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Y a-t-il un lien de cause à effet entre déchristianisation et décivilisation ? Plus la foi reculerait, plus la barbarie avancerait. Allons plus loin : les deux termes sont-ils synonymes ? L’un serait dans les mœurs ce que l’autre serait dans les cœurs. L’intérieur déteindrait sur l’extérieur. Pourquoi ce jeu de mots croisés ? C’est l’actualité qui le veut. D’un côté, l’historien Guillaume Cuchet, enquête Insee à l’appui, pointe la chute du catholicisme “qui passe de 43 à 25%, soit une quasi-division par deux en douze ans”. De l’autre, la mort des trois jeunes policiers de Roubaix percutés par un chauffard alcoolisé et drogué amène Emmanuel Macron à dénoncer “les comportements irresponsables qui tuent”. Son propos vise aussi l’assassinat d’une infirmière du CHU de Reims par un homme souffrant de troubles psychiatriques et la démission du maire de Saint-Brévin harcelé depuis des mois à cause du transfert dans une école de sa commune d’un centre d’accueil de demandeurs d’asile qui y existait déjà.
Tous ces faits divers touchent des agents publics, gardiens de la paix, praticiens hospitaliers, élus locaux. Le camp présidentiel fustige à l’unisson “une société dans laquelle la violence effectivement est exacerbée” et devient de la “violence ordinaire”, selon les mots de la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet. Bien sûr, l’agression de l’édile ne peut être mise “sur le même plan” que les drames de Reims et de Roubaix, insiste l’entourage du chef de l’État, car “ils n’ont pas la même cause”. Nous y voilà. Sur la cause de cette décivilisation.
Sortir du déni
Écartons la polémique sémantique. Le mot est-il d’extrême-droite ? La lecture de ma précédente tribune suffit à saisir l’importance que j’accorde à cette étiquette commode, sceau de l’hérésie moderne. Certes, l’écrivain Renaud Camus, décidément dans tous les gros coups, avait intitulé un de ses livres Décivilisation. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le penseur du “grand remplacement” a le sens de la formule.
Mais comme le rappelait sur Europe 1 Olivier Véran, “le mot “décivilisation” a été employé par un sociologue juif qui s’appelait Norbert Elias, né dans les années 1930 et qui décrivait l’impact de la montée du nazisme dans les sociétés”. Pour le porte-parole du gouvernement, “ce n’est pas l’apanage de M. Renaud Camus, de l’extrême droite”.
Autre polémique à écarter, celle du calcul politique.
Nous voilà donc libre d’utiliser “décivilisation” et c’est ça qui compte. Emmanuel Macron vient de placer un concept très fort dans la fameuse fenêtre d’Overton, cadre qui régule les idées dont il est admis de pouvoir débattre dans une société où elles circulent librement. Car de quoi la France pourrait-elle se prévaloir si ce n’est de la civilisation ? Affirmer que la société, comme à Roubaix, fonce à contresens de sa vocation universelle, chrétienne ou républicaine, c’est enfin sortir du déni de réalité.
Autre polémique à écarter, celle du calcul politique. Emmanuel Macron chasse-t-il sur les terres de Marine Le Pen pour ne pas lui laisser gagner les classes moyennes effrayées par “l’ensauvagement” dont elle parle “depuis des années” ? Oui, sans doute. Et alors ? Peu importe aussi que l’écologiste Sandrine Rousseau se lamente en disant qu’elle en a “marre de la complaisance d’Emmanuel Macron avec l’extrême-droite”.
Nostalgie de la Terreur ?
Laissons-la à ses lubies. Ce qui importe, c’est la “cause” de la décivilisation. Ce mot, Sandrine Rousseau ne peut rien en faire. Son logiciel est configuré aux seuls algorithmes de la lutte sociale, de la combinaison dominants/dominés. Sous cet angle, la société Orange mécanique est inintelligible. Le logiciel de la gauche s’enferme dans un extrémisme fantasmé par la nostalgie de la Terreur, à l’image de l’écologiste Éric Piolle dont le tweet, mérite d’être lu : “Supprimons les références aux fêtes religieuses dans notre calendrier républicain : déclarons fériées les fêtes laïques qui marquent notre attachement commun à la République, aux révolutions, à la Commune, à l’abolition de l’esclavage, aux droits des femmes ou des personnes LGBT”, écrit le maire de Grenoble.