Les recherches sur Google montrent que de plus en plus de personnes cherchent le texte de la prière de libération, appelée aussi la prière de délivrance. D’autres cherchent un soutien effectif auprès des prêtres et des groupes charismatiques pour la pratiquer. Sans aucun doute, depuis quelques années, on assiste à son véritable renouveau. Mais en quoi consiste-t-elle ? S’agit-il d’un exorcisme ? Comment trouver la véritable libération ? Le père Jaroslav de Lobkowicz, vicaire à Notre-Dame de Boulogne, partage avec Aleteia son expérience pastorale.
Aleteia : Comment expliquez-vous que de plus en plus de personnes, croyantes ou pas, se tournent vers la prière de libération ?
Père Jaroslav de Lobkowicz : Avec la perte de repères religieux, c’est-à-dire existentiels, de nombreuses personnes sont dans la confusion. Et dans cette confusion, il y a beaucoup de combats spirituels et existentiels à la fois. Le besoin d’une parole claire et ferme – provenant d’une autorité qui n’est pas celle des hommes – est de plus en plus significatif, selon moi. La prière de libération aide à retrouver la liberté en Dieu, parce que Lui veut vraiment notre liberté !
Vous accompagnez spirituellement les laïcs depuis une dizaine d’années, notamment en les aidant à se libérer des forces occultes. Comment avez-vous été appelé à accomplir cette mission particulière ?
Quand j’ai commencé à travailler comme vicaire de paroisse, j’ai eu des demandes d’aide de fidèles, souvent après la confession. Ils me décrivaient des expériences vécues qui étaient très douloureuses, des épreuves parfois paranormales liées à la superstition, l’idolâtrie ou l’occultisme. Beaucoup de personnes, en cherchant le sens de leur vie, s’ouvrent à des forces ténébreuses, qui sont en dehors du plan de Dieu. Les personnes qui se confient à un prêtre sont la plupart du temps les victimes de leur égarement : elles cherchent un soutien, un refuge contre les forces occultes qu’elles ont fréquentées parfois sans en être conscientes. En les écoutant, j’ai compris qu’il fallait les aider notamment à travers la prière de libération. Je me suis renseigné auprès de confrères comment les accueillir pastoralement et les conduire dans une démarche de libération pour qu’elles reprennent l’autonomie et ne soient plus exposées aux souffrances.
Quelles ont été vos premières expériences pastorales dans ce domaine ?
Je me souviens de la première personne, c’était une femme. Elle me parlait d’une présence maléfique en elle qu’elle percevait clairement, et elle me demandait la prière. Je ne savais pas comment l’aider. La seconde expérience concernait une personne qui me disait qu’elle sentait qu’il y avait un serpent dans son ventre. Je ne l’ai pas renvoyée vers un soutien psychiatrique car j’ai rapidement compris qu’elle était sérieuse. C’était une personne équilibrée avec un suivi médical dont les examens disaient qu’elle n’avait rien. Elle était confrontée à un contexte occulte et malsain, lié à la sorcellerie.
Comment peut-on repérer cette dimension du Mal chez quelqu’un ?
Cette dimension se fonde sur les récits de l’Evangile et la tradition de l’Église. Le plus important, c’est que le Christ qui a fondé l’Église a exercé lui-même la libération des âmes des emprises des ténèbres. Il a envoyé ses disciples guérir les malades, expulser les démons, proclamer la Bonne Nouvelle : ce ne sont pas que des paroles, mais des actes qui sont d’un ordre spirituel.
Dieu a créé le monde par la parole. La prière a, par analogie, un effet physique et créateur, elle peut apporter la guérison.
C’est l’accomplissement des prophéties : “Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira (…) Le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra ; sur le trou de la vipère, l’enfant étendra la main…” (Isaïe, 11)
Quel est le sens précis de la prière de libération ?
C’est un acte de foi qui rend le fidèle présent à Dieu et apte à recevoir les secours de la grâce. La spiritualité fonctionne beaucoup avec la parole car Dieu a créé le monde par la parole. La prière a, par analogie, un effet physique et créateur, elle peut apporter la guérison.
Pour la prière, faut-il un discernement du prêtre ? Quand y avoir recours ?
Les fidèles demandent un soutien dans la prière pour des combats qu’ils n’arrivent plus à gérer. Une des fonctions essentielles du prêtre, c’est l’intercession. Il est important d’avoir recours à un prêtre quand on est confronté à des puissances qui n’obéissent pas au plan de Dieu et quand on abuse du nom de Dieu et du pouvoir que Dieu a donné, en invoquant des forces comme la sorcellerie.
Il y a des combats spirituels ou même des présences occultes qui ne sont pas des possessions. Dans ce cas, un prêtre de paroisse peut agir.
