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Huit mois après la mort d’Élisabeth II, l’Angleterre a donc remis ça, sous nos yeux ébahis et, qui sait, secrètement jaloux. Que de fastes pour cette consécration, la première en soixante-dix ans ! Avec l’archevêque de Canterbury posant sur la tête du souverain la couronne de saint Édouard, en or massif et sertie de rubis ! Vêtu d’une simple chemise en lin blanc, le roi prêta serment sur la Bible puis reçut l’onction à genoux, protégé des regards par des paravents brodés, pendant que retentissait le fameux Zadok The Priest d’Haendel. Le souverain réapparut aux yeux de l’assistance pour revêtir la “supertunica”, manteau en soie enveloppée de fines pièces d’or, puis le manteau impérial, en étoffe d’or.
Le couronnement d’un principe
Soyons honnête : ni très glamour, ni franchement exemplaire, ni même très populaire, le couple royal ne mérite pas de tels égards. Avec Charles et Camilla, c’est moins le Bottin mondain et Downtown Abbey que le Who’s who et Sex and the city. Leur “modern family” tient du Vaudeville avec un roi et une reine divorcés, des beaux-enfants et beaux-petits-enfants, un ancien mari, un fils rebelle, un frère honni. Seule Kate a de l’allure. Mais qu’importe : l’Angleterre célèbre moins des personnes qu’un principe : la monarchie, avec tous ses spectacles vivants faits de protocoles magnifiquement millimétrés, “envoie du mythe”, donnent des raisons de croire. Pourquoi ? Parce que le roi ne se couronne pas lui-même ; il est couronné. Sa raison d’être vient d’ailleurs. Sa légitimité ne vient pas de lui. Qu’il soit faillible et médiocre est moins grave que s’il trahit son serment et manque à son devoir. Et grâce aux médias de masse, la monarchie se donne en partage, même s’ils n’étaient “que” 14 millions sur la BBC à suivre le couronnement contre 19 millions en septembre dernier pour les funérailles d’Élisabeth II.
À côté, sans être méchant, notre République paraît à la fois falote et pâlotte. Malgré l’héritage gaullien, le président y demeure un roi sans couronne et sans atours auquel le sacre démocratique ne procure pas une once de supplément d’âme. À force d’avoir changé de régime (14 constitutions depuis 1791), la France ne sait plus combien elle pèse et, en l’absence de modèle, a du mal à se regarder dans la glace. Les droits de l’homme, nouvelles Tables de la Loi, sont aussi froids qu’une stèle de marbre. “La Révolution est une lampe qui brûle au fond d’un tombeau”, s’écriait Saint-Just. À l’arrivée, la France ne rend de culte qu’à l’État. Celui-ci enrôle, punit, ponctionne, distribue, intervient, éduque, mais ne s’incarne pas. Cet anonymat est une tare à l’ère de la toute-puissance de l’image. La royauté offre toujours des visages à aimer. Elle en ressort plus humaine.
Le signe de la demeure invisible
Faute de pouvoir lever les yeux vers les ors du pouvoir, on les tourne vers ce qui nous reste de sacralité, des joyaux de pierre dont la pureté et la majesté résistent au temps et ordonnent l’espace. Cette année, l’abbatiale du Mont-Saint-Michel fête son millénaire. Quel rapport avec l’Angleterre, me direz-vous ? N’y voyons point la proximité de Jersey et de Guernesey, dépendances de la Couronne britannique. Regardons plutôt la puissance symbolique de cette pyramide d’Égypte juchée en baie de Granville, de cette météorite céleste échouée sur une mer de sable. Le Mont aimante les regards, les fait converger vers la présence que l’abbaye incarne et dont la flèche pointe la demeure invisible. L’architecture du Mont reflète l’harmonie d’une cité idéale. Sa ligne rend compte d’un élan. Sa masse, vissée au roc, témoigne d’une certitude. Le bourg à son pied désire sa protection. Tours et remparts affrontent l’enlisement et l’égarement alentour. Au sommet de la Merveille, le cloître place déjà l’âme dans une méditation du haut des cimes, tandis que le parvis, ouvert sur l’infini, la suspend entre terre et ciel. Quant à l’archange Saint-Michel, ce champion du Bien, il couronne le tout.