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Pauline Jaricot, laïque lyonnaise du XIXème siècle, a été béatifiée à Lyon le 22 mai 2022. Nombreuses sont ses reliques dans sa ville natale, sa tombe se trouve à l’église saint Nizier, où elle s’est convertie, ses objets sont à la maison de Lorette où elle vivait, et son cœur avait été emmuré à l’église Saint-Polycarpe de Lyon, qui était la paroisse de sa famille.
Avant que ce cœur ne soit porté par la jeune miraculée Mayline Tran (aidée d’un scout) lors de la messe de béatification, le diocèse de Lyon l’a confié à une équipe de chercheurs de l’Université Paris-Saclay pour tenter d’en savoir plus sur la sainte, morte un 9 janvier 1862. Sous la direction de Philippe Charlier, médecin légiste, archéologue et anthropologue, l’équipe du Laboratoire Anthropologie, Archéologie, Biologie (LAAB) vient de publier ses conclusions dans la revue scientifique l’International Journal of Molecular Sciences. “Nous avons été sollicités par l’archevêché de Lyon pour réaliser un examen scientifique complet de (son) cœur momifié. Nous avons prévu d’analyser les conditions de conservation du cœur et de déterminer si les soins post mortem comprenaient un embaumement. Nous voulions ensuite explorer l’hypothèse d’une maladie cardiaque comme cause possible du décès”, indique ainsi l’étude accessible en ligne.
Pas d’insuffisance cardiaque
“Notre rapport est purement descriptif, nos résultats sont bruts, libre ensuite à chacun de l’interpréter comme il l’entend”, explique à Aleteia Philippe Charlier. Première confirmation, il s’agit bel et bien d’un cœur, et dans un très bon état de conservation. “L’analyse macroscopique, le CT-scan et le prototypage du cœur nous ont permis d’affirmer la nature humaine et cardiaque de l’organe.” Ensuite, l’étude met en doute le fait que Pauline soit morte d’une maladie cardiaque. “Bien que Pauline Jaricot ait été décrite comme cardiaque avec des éléments pouvant suggérer une arythmie (palpitations) ou une insuffisance cardiaque (jambes gonflées), nous n’avons pas trouvé ici d’éléments permettant d’affirmer que l’insuffisance cardiaque est la cause du décès”, indiquent encore les chercheurs.
Pourtant, dans tous les écrits de l’époque, il est partout affirmé que Pauline Jaricot a souffert toute sa vie d’une santé fragile. Il est même fait mention d’un “anévrisme des plus caractéristiques, compliqué d’une maladie d’une nature inconnue de la science” qui fait qu’elle n’avait “pas assez de sang dans les veines pour que […] l’on puisse expliquer la prolongation de sa vie”, indique ainsi un rapport médical daté de 1834.
Pauline est en effet très malade quand elle se rend à Rome en 1835, et rencontre le pape Grégoire XVI. Les écrits la décrivent comme très faible, livide et souffrant de palpitations douloureuses. De Rome, Pauline va pourtant partir à Mugnano (au nord-ouest de Naples, Italie), afin d’aller se recueillir sur la tombe de la jeune Philomène, une vierge martyre, non sans avoir avant imploré le Pape de canoniser Philomène si elle revenait guérie. Ce que le Pape accepte alors, considérant que si elle se rétablit, il s’agirait bel et bien d’un miracle ! Et Pauline reviendra en pleine forme, et pleine de dévotion pour Philomène dont elle rapportera même quelques reliques à son ami le curé d’Ars…
Le cœur brisé
Guérie miraculeusement du cœur en 1835 ? L’interprétation est possible pour les croyants, pour les scientifiques, ce qui est certain, c’est “qu’il n’y a pas de traces, récentes ou anciennes, d’un infarctus myocardique. Il s’agit d’un cœur sain, et sur le plan morphologique, il n’y a pas de trace de vieillissement de l’organe”, confirme Philippe Charlier.
Pauline va encore vivre de nombreuses années à Lyon, ne ménageant pas ses efforts pour la propagation de la foi jusqu’à sa mort, en 1862. “La description des derniers jours de Pauline Jaricot présente une hémoptysie et une lésion mammaire malodorante, évoquant soit une tuberculose pulmonaire et ganglionnaire associée à une fistule cutanée, soit une aspergillose pulmonaire, soit une tumeur maligne avec envahissement pulmonaire et hémoptysie terminale”, reprennent encore les chercheurs avant d’aboutir à cette conclusion tout à fait étonnante. “Il faut souligner la place centrale du cœur dans la spiritualité de Pauline Jaricot, mais aussi dans sa vie terrestre, avec sa guérison miraculeuse en 1835, et les persécutions matérielles et morales qu’elle a subies à la fin de sa vie, qui lui ont littéralement déchiré le cœur.” “C’est le syndrome du cœur brisé, maladie connue aujourd’hui, qui n’est pas visible lors d’un examen de l’organe mais qui est une possibilité néanmoins envisageable ici, quand on lit les rapports de l’époque qui parlent de troubles du rythme cardiaque”, poursuit Philippe Charlier. Il est certain que Pauline n’aura pas été épargnée les dernières années de sa vie et va mourir dans le dénuement le plus total, trahie, ruinée et abandonnée.
Pas d’embaumement
Autre découverte de taille avec cette étude du cœur de Pauline Jaricot, son bon état de conservation malgré l’absence de tout embaumement. “Nous n’avons pu localiser aucun signe d’embaumement présentant une préparation anatomique de l’organe (pas d’ouverture ni de remplissage de l’organe avec du matériel exogène). Aucune preuve incompatible avec une conservation naturelle et spontanée non médiée par la main de l’homme n’a pu être retrouvée”, indique ainsi l’étude. Philippe Charlier ne s’étonne pas de ce bon état de conversation. “Cela arrive, il n’y a pas que Dieu ou la main de l’homme, il y a aussi l’environnement qui peut jouer, ce qui semble être le cas ici, puisqu’il n’avait jamais été ouvert jusqu’ici !” Le médecin archéologue, qui a déjà travaillé sur d’autres reliques dont celles de Saint Louis, souhaite toutefois insister sur la bonne collaboration avec les évêchés qui lui soumettent des reliques pour expertise. “À chaque fois, les diocèses avec qui je travaille font preuve d’une grande ouverture d’esprit, d’une parfaite collaboration en toute bienveillance, ce fut encore le cas ici avec le diocèse de Lyon.”
Si les résultats des chercheurs sont donc transmis de façon “brute”, constatant ici l’absence d’infarctus et un cœur très bien conservé, reste que ce cœur de Pauline Jaricot, une relique de première ordre, porte une symbolique très forte. Très attachée au “cœur souffrant de Jésus“, la bienheureuse était missionnaire dans l’âme, et a fondé l’œuvre de la propagation de la foi, devenue les Œuvres Pontificales Missionnaires (OPM). Or le Pape vient de l’annoncer, la prochaine Journée Missionnaire mondiale, qui aura lieu le 22 octobre 2023, aura pour thème “Des cœurs brûlants, des pieds en marche”. Et c’est bien ce cœur brûlant de Pauline Jaricot qui l’aura guidée toute sa vie et fait d’elle aujourd’hui une grande bienheureuse.