a un cancer grave, sans forcément préciser que la tumeur s’étend ou que les traitements ne font pas effet”, ajoute Catherine Mognolle.
C’est le cas du grand-père de Nicolas, atteint de la maladie d’Alzheimer. “Il est touché par cette maladie depuis plus de dix ans. Et nous l’avons découvert tardivement, quand son comportement a commencé à changer. Pourtant, il le savait depuis longtemps. Il ne voulait rien nous dire. Il voulait continuer à travailler, il avait peur de perdre son emploi et de ne plus pouvoir aider à payer nos études, à mes frères et moi”, explique le jeune homme de 22 ans.
Si la psychologue remarque qu’il n’y a aucune obligation d’annoncer sa maladie à son entourage, elle note cependant qu’”il ne faut pas non plus se fermer à la possibilité de le faire”. Alain le sait et pourtant, il préfère attendre de l’annoncer pour le moment. Plongé dans une profonde dépression depuis qu’il a découvert qu’il souffre de la maladie de Parkinson, il ne souhaite pas se confier à propos de son état de santé. “Je ne veux pas de la pitié. Je ne veux pas que les autres me voient comme un mort-vivant”, explique le sexagénaire. La seule personne à qui il a avoué son diagnostic est son curé. “Je lui fais confiance, je sais qu’il gardera le secret. Je lui ai juste demandé de prier pour moi”.
Pourquoi l’annoncer ? La réponse de saint Jean Paul II
“Être malade, ce n’est pas rien. Ça bouscule beaucoup de choses. On ne peut pas faire comme si ça n’existait pas car ça demande un double effort. Non seulement on traverse la maladie, mais en plus, on la traverse seul”, prévient Catherine Mognolle. L’annoncer à son entourage permet donc d’avoir son soutien. C’est aussi le conseil que donne en 1962 Mgr Karol Wojtyła, alors évêque auxiliaire de Cracovie, à son amie Wanda Poltawska, une psychiatre polonaise touchée par un cancer du côlon. Elle se sent incapable de l’annoncer à son mari Andrzej. La peur de l’imaginer seul avec leurs quatre filles en bas âge et de mourir prochainement la paralyse.
Se battre ensemble “pour sa santé et pour sa vie”.
Comme elle le décrit dans son ouvrage “Journal d’une amitié” (Médiaspaul), elle décide d’écrire une lettre à Karol Wojtyla, son ami spirituel de toujours, pour lui confier la mauvaise nouvelle en secret. Comprenant que son amie est tentée d’abandonner les traitements nécessaires, le futur pape lui répond aussitôt en lui demandant de “tout dire à son mari”. Selon lui, il était très important pour que le couple se batte ensemble “pour sa santé et pour sa vie”. Quelques jours plus tard, Wanda Poltawska confie tout à son époux et prend la décision de se faire opérer. La date est fixée au jeudi 22 novembre 1962. Mais finalement elle n’aura pas lieu. Wanda a été miraculeusement guérie par l’intercession de Padre Pio.
Comment s’y prendre ?
“Tout dépend de la relation que l’on entretient avec la personne”, note Catherine Mognolle. Des propos qui trouvent écho dans l’histoire de Paul, 55 ans. “Lorsque j’ai appris que j’étais atteint d’un cancer du poumon, j’en ai tout de suite parlé à ma femme. En revanche, je n’ai rien dit à ma famille. Je ne les trouve pas sincères, nous avons un passé difficile ensemble. Je sais que si je leur en parle, ils vont tout de suite penser à l’héritage…”, confie-t-il à Aleteia.
Pour ceux qui décident de franchir le pas et s’ouvrir à leurs proches, Catherine Mognolle conseille d’éliminer l’annonce faite naturellement. Commencer directement en disant qu’on a une maladie grave est à proscrire, cela pourrait brusquer trop rapidement l’entourage. “Il faut plutôt amener le sujet en douceur, tout en prenant en considération la fragilité potentielle de l’autre. Parler comme quand on parle aux enfants, éviter le vocabulaire trop technique. Ne pas aller au-devant des questions, c’est-à-dire donner des informations qui n’ont pas été demandées et qui pourraient faire effraction, jusqu’à créer un traumatisme chez l’autre.”
En effet, il faut toujours garder à l’esprit qu’annoncer une mauvaise nouvelle est aussi difficile pour celui qui la donne que pour celui qui la reçoit. Quant aux émotions, ce n’est pas nécessaire de les retenir. “Je vois des proches des malades qui ne veulent pas pleurer, mais c’est pourtant bien de pleurer ensemble, partager des émotions ensemble, même la peur”, note la psychologue.
Comment le dire aux jeunes enfants ?
Si en revanche, la personne a beaucoup de questions, ou qu’on est incapable de lui parler de sa maladie pour diverses raisons, il est possible de lui proposer de se rendre ensemble chez le médecin afin qu’il joue le rôle de médiateur. “Mais attention, l’annonce des médecins n’est pas toujours délicate. Cela dépend des médecins bien sûr. Il faut donc avoir vraiment confiance en son docteur”, glisse Catherine Mognolle. Il est à noter qu’une bonne partie des gens apprennent le diagnostic ensemble au cabinet médical, même si certains préfèrent se rendre seul à ce rendez-vous important.
Comment en parler aux jeunes enfants ? On recourt aussi souvent aux médecins pour annoncer la mort proche d’un patient à ses jeunes enfants. “Il ne faut surtout pas parler en termes médicaux de la maladie, prévient Catherine Mognolle. “Papa est fatigué” parlera plus aux enfants que si on leur explique la maladie de leur père. Le mieux, c’est de leur parler une fois qu’il y a des signes visibles de la maladie”.