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Pourquoi la législation belge sur la fin de vie ne constitue en rien un modèle

EUTANAZJA DZIECI

Gorodenkoff | Shutterstock

Alix de Bonnières - publié le 14/01/23

Chef de service d’une unité de soins palliatifs, auteur de “La Fin de vie apaisée” (Téqui, 2021), le Dr Alix de Bonnières dénonce les dérives en progression constante de la pratique de l’euthanasie en Belgique, dont Emmanuel Macron fait un "modèle".

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Depuis une vingtaine d’années, la législation sur la fin de vie ne cesse d’évoluer et l’on assiste à un phénomène de paliers, dont l’objectif sous-jacent est de préparer l’opinion publique à la légalisation de l’euthanasie. La loi Leonetti, votée en 2005 affirmait trois principes : le refus de l’acharnement thérapeutique (désormais appelé obstination déraisonnable), le droit de tout patient de refuser d’entreprendre ou d’arrêter un traitement et la possibilité de rédiger ses directives anticipées. Les services de soins palliatifs se sont appropriés cette loi, mais elle est restée inconnue des autres services et du grand public. Cette loi était peut-être imparfaite, mais c’était une loi proportionnée, qui laissait une souplesse d’application et que beaucoup de pays européens nous enviaient. Néanmoins elle fût déclarée “mauvaise loi” par les partisans de l’euthanasie, qui préparèrent l’opinion à une seconde loi.

Des dérives en progression constante

La loi Clayes-Leonetti a introduit en février 2016 le droit à une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès, permettant ainsi de plonger le patient dans un “coma artificiel” et ainsi de le “faire dormir avant de mourir”. Pour être éligible à ce droit, le patient doit être atteint d’une affection grave et incurable, avoir un pronostic vital engagé à court terme et présenter une “souffrance réfractaire”. Cette loi a également défini l’alimentation et l’hydratation artificielles comme des traitements, notion d’importance, puisque ceux-ci peuvent donc être arrêtés sur la demande du patient. Cette loi reste assez imprécise dans ses termes, permettant ainsi à certains médecins de s’affranchir des critères légaux et de faire “bénéficier” de la sédation à de plus en plus de patients. Là encore, cette loi n’a pas contenté certains adeptes du libre choix, qui trouvaient qu’elle n’allait pas assez loin. Aussi le président Emmanuel Macron a-t-il ouvert la porte à une éventuelle modification de la loi, se disant inspiré par le modèle belge.

L’euthanasie a été légalisée en 2002 en Belgique et les vingt années de recul dont nous disposons mettent en évidence des dérives en progression constante. Cette loi portait déjà en elle les germes de dérive du fait d’un contrôle des euthanasies insuffisant. Les euthanasies sont contrôlées a posteriori par une Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie. Les membres de la Commission de contrôle procèdent eux-mêmes à des euthanasies, ils sont donc juge et partie. Il est prévu une saisie du procureur en cas d’irrégularités, mais en réalité cette saisine n’a jamais lieu. La seconde dérive concerne le non-respect des indications initiales. Ainsi la Cour européenne des droits de l’homme, suite à une plainte de famille, a épinglé le 4 octobre 2022 ladite commission, pour absence d’information et de consentement. 

Que penser de l’autonomie des soignants dont la main droite soignerait et la main gauche mettrait fin à la vie ?

Exclusion sociale

La troisième dérive tout aussi grave consiste en un élargissement des autorisations d’euthanasie, puisque celle-ci peut dorénavant être pratiquée sur des enfants mineurs, des malades atteints d’affection psychiatrique, et des polypathologies entraînant “une exclusion sociale”. Le cas le plus emblématique de ces dérives est illustré par l’euthanasie en octobre 2022 d’une jeune femme de 23 ans, souffrant d’un syndrome de stress post-traumatique secondaire à l’attentat dans l’aéroport de Bruxelles. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le Xe rapport de la Commission d’évaluation 2020-2021 montre une augmentation de 10,4% des euthanasies déclarées en 2021 par rapport à 2020, ce qui représente une augmentation de 1049% par rapport au nombre d’euthanasies déclarées en 2003. Enfin 80 % des personnes euthanasiées présentaient une souffrance psychique. Par ailleurs, en Belgique l’euthanasie se pratique dans les services de soins palliatifs, ce qui est contraire à la philosophie qui imprègne les soins palliatifs en France.

Mourir accompagné

Le respect de l’autonomie des patients est un acquis incontestable depuis la loi Kouchner de 2002. Mais il est à craindre que des personnes en situation de vulnérabilité que représentent la vieillesse, la démence ou la fin de vie, n’en viennent à obéir à la pression sociétale et n’osent exprimer leur désir de vie. Les patients fragilisés par la maladie n’en viendront-ils pas à penser qu’ils représentent un poids pour la société, ou bien que leur vie n’a plus de sens si personne n’est là pour leur affirmer le contraire ? Que penser de l’autonomie des soignants dont la main droite soignerait et la main gauche mettrait fin à la vie ? Alors que les demandes d’euthanasie persistent exceptionnellement lorsque les symptômes sont soulagés et la personne accompagnée, ne serait-il pas plus logique de prendre le problème par le commencement, c’est-à-dire appliquer simplement le droit aux soins palliatifs pour tous ? Ce droit est énoncé depuis 1999, or 23 départements en France n’ont toujours pas d’unités de soins palliatifs en 2023. 

Mourir dans la dignité ou dans la liberté, ne signifie pas mourir d’une injection létale, qui placerait le médecin dans une position dangereuse de toute puissance, mais bien au contraire laisser naturellement la mort advenir. Accompagner ces instants essentiels par des soignants formés au respect de la dignité inhérente à la personne humaine (quel que soit son degré de dépendance) et de sa véritable autonomie constitue la garantie d’une société qui refuse de se déshumaniser.

Pratique :

Dr Alix de Bonnières, La Fin de vie apaisée : la sédation en questions, éditions Téqui, 2021, 184 pages, 14€

Tags:
BelgiqueEuthanasieFin de vieSanté
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