“J’ai trop peur de souffrir”, “j’en suis incapable”, “c’est trop risqué”… Qui n’a pas été accaparé au quotidien par des pensées limitantes de ce type ? “C’est vraiment mon cas !”, confie à Aleteia, Clara, 23 ans, étudiante parisienne en grande école. “J’ai l’impression parfois de vivre une double vie. Le matin, je me projette dans des grands changements et l’envie de tout bouleverser. Car quelque chose me dit que ma voie n’est pas forcément de réussir mon école, mais peut être de partir pour une mission qui serait directement liée à ma foi… Et quand vient le soir, une petite voix dresse la liste des obstacles : “enfin, sois réaliste”, “il faut que tu gagnes ta vie”, “les temps sont durs”… Pas facile d’oser tout laisser tomber”, reconnaît-elle.
Gagner sa vie ou vivre pleinement ?
Mais désirer vivre, est-ce gagner sa vie ou vivre pleinement ? Cette petite voix du soir, est-ce celle qui ramène Clara au réel, en la tentant de mener une vie confortable, sans peines ni inquiétudes ? Quelle est la clé pour éviter les fausses croyances ? Dans son magnifique ouvrage La véritable philosophie du Christ. Osez désirer tout(Flammarion), le philosophe Denis Marquet, donne une réponse saisissante. Et elle part de cette recommandation du Christ :
Dans ce passage, Jésus désigne un mode de vie où les besoins de l’être humain sont comblés, où règne une parfaite abondance. Mais cet art de vivre décrit par le Christ est-il réaliste ? Comment, pratiquement, ne pas se faire de souci pour subsister ?
Si nous vivons dans le manque (matériel, social, affectif…), c’est que nous cherchons en priorité ce qui est secondaire.
“Le Christ propose un renouvellement de notre être. Tout ce que nous savons n’a, dès lors, plus aucune valeur. En réalité, nous vivons d’une vie infinie. Mais nous avons décidé de nous séparer de notre source de vie. Nous sommes influencés par la pression ou la peur de devoir avant tout assurer notre existence matérielle, ce que l’on appelle faussement “gagner notre vie”. Alors que le Christ propose, écrit Denis Marquet, la vraie “voie pour entrer dans une parfaite abondance”.
Une question de priorité
A la clé de cet art de vivre, il y a le mot “d’abord”. Dans le passage cité, le Christ change l’ordre de priorité : d’abord l’essentiel, ensuite l’accessoire. Et il alerte : si l’accessoire devient la priorité, l’essentiel risque alors de se perdre. Voilà pourquoi les soucis et les tracas du quotidien doivent être considérés comme ce qui “reste”. “Si nous vivons dans le manque (matériel, social, affectif…), c’est que nous cherchons en priorité ce qui est secondaire”, affirme le philosophe.
Mais comment mettre au second plan les peines du quotidien ? Comment respecter l’ordre de priorité et oser tout dans sa vie ? Voici deux pistes qui viennent des enseignements du Christ :
1Se tourner vers l’intérieur
Qui, dans sa vie quotidienne ne connaît pas des pics de tension plus ou moins intenses, en fonction des tracas et des soucis ordinaires ? “Nous sommes tendus vers des objets extérieurs (personnes, biens, situations) que nous convoitons ; ou bien raidis contre ce qui, dans le monde extérieur nous effraie”, écrit Denis Marquet. Et même si le besoin de se nourrir, se vêtir, dormir sous un toit est comblé, ce n’est pas pour autant que la tension disparaît. Elle fixe alors d’autres convoitises : une nourriture plus savoureuse, un vêtement plus beau, une maison plus grande… “Les passions nous jettent alors d’une attraction à une autre et ne nous laissent jamais en repos. Notre conscience, obnubilée par l’extérieur, se situe ainsi à la périphérie de nous-mêmes ; et notre sensation de nous-mêmes se réduit aux vicissitudes de notre tension et de ses brefs soulagements”, insiste-il.
Alors que le Christ indique clairement que le périphérique n’est pas essentiel, il donne même une recommandation à l’opposé : celle de se retourner vers l’intérieur. Pourquoi ? Saint Augustin l’a très bien saisi. Car Dieu est “plus intérieur que le plus intime de moi-même”.
2Réparer le désir malade
Dans ce cas, comment faire avec les tentations et les désirs orientés vers la périphérie ? Si le bouddhisme parle de l’homme “malade de désir” et enseigne alors d’en guérir en cessant de désirer, le christianisme a une toute autre vision : c’est le désir qui est malade. Il ne s’agit donc pas de s’en débarrasser, mais de le réparer, de lui “redonner sa santé”. “La guérison christique ne consiste pas à renoncer au désir, mais à réparer le désir. Et s’il s’agit de renoncer à quelque chose, ce n’est pas au désir ni même à ce que l’on désire, mais à un ordre de priorité faux. Alors, dans l’ordre de notre désir, que s’agit-il de mettre en priorité ? “Cherchez d’abord le règne et la justice de Dieu”, explique Denis Marquet.
Le Christ propose ainsi un renouveau de l’être en plaçant le désir dans l’infini, loin des tensions liées aux biens finis. Et il dresse ainsi un art de vivre radical qui indique une chose : cesser de se battre, cesser de peiner, mais se reposer en Dieu et oser désirer l’infini : “Venez à moi, je vous donnerai le repos”. Ce repos en Dieu et le désir de l’infini permettent alors une plénitude, celle aux deux éclats essentielles : la grâce et l’amour.
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