La solitude fait souvent très peur. Redoutée en plus parce qu’elle est mal perçue par les autres, comme si être seul signifiait être associable, elle peut créer de nombreuses souffrances. Mais est-il possible de les éviter ou les transformer ? La solitude peut-elle être bénéfique ? “Comme aujourd’hui, nous avons tous peur du vide, nous avons par conséquent peur de la solitude. Dans un monde qui nous sature de bruits, de stimulations et d’informations, dès qu’on est seul, la solitude fait peur. Pourtant, on la rencontre tous à un moment de notre vie”, explique à Aleteia Claire de Saint Lager, auteur de Comme des colonnes sculptées. Le célibat, un chemin d’espérance (Editions Emmanuel) et fondatrice d’Isha formation.
Bien sûr, il ne faut pas en faire une omerta : la solitude due à un deuil, une séparation ou un célibat, est une souffrance en elle-même. L’homme est un être de relation fait pour “le compagnonnage et l’amitié” donc, comme l’explique Claire de Saint Lager, il est fait pour une relation de “symétrie et de réciprocité”. Néanmoins, il y a plein de manières de transformer cette souffrance en bien-être intérieur.
Pour Margot, styliste de mode et célibataire de 45 ans, la solitude est longtemps restée une source de profonde tristesse. “Trentenaire, j’ai rêvé de vivre en couple et de fonder une famille nombreuse. L’impression de déborder d’amour à donner ne me quittait pas. Seulement, la personne que j’aimais depuis mes études n’était pas amoureuse de moi”, confie-elle à Aleteia. Le chagrin, puis la déception se sont transformés petit à petit en une profonde tristesse, marquée par des pics de sérieuse déprime. Si cette dernière l’a inspirée dans le processus de création de ses collections de robes, l’acceptation de la solitude est venue quelques années plus tard. “Quand ma sœur a donné naissance à une petite fille, Camille, cela m’a rempli de joie. J’aurai pu être jalouse. Mais, au contraire, j’ai senti qu’en étant sa tante, je pouvais m’ouvrir et m’épanouir dans ce nouveau lien de famille. C’est Camille qui a “fondu” mon cœur si “givré” depuis si longtemps. La joie de lui apprendre des tas de choses, y compris la couture, m’a redonné des ailes. C’est en fait ce qui m’a enfin permis d’accepter mon célibat et ma solitude”, analyse-t-elle.
Une solitude habitée
Accepter de vivre sa solitude permet de faire face à soi-même, d’écouter sa petite voix intérieure. C’est le début de la transformation. “Quand le bruit extérieur cesse, on rencontre notre bruit intérieur : nos peurs, notre ego, nos manques, nos doutes, nos craintes… Bref, tout ce qui est en nous et qu’on n’a pas trop envie d’écouter. Mais si on ose le faire, ces bruits vont laisser à la place à une autre expérience, celle de permettre de faire la rencontre avec la présence divine, et de se recentrer en elle. Plus la solitude est vécue de manière profonde, spirituelle, accueillie et consentie, plus la personne va vivre plus tard une rencontre amoureuse nourrie par une certaine liberté intérieure, avec moins de peur d’être soi-même et avec moins de peur de perdre l’autre. La clé est dans la rencontre avec soi-même et puis avec la présence de Dieu en nous”, explique Claire de Saint Lager.
Une voix intérieure en veille
Au début, pour Thomas, agent immobilier de 42 ans, séparé de sa femme depuis cinq ans, le fait d’être à nouveau célibataire après une vie d’homme marié et père de famille lui faisait réellement peur. “La rupture a été brutale. C’est ma femme qui a décidé de me quitter. L’ayant subi, j’avais plongé dans le désespoir, la révolte et enfin la peur de finir ma vie seul. L’unique joie qui me rattachait à ma triste existence, elle était liée à mes deux filles de 8 et de 10 ans. Chaque week-end passé avec elles me redonnait une ombre d’espoir”, reconnaît-il.
En marchant avec d’autres pères de famille, j’ai vécu une expérience spirituelle qui a bouleversé ma vie. Désormais, Dieu habite ma solitude. L’accueillir change tout.
L’année dernière, un ami convainc Thomas de faire le pèlerinage des pères à Chartres. “Je me suis décidé à le faire au dernier moment, sans vraiment réfléchir au sens profond de cette démarche. Mais en marchant avec d’autres pères de famille, dont certains étaient cabossés par la vie comme moi, j’ai vécu une sorte de communion spirituelle avec le groupe. Je n’étais pas seul. Pendant la veillée de prière à la cathédrale de Chartres, je me suis mis à pleurer en répétant tout le temps à l’intérieur de moi-même : “Seigneur, je m’abandonne à Toi, je m’abandonne à Toi, je m’abandonne à Toi”…
Et puis, j’ai cru entendre une petite voix qui me disait : je t’aime, je suis toujours avec toi”, raconte-t-il. Cette expérience spirituelle a bouleversé ma vie de père célibataire. Désormais, Dieu habite ma solitude. L’accueillir et se laisser aimer par Lui change tout”, conclut-il.
Une attente vécue avec Dieu
Comme pour Thomas, ce n’est pas toujours facile de faire une introspection allant jusqu’à se faire aimer dans sa pauvreté et accepter d’ouvrir définitivement la porte à Dieu. Jean et Anne-Fleur, trentenaires mariés depuis six ans, ils sont toujours en espérance d’enfant. Les diagnostics des médecins sont plutôt pessimistes, la question de l’infertilité rend le couple de plus en plus fragile. “C’est une vraie souffrance pour nous. Elle est d’autant plus lourde à porter qu’elle n’est pas partagée avec nos proches, pour qui le sujet est tabou. Nous nous sentons terriblement seuls. Une solitude incompréhensible pour les autres”, confie Anne-Fleur.
La solitude est l’occasion d’inviter Dieu au cœur de l’attente, et de déposer son projet entre ses mains.
Pour faire face à cette souffrance, Jean a proposé à son épouse de faire une retraite spirituelle pour parler en vérité de leur couple et essayer de retrouver l’espérance. “C’est quelque chose de vital. Nous avons besoin de l’aide des autres et de celle de Dieu pour savoir discerner sur la vocation de notre couple “sans enfants” et pour ouvrir nos cœurs à un autre projet de vie”, explique de son côté Jean.
La solitude de Margot, de Thomas, ou celle vécue en couple de Jean et d’Anne-Fleur, demande la même démarche d’inviter le Christ à habiter leur vie, leur solitude, leur attente, leurs espérances et leurs joies. C’est l’occasion d’inviter Dieu au cœur de l’attente, et de déposer son projet entre ses mains. “Le secret, c’est d’accepter de ne pas avoir la maîtrise de l’avenir, de goûter le présent en se disant qu’il peut changer à tout moment et surtout de tout vivre avec le Seigneur”, conclut Claire de Saint Lager.
Pour aider à rendre sa solitude plus bénéfique, voici quelques idées à pratiquer au quotidien :
1. Prenez le temps de rassembler tous les messages d’amour reçus récemment : un fou-rire avec une amie, un compliment d’une voisine, le texto d’un ami, une invitation dans une soirée. “Il faut les traiter comme des petits messages d’amour. A force de les recevoir comme des messages d’amour, on se remplit d’amour. Parfois on est tellement accroché à notre souffrance qu’on ne voit pas tout l‘amour qui nous est adressé”, conseille Claire de Saint Lager.
2. Rappelez-vous chaque jour que même dans les moments de souffrance, vous n’êtes pas seul. Dieu est toujours là, il vous habite.
3. Soyez attentif au moment présent. C’est un exercice qui permet de sortir de ses malheurs et d’être plus à l’écoute des autres et du monde qui vous entoure. Se recentrer sur ici et maintenant, c’est se recentrer sur la présence divine en soi.
4. Acceptez toutes les invitations dans la mesure du possible. Le vieux dicton dit que si l’on n’accepte jamais les invitations, on finit par ne plus en recevoir. Dites “oui” le plus souvent possible !
5. Offrez-vous des cadeaux : une expo, une balade, une virée dans votre librairie préférée. Pourquoi ne pas s’offrir un petit cadeau et goûter ce moment de joie avec Dieu. Lui dire : “Je sais que Tu célèbres ce moment avec moi, je sais qui Tu es avec moi, je t’aime”, suggère Claire de Saint Lager.
6. Planifiez votre temps. Un calendrier vous donne le sens de l’organisation et parfois le sens de l’objectif.
7. Limitez les séances devant l’écran d’un smartphone. Moins vous restez assis devant l’appareil, plus vous vous donnez l’occasion d’interagir réellement avec d’autres personnes.