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Si vous parlez d’Akita, il y a gros à parier que même dans les milieux catholiques, ce nom n’évoquera rien, sinon peut-être une race de chiens réputés pour leur fidélité et leur attachement à leurs maîtres. Pourtant, Akita, c’est aussi le lieu, entre le 12 juin 1973 et le 15 septembre 1981, fête de Notre-Dame des Douleurs, d’une série, non pas “d’apparitions” comme on le dit parfois à tort, mais de phénomènes mystiques accompagnés de messages délivrés à une novice des Servantes de l’Eucharistie, sœur Agnès Sasagawa Katusuko, mettant le monde et l’Église en garde contre un éventuel châtiment aussi terrible que mérité. Reconