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“Il y en a qui disent : “J’ai trop fait de mal, le Bon Dieu ne peut pas me pardonner.” C’est un gros blasphème. C’est mettre une borne à la miséricorde de Dieu, et Elle n’en a point : Elle est infinie.” Ainsi parlait le saint Curé d’Ars, celui qui pouvait confesser des heures durant au point d’en oublier de se nourrir et de dormir. Si la miséricorde de Dieu est bien infinie, nombreux sont ceux qui peinent à en faire l’expérience à travers la confession, qui pourrait bien être le plus mal-aimé des sacrements. À tort ! Nous crie presque Fernand Sardou, alias le curé de Cucugnan, dans le film de Marcel Pagnol. Réalisé en 1968 et intégralement en noir et blanc, il est le résultat de l’adaptation au cinéma de l’œuvre d’Alphonse Daudet, “Lettres de mon moulin”.
D’une voix vibrante, qui pourrait bien réveiller les morts, alliée à son accent chaud venu tout droit de Provence et son allure bonhomme, le “curé de Cugugnan” donne une véritable leçon de catéchisme, non sans humour. “Mes biens chers frères, tous les soirs à six heures, je suis là [désignant le confessionnal] dans cette guérite sacrée, comme un soldat en sentinelle (…) et j’attends”, dit-il, l’air dépité, à ses paroissiens. “Quelques fois, il vient une bonne vieille, ou des enfants du catéchisme… Et puis plus rien.”
Après s’être désolé de voir ses ouailles déserter le confessionnal, le curé prouve à l’assistance, — non sans la bousculer de vigoureux éclats de voix — que ce lieu n’a aucune raison d’être fui. “Vous qui avez cette chance d’obtenir le pardon et la miséricorde divine, ne soyez pas assez stupides pour refuser le grandiose privilège que nous devons au sacrifice de notre Seigneur Jésus-Christ !”, martèle-t-il devant une assistance mi-médusée, mi-amusée, mais non moins toute ouïe. “Viens te confesser, je t’attends”, exhorte encore le prêtre. “Quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit, je suis là, viens te faire propre !”, ajoute-t-il en rappelant sans doute ce que bon nombre de prêtres ne cessent, des siècles plus tard, de dire : vous imaginez-vous donc vraiment qu’un prêtre retiendra tous les péchés des confessions qu’il entendra ? :
Mes pauvres enfants ! Si un prêtre devait garder dans sa mémoire toutes les fautes qu’on lui confie, il lui pousserait une tête comme une coucourde ! (une citrouille ou une courge dans le patois méridional, ndlr) Ce n’est pas à moi que vous parlez, c’est au bon Dieu.
Gageons que ce sermon devrait en convaincre plus d’un de faire du confessionnal un lieu de retrouvailles privilégié avec le Seigneur. Peut-être faut-il parfois des curés de Cucugnan pour nous y tirer par les oreilles…