Le 19 juin 2023 marquera les 400 ans de la naissance, à Clermont-Ferrand, de Blaise Pascal (1623-1662). Ce génie français a été jugé effrayant par Chateaubriand dans son Génie du christianisme, ce qui pourrait le rendre rebutant pour le plus grand nombre. Pour autant, sans être populaire, la figure de Pascal est suffisamment familière pour que Hergé fasse des Pensées le livre de chevet de Nestor, le distingué valet du château de Moulinsart. On le découvre au début de l’album Coke en stock dans sa première version diffusée dans le journal Tintin en 1956. Une manière, néanmoins, de montrer que si Pascal est un personnage connu, il reste synonyme d’une intelligence exceptionnelle dans laquelle on n’entre pas sans effort.
La première machine à calculer
Il est déjà impossible de dire qui est Pascal en un seul mot. Ses biographes le désignent à la fois comme mathématicien, physicien, inventeur, philosophe, moraliste et théologien, sans que cet ordre soit d’importance puisque Pascal a brillé avec autant d’éclat dans tous ces domaines. Né au cœur de l’Auvergne, dans une maison désormais disparue, il doit à son père Étienne Pascal (1588-1651), président à la Cour des Aides de Montferrand, son goût pour les mathématiques et les sciences. Dès l’âge de 11 ans, il rédige un Traité des sons des corps vibrants.
À cette époque, il a déjà quitté Clermont pour Paris avant de rejoindre Rouen avec son père et ses deux sœurs afin d’échapper à d’éventuelles représailles en raison de l’opposition d’Étienne Pascal aux dispositions fiscales de Richelieu. C’est là que Blaise, à 18 ans, conçoit la première machine à calculer destinée à aider son père pour l’établissement des recettes fiscales de la province de Normandie et connue depuis sous le nom de pascaline. Des vingt qu’il a fait construire, il en subsiste huit aujourd’hui qui sont conservées en France et aux États-Unis.
Revenu à Paris, Pascal vit une brève période mondaine qui ne l’éloigne pas pour autant, ni de la science, ni de l’Auvergne. En 1648, poursuivant les expériences du physicien italien Évangélista Torricelli, afin de prouver la différence de pression atmosphérique en fonction de l’altitude, il demande à son beau-frère Florian Périer, mari de sa sœur Gilberte, de comparer le niveau des liquides entre un tube barométrique laissé à Clermont et un autre emmené en haut du Puy-de-Dôme, lui permettant ainsi de confirmer la réalité du vide et d’établir la théorie générale de l’équilibre des liquides.
La Nuit de Feu
C’est pendant cette même période que Blaise Pascal s’attache à résoudre le problème des paris rencontré lors des jeux de société, l’amenant à inventer une géométrie du hasard qui donnera naissance au calcul des probabilités et inspirera plus tard son fameux pari appliqué à des fins théologiques. Mais tout change le 23 novembre 1654 quand Pascal, après peut-être un accident de carrosse dont la véracité n’est pas établie, connaît une expérience mystique restée célèbre sous le nom de Nuit de Feu qui le ramène à la foi catholique et dont le texte qu’il en a retranscrit, le Mémorial, restera cousu jusqu’à sa mort dans la doublure de son manteau.
Une vie aussi riche et variée à la postérité innombrable justifie bien qu’un hommage national lui soit rendu à l’occasion du quatrième centenaire de sa naissance.
Proche de sa sœur Jacqueline qui est devenue religieuse de Port-Royal, il s’établit lui aussi au couvent. Sa piété est encore renforcée par le miracle de la Sainte-Épine par lequel sa nièce Marguerite est guérie d’une fistule lacrymale. Familier de Port-Royal-des-Champs, Pascal prend la défense du jansénisme auquel se sont ralliées les religieuses conduites par Mère Angélique Arnauld. Pour elles, il rédige, sous le pseudonyme de Louis de Montalte, les Provinciales destinées à réfuter les attaques de leurs adversaires jésuites.
Après sa mort, seront également publiées les Pensées qui, contrairement à l’idée communément reçue, n’étaient pas destinées à constituer une apologie du christianisme mais à émettre des réflexions éparses inspirées par les vérités de la foi. Conservant pour autant un esprit pratique, Blaise Pascal conçoit, en 1661, avec son ami le Duc de Roannez, les carrosses à cinq sols, premiers transports en commun de Paris. Il meurt l’année suivante et est inhumé dans l’église Saint-Étienne-du-Mont de la capitale.
Un hommage national
Une vie aussi riche et variée à la postérité innombrable justifie bien qu’un hommage national lui soit rendu à l’occasion du quatrième centenaire de sa naissance. C’est bien sûr à Clermont-Ferrand que les manifestations commémoratives sont les plus attendues. Elles ont d’ailleurs déjà commencé avec une conférence introductive donnée par le mathématicien Cédric Villani le 13 janvier dernier et elles se poursuivront, du 23 au 25 mars, par un colloque universitaire “Pascal, résistant et prophète” ainsi que des animations, à la fin du printemps, inspirées par les expériences et les découvertes de Pascal. Pour la date du 19 juin est également prévue l’émission, par La Poste, d’un timbre qui sera le troisième consacré à l’illustre clermontois après ceux de 1944 et de 1963. Non, Blaise Pascal n’est pas un effrayant génie mais le brillant conciliateur de la science et de la foi.