Mathieu Taieb a deux amours : Dieu et son pays, la France. C’est la première chose qu’il confie à Aleteia, presque immédiatement, avec passion. “Les deux sont au centre de ma vie. Jusqu’à mon dernier souffle, je parlerai de la France et de Dieu. C’est à la première que je dois d’avoir rencontré le second.” Mathieu Taieb s’appelait autrefois Moustafa, et le catholique fervent qui parle du Christ avec une joie si contagieuse était musulman.
Fils d’immigrés algériens arrivés en France au début des années 1960, Mathieu naît dans le sud-ouest de la France, entre Sorbets et Nogaro. Son père travaille dans les vignobles d’Armagnac. Entouré de ses cinq frères et sœurs, Mathieu grandit sur une terre qu’il aime. “C’était une vie simple, à la campagne. Nous profitions de chaque instant. Mes parents avaient fait en sorte que nous fassions partie de ce paysage en choisissant l’intégration maximale. Ils ont appris le français au contact des locaux, nous ont fait participer à la vie sociale, sportive et associative de la commune. À l’école, j’avais intérêt à bien travailler pour respecter le devoir d’état qui m’incombait.”
Pendant son enfance et ses études, qu’il suit à Toulouse, Mathieu demeure attaché à la foi musulmane de ses parents, sans pour autant entretenir une vie de prière. Elle constitue davantage une tradition, un point d’ancrage culturel. Mais “le terreau était là”, comme lui diront plus tard ses frères d’armes. Car en 1997, alors que se profile le début de la professionnalisation des armées mettant fin à la conscription, Mathieu entame son service militaire. Il atterrit à Nîmes, au 3ème Régiment d’Infanterie, “un peu à reculons”, admet-il aujourd’hui.
Leur approche de la vie m’a interpellé tout de suite. Il y a cette idée de grande famille, d’ensemble uni, avec le Christ au milieu. Mes frères d’armes m’en parlaient avec simplicité et profondeur. Ça transcendait toute leur vie.
Pourtant, le jeune homme s’y plaît immédiatement. “J’étais dans un environnement où je me sentais grandir et dans lequel j’étais utile. Je servais sous le drapeau d’un pays envers lequel j’étais reconnaissant. Pour moi, c’était une réponse à ce que je cherchais, à la vocation que je désirais. J’étais dans mon élément.” Alors qu’il ne devait y rester que dix mois, Mathieu, désormais sergent, décide d’intégrer l’armée d’active. Après l’École interarmées du renseignement et des Études linguistiques, il choisit le 54e régiment de transmissions à Haguenau avant d’intégrer l’EMIA en 2003. C’est là, au milieu des dolos, surnom donné aux élèves de l’école, que Mathieu entend progressivement parler d’un Dieu nouveau. Il assiste pour la première fois à la messe au Caire, selon le rite copte, avec un de ses camarades de promotion. “J’ai été immédiatement frappé par son recueillement. C’était tellement paisible”, se souvient Mathieu.
À Draguignan, la découverte de ce “quelque chose en plus”
Arrivé à Draguignan, Mathieu se mêle aux saints-cyriens. Leurs conversations, leurs attitudes et leurs gestes — comme Jacques-Antoine se signant avec respect devant un cimetière —, attisent la curiosité de Mathieu pour cette religion encore un peu mystérieuse. “Ils avaient quelque chose en plus, je le voyais dans leur regard”.
“C’était une sorte de lumière, de vitalité que je ne trouvais nulle part ailleurs. C’est assez difficile à décrire, en réalité. Il y avait à la fois douceur et énergie, compassion et joie”, précise-t-il à Aleteia. “Leur approche de la vie m’a interpellé tout de suite. Il y a cette idée de grande famille, d’ensemble uni, avec le Christ au milieu. Mes frères d’armes m’en parlaient avec simplicité et profondeur. Il n’y avait aucune fausseté, ce n’était pas qu’un simple aspect social. Ça transcendait toute leur vie.”
Dieu a été encore plus présent dans ma vie avec Jésus en tant que Seigneur. C’est une proximité très forte que je ne connaissais pas avec l’islam.
Mathieu hésite, tâtonne. “Mouss, ne t’en fais pas, le Christ t’attend !” lui lance un jour, sûr de lui, un de ces jeunes lieutenants. “Mouss” répond à l’appel après cinq années de cheminement. C’est une retraite effectuée à l’abbaye bénédictine de Solesmes qui achève de le convaincre. Il demande le baptême et choisit le prénom de Mathieu, l’apôtre à qui Jésus a dit : “Suis-moi.”
“La foi transmise par l’islam m’a toujours accompagné. Mais Dieu a été encore plus présent dans ma vie avec Jésus en tant que Seigneur. C’est une proximité très forte que je ne connaissais pas. Il est là, partout, tout le temps, je vis avec Lui. C’est très incarné, et cela n’existait pas dans l’islam.” Cette proximité avec le Christ, Mathieu la ressent aussi avec la Vierge Marie. “C’est une mère aimante, et présente jusqu’à la mort de son fils sur la Croix. Marie, c’est la tendresse, la protection et la présence. C’est, encore une fois, bien plus incarné que la Maryam de l’islam. Cette tendresse nous englobe, nous transperce.”
Être chrétien, une conversion perpétuelle
Après sa conversion, Mathieu a fait de l’engagement le moteur de sa foi. Il y a sept ans, il est devenu oblat séculier de Solesmes, tout en restant officier de réserve à l’Etat-major des Armées. Chef d’entreprise dans le numérique, il a décidé de faire de l’évangélisation auprès des musulmans un de ses nombreux engagements avec la mission Ismérie. Le scoutisme, découvert à 30 ans, est l’un des piliers de sa vie spirituelle. “La Route forge ma vie de chrétien. Elle pousse à l’unité de vie. Je pense que c’est cela être chrétien, c’est se convertir tous les jours. C’est un combat qui se traduit par un choix : celui de renouveler tous les jours l’amour du Seigneur.”
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