Le prêtre doit discerner et s’assurer de l’équilibre psycho-médical de la personne. Bien sûr, on n’est pas dans les preuves à travers des certificats médicaux, mais on doit s’assurer moralement que la personne a une vie relativement équilibrée. Si c’est le cas, la prière de libération trouve sa place. Il est recommandé aussi, pour des situations plus lourdes, d’être accompagné, entouré, dans la prière et le discernement par au moins une autre personne de plus que le prêtre. Cette personne aura un autre regard et soutiendra la rencontre de foi par ses propres intuitions et prières.
La prière de libération fait-elle partie des exorcismes ?
L’exorcisme est réservé à des cas de possession. Mais tout n’est pas possession, il y a des combats spirituels ou même des présences occultes qui ne sont pas des possessions. Dans ce cas, un prêtre de paroisse peut agir. Le diocèse de Paris recommande aux paroisses d’être capables d’accueillir des demandes des fidèles de ce type, aussi pour libérer un peu les prêtres exorcistes qui sont très sollicités. Nous sommes plusieurs prêtres en Île-de-France à accomplir cette mission pastorale.
Quel est le rituel de la prière de libération ? Comment se déroule-t-elle ?
C’est d’abord et en grande partie l’écoute de la situation pour bien estimer la difficulté, le type de combat, les circonstances qui ont conduit la personne à ce combat. C’est essentiel pour voir comment on peut les dénouer, éviter les relations malsaines, les compromissions dans le péché.
Saint Ignace de Loyola parle des esprits qui peuvent s’emparer de nous et nous nuire : l’amour propre, la volonté de puissance, la culpabilité…
La prière de libération s’adresse à Dieu, on Lui demande de renouveler la grâce du baptême. Elle professe la foi, l’adoration de Dieu. Elle reprend certains des principes du baptême. Elle est aussi une demande à Dieu, et un désir de vivre la vie dans la foi et la prière. Vient alors la demande de pardon des péchés, les siens, ceux des autres afin de devenir comme le Christ et vaincre le pouvoir du péché. C’est très concrètement renoncer aux esprits qui sont en nous comme, par exemple, celui du découragement ou de la peur. On peut ainsi nommer de nombreux esprits. L’interprétation peut rester très large : il ne faut pas trop la comprendre au sens littéral, mais il ne faut pas l’exclure non plus. Saint Ignace de Loyola parle du discernement des esprits en énumérant ceux qui peuvent s’emparer de nous et nous nuire : l’éventail est vaste entre l’amour propre, l’égocentrisme, la volonté de puissance, la culpabilité.
Le but est de se libérer de tout emprisonnement. Cette purification permet de retrouver la liberté qui est un synonyme de la sainteté.
Le but est de se libérer de tout emprisonnement, de toute lourdeur, de tout obstacle. Cette purification permet de retrouver la liberté qui est un synonyme de la sainteté. Il est important de prendre conscience que c’est en suivant la volonté de Dieu avec joie que nous trouverons la liberté. Pour résumer, la prière de libération passe par des étapes qui se suivent : profession de foi et demande ; le pardon ; le renoncement ; la parole d’autorité, qui peut être dite par le prêtre ou par un chrétien, au nom du Christ.
En quoi consiste cette parole d’autorité ?
Le prêtre exprime avec autorité et dans la force de la foi que les esprits du péché n’ont pas de droit sur la vie du fidèle. C’est une expérience très forte pour la personne qui demande la prière de libération et qui est confirmée dans la bénédiction de Dieu. C’est en conclusion que vient la bénédiction. Le prêtre bénit le nouveau chemin vers Dieu.
Quel conseil donner si une personne se demande si elle n’est pas sous l’emprise d’une force maléfique ?
Il est essentiel d’en parler avec des personnes de confiance, ne pas rester seul. Il faut prier : les forces occultes ont horreur de la prière et du sacré. Si on entre dans une église et qu’on se sent mal, qu’on est pris par exemple d’une forte quinte de toux, cela peut être un signe. Parfois, une personne qui se convertit se met à rencontrer des problèmes qu’elle n’avait pas avant, qui peuvent être le signe d’une emprise.
Qu’est-ce qui vous étonne ou émerveille le plus dans votre accompagnement des laïcs à travers la prière de libération ?
Tout d’abord, c’est une exigence de cohérence dans ma vocation de prêtre. Ce qui m’émerveille, car c’est lié, c’est de voir les fruits spirituels. Je me souviens d’une personne à peine convertie qui avait développé un cancer. Elle a demandé à se confesser, à recevoir une prière de délivrance pour ses péchés, et de guérison pour sa maladie. Elle s’en est sortie suite à la prière de délivrance et au sacrement des malades. Le cancer est parti. Cela m’a beaucoup impressionné et a confirmé la portée de la prière et des sacrements de l’Église, secondés par la foi vivante, un sincère repentir et un changement de vie.