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Notre époque, mais vous l’avez sans doute déjà remarqué, ne se veut pas tournée vers Dieu et les choses de Dieu. Du moins officiellement car il est difficile de nier la soif spirituelle de tant de nos contemporains. Il n’y a donc rien d’étonnant si les plus hauts lieux de la foi chrétienne ne figurent dans les guides touristiques et les sites Internet qu’au titre de curiosités ou de halte culturelle plus ou moins incontournable. Quant à leur dimension religieuse, il serait presque obscène d’en faire mention. Pourtant, certains sanctuaires ont emmagasiné entre leurs vieux murs tant de grâces et depuis si longtemps, l’on y a tant prié, l’on y a parfois été tant exaucés qu’un peu de ce saint passé y demeure sensible, même aux moins ouverts au christianisme.
Le sentiment d’une présence
C’est le cas de cette humble chapelle martégale [de Martigues, ndlr], certes pas la plus fameuse de Provence mais sûrement l’une des plus touchantes. Les dépliants publicitaires et les sites en ligne pour randonneurs peuvent bien se borner à vous dire que s’y rendre vous offrira une vue imprenable et inoubliable sur l’étang de Berre, ceux qui ne se contenteront pas du panorama et prendront la peine d’en franchir le seuil y éprouveront, et ils auront parfois l’honnêteté de le dire, un sentiment pour eux inconnu : celui d’une Présence. Celle de Dieu, bien sûr, mais d’abord celle de Notre-Dame, maîtresse du sanctuaire. Marie est vénérée ici depuis au moins le XVIe siècle sous le titre de Notre-Dame de Miséricorde, mais les gens du cru, et d’abord les pêcheurs, préfèrent l’appeler “Notre-Dame des marins”, un nom qui n’est pas usurpé.
Notre-Dame de Miséricorde n’est-elle point par excellence Celle qui vous tire de tous les dangers, sur l’eau comme sur la terre ferme ?
La chapelle actuelle, qui s’élève sans doute sur les ruines d’un édifice plus ancien, date du XVIIe et elle a connu assez de fervents et de pèlerins pour qu’à cette époque, lui soit offerte une statue de la Sainte Vierge en argent d’une incontestable valeur. Vous ne l’y verrez plus ; pour des raisons hélas évidentes, cette image précieuse, tout comme les plus beaux et les plus anciens ex-voto déposés ici au cours du temps, ont été de longue date mis à l’abri au musée Ziem où il est loisible d’aller les admirer. Une autre image, en bois, au demeurant ancienne, a remplacé pour les fidèles la pièce d’argenterie ancienne.
Sur l’eau comme sur la terre
Cela n’a rien changé à la dévotion des Martégaux attachés à leur patronne. Car si Notre-Dame des marins veille incontestablement sur ceux qui vont en mer, son rôle ne se borne pas à cela et c’est toute la ville et ses environs qui la vénèrent, à bon escient, et s’adressent à Elle dans le péril. Notre-Dame de Miséricorde n’est-elle point par excellence Celle qui vous tire de tous les dangers, sur l’eau comme sur la terre ferme ?
L’on n’offre plus guère d’ex-voto de nos jours et ceux que l’on voit encore dans les églises n’y demeurent qu’en raison de leur valeur artistique. Cela ne signifie pas pour autant que la Sainte Vierge ait renoncé à faire des miracles.
En témoignent, si vous prenez la peine de les regarder d’un peu près, tous ces petits tableaux naïfs, œuvres d’artistes mineurs, voire parfois peints, avec plus de cœur que de métier, par l’intéressé lui-même qui a voulu ainsi exprimer sa reconnaissance à sa Protectrice. C’est toute une chronique des faits divers locaux qui s’offre à vous, à ce détail près que ces accidents de la route ou autres ont tous, grâce à Dieu, et à la Bonne Mère, connu un dénouement heureux, que personne n’en est mort et que les blessés, s’il y en a eu, s’en sont finalement bien sortis.
Le merci des ex-voto
Le plus célèbre est celui offert par Jean-Joseph Aubergy, un charpentier de marine qui, travaillant sur une tartane en cours de construction, en est tombé sans que l’on sache trop la cause de cette chute qui aurait pu lui être fatale, et qu’il décrit avec soin, se montrant basculant dans le vide et sauvé in extremis par l’intervention mariale. Cela s’est passé le 16 juillet 1836 et sans doute convient-il de noter que l’on fête à cette date Notre-Dame du Mont Carmel, raison supplémentaire d’opérer un miracle !
L’on n’offre plus guère d’ex-voto de nos jours et ceux que l’on voit encore dans les églises n’y demeurent qu’en raison de leur valeur artistique. Cela ne signifie pas pour autant que la Sainte Vierge ait renoncé à faire des miracles, ici ou ailleurs, seulement que nous ne savons plus l’en remercier comme autrefois… Toutes les vieilles coutumes n’ont pas disparu pour autant. La preuve en est que, depuis quelques années, lors de la vigile de la Nativité si chère aux Provençaux, les bergers accompagnés de leurs agneaux ont repris leur “marche de Noël“.