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Des pêcheurs d’éponges qui naviguent, au printemps 1900, le long de la côte d’Anticythère, une île grecque au sud du Péloponnèse. L’un des plongeurs, brandissant une main de bronze pêchée sur place, dira qu’il a vu des corps nus et des chevaux au fond de l’eau. Le monde découvrira qu’il s’agit en fait d’une épave romaine coulée en 86 avant Jésus Christ, à l’époque où l’Empire dévastait les dernières cités grecques et les pillait de leurs trésors. L’embarcation faisait route vers la Ville avec, à son bord, quelques chefs d’œuvre comme cet Éphèbe d’Anticythère attribué à Lysippe et conservé au Musée national archéologique d’Athènes.
Un trésor d’intelligence
Mais au milieu des statues, un coffret figé dans le temps. Certains soupçonnent qu’il s’agit là d’un objet unique, un mécanisme inouï dont on connaît l’existence mais encore jamais vu à ce jour. Ce n’est qu’au début du XXIe siècle, grâce à des observations rendues possibles par un scanner à rayons X, que l’on découvre l’invraisemblable : des dizaines d’engrenages, des centaines de mécanismes et des milliers de caractère gravés sur les différentes pièces et qui composent ainsi non seulement un mode d’emploi mais un vrai traité d’astronomie… Cette petite boîte contient un trésor d’intelligence et d’observation. Archimède en est-il l’auteur ? L’hypothèse existe mais bien malin qui pourra la confirmer. Grâce à cette machine, modèle par excellence du génie mathématique des Grecs, il était possible de prévoir les dates et heures précises des éclipses solaires et lunaires, et nombre de phénomènes astronomiques. D’autres cadrans donnaient des informations variées telles que les dates des différents jeux antiques. Conçue deux ou trois siècles avant notre ère, une telle merveille ne sera plus jamais réalisée ou même élaborée jusqu’à sa découverte.
C’est en entendant des amis en discuter que je mesure le caractère unique de cet objet, digne d’un récit fantastique. J’y songe à nouveau, regardant le croissant de lune par la fenêtre de mon bureau. Qu’il est stupéfiant ce monde qui fait rêver depuis toujours ceux qui le contemplent. De la fourmi qui se fraye son chemin aux découvertes de la génétique moderne, de l’abeille qui donne sa vie pour sa ruche jusqu’aux immensités de l’océan… il y a tant à observer, à goûter, à vivre. Mais plus encore : car de ce regard jaillit le rêve qui voit au-delà, ce qui n’est pas encore mais qui existe pourtant dans le cœur et le désir de celui qui s’y livre.
Entrer dans le rêve de Dieu
Le rêve est le propre de l’homme. Il est sans doute la trace la plus sensible de cette vie divine qui nous est partagée. C’est le rêve qui nous pousse à rechercher toujours plus loin, à inventer, à entreprendre. C’est le rêve qui nous fait croire en toute sincérité que nous réussirons lorsque tout est là pour nous dire le contraire. Ne plus rêver c’est devenir le gérant triste d’un monde usé. Le drame de notre temps est d’avoir confondu rêve et fantasme. De cette confusion naît le sentiment que le rêve ne doit jamais se réaliser, et, pire, que rêver est honteux. Il faut être efficace, rentable, raisonnable : tout doit se chiffrer, se prévoir, s’anticiper. C’est désormais l’ordinateur qui programme nos désirs et l’algorithme qui paramètre nos échéances.
En appelant l’homme à coopérer à son œuvre créatrice, Dieu n’invite pas à contempler celle-ci comme un tableau figé. Il ne nous commande pas d’être les scrutateurs d’une image achevée. Il nous invite à entrer dans son rêve. Un rêve qui pèse son poids de vivant et de chair, d’humus et de bitume. Un rêve réel, au cœur duquel nous sommes placés pour y participer. En posant sur ce qui existe un regard qui porte la vie. Un regard d’Espérance et de reconnaissance, un regard qui révèle l’indicible et qui ne se limite pas dans le seul visible.
Une création toujours renouvelée
En donnant sa loi au peuple hébreu en exode, Dieu ne voyait-il pas déjà ses enfants franchir le Jourdain et entrer en terre promise, dansant de joie devant l’arche d’Alliance ? En envoyant ses apôtres annoncer l’Évangile à toutes les nations, Jésus ne les voyait-il pas déjà baptiser et proclamer, ouvrir une terre nouvelle à toutes cultures, langues et nations ? Au jour de son baptême, l’Esprit ne voit-il pas ce petit enfant, qui devient le temple de sa présence, dans le déploiement à venir de son humanité et la grandeur de son cœur ?
En ce temps de Pentecôte, ouvrons-nous à ce rêve. Ce rêve de création toujours renouvelée dans la miséricorde et le don, dans l’amour qui s’incarne et qui ne cesse de regarder et le ciel et la terre tout en y découvrant le bouleversant de la présence de Dieu.