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Pourquoi écoutons-nous chaque année le récit de la Passion ? Si nous sommes vraiment chrétiens, nous savons que le Christ est vivant, qu’il est ressuscité d’entre les morts. Avons-nous alors besoin de réentendre ce récit de tant d’épreuves subies par le Seigneur ? On peut se poser la question, en effet, à moins qu’une autre question ne soit plus pertinente : n’y a-t-il pas dans ces récits de la Passion une réalité, une vérité, difficile à regarder, à entendre, à accepter, et qui justifie le besoin de revenir souvent, au moins chaque année, au mystère de la Passion du Seigneur ? Aujourd’hui, arrêtons-nous à une de ces pierres d’achoppement : la présence incontournable de la souffrance.
Contemplons la souffrance du Christ
La souffrance est une réalité difficile à aborder. Posons d’emblée quelques garde-fous. Le premier garde-fou est d’éviter le dolorisme, qui consiste à croire que plus je souffre, plus je suis proche de Dieu. Dieu est Amour, dit saint Jean. C’est l’amour du Christ qui nous sauve, un amour qui est tel qu’il accepte la souffrance. Un autre garde-fou est de reconnaître les risques possibles de perversion, qui conduisent parfois à chercher dans la souffrance une forme de jouissance malsaine.
Mais ces précautions prises, osons porter nos regards vers la souffrance du Christ, car il n’y a en lui aucune forme de complaisance pour la souffrance, aucune compromission avec le mal. Contemplons l’abaissement auquel le Christ a consenti. Le Christ ne recherche pas la souffrance mais il ne l’évite pas non plus à tout prix, ainsi que le dit le Serviteur souffrant d’Isaïe : “Je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé” (Is 50, 5). “Comment s’accompliraient les Écritures selon lesquelles il faut qu’il en soit ainsi ?”, dit Jésus aux apôtres (Mt 26, 54). Jésus a voulu ce chemin de la souffrance, pour offrir au monde entier le salut. Et pourtant, la souffrance est souvent considérée par l’entourage comme une humiliation, elle est incomprise, elle fait honte. Ainsi parle le psalmiste : “Tous ceux qui me voient me bafouent, ils ricanent et hochent la tête” (Ps 21). Le Christ, lui, a pris le risque de la souffrance. C’est ce que dit saint Paul aux Philippiens : “Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu” (Ph 2, 6). La Passion manifeste l’aspect multiforme de la souffrance, qui s’infiltre partout comme l’eau à travers les roches les plus dures.
Une souffrance d’abord intérieure
La souffrance est tout d’abord intérieure, spirituelle et psychologique. “Jésus commença à ressentir tristesse et angoisse. Il dit alors à ses disciples : “Mon âme est triste à en mourir”” (Mt 26, 38). Puis elle s’exprime extérieurement, dans les relations humaines : souffrance de l’abandon, de la trahison, du reniement. Le baiser de Juda, le reniement de Pierre et la désertion de tous : “Tous les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent”, dit sans concession l’évangéliste (Mt 26, 56). Cette souffrance, qui vient des plus proches, est certainement éprouvante. Comment s’étonner alors que les autres, plus éloignés, en fassent autant ? C’est la souffrance du mensonge, des fausses accusations : “Les grands prêtres et tout le Conseil suprême cherchaient un faux témoignage contre Jésus pour le faire mettre à mort” (Mt 26, 59). “C’était par jalousie qu’on avait livré Jésus” (Mt 27, 18).
Jésus a connu la souffrance de ne pas être soutenu par ceux qui auraient dû normalement le soutenir.
Vient alors la souffrance corporelle et la torture. “Les gardes lui crachèrent au visage et le giflèrent ; d’autres le rouèrent de coups” (Mt 26, 67). “Pilate le fit flageller, et il le livra pour qu’il soit crucifié” (Mt 27, 26). Se joint à cette peine la souffrance d’être mis au banc de la société, d’être moqué sur la place publique. “Les passants l’injuriaient en hochant la tête” (Mt 27, 39).
L’abandon des siens
Tous cependant ne se mêlent pas à la persécution. Mais ce ne sont pas ceux auxquels on s’attendrait. Quelques femmes se tiennent auprès de la croix. Deux païens osent aller à contre-courant : la femme de Pilate qui lui dit : “Ne te mêle pas de l’affaire de ce juste” (Mt 27, 19) et le centurion, qui garde Jésus et affirme : “Vraiment, celui-ci était Fils de Dieu”(Mt 27, 54). Jésus a connu la souffrance de ne pas être soutenu par ceux qui auraient dû normalement le soutenir. Il annonçait ainsi la souffrance qui viendrait de la défection de la communauté, des membres mêmes de l’Église. Une telle épreuve est particulièrement éprouvante.
Le décès récent d’un prêtre du diocèse de Paris, encore jeune et à l’apostolat rayonnant, offre un témoignage inattendu sur le mystère de la souffrance. Il est frappant de voir la place qu’elle tient dans le testament spirituel de ce prêtre. La douleur physique bien sûr, celle de la maladie, y est très présente. Ce n’est pas sans émotion qu’on lit ces mots de l’abbé Cyril Gordien : “Personne ne peut imaginer ce que j’endure depuis le mois de mars 2022 où tout a basculé”, quand il a su que sa maladie était incurable. Son testament parle aussi des souffrances qu’il a connues dans l’Église, dans l’accomplissement de son ministère, particulièrement dans les établissements scolaires. J’ai rencontré ce prêtre alors qu’il était déjà malade, j’ai été édifié par sa joie, son énergie, sa prière. Passant de la révolte à la compassion, il a ainsi connu, selon ses propres mots, “la fécondité de la croix, le grand passage de l’apparent échec au triomphe de la vie”. Puissions-nous connaître, chacun selon notre propre vocation, ce passage, cette Pâque, afin de porter du fruit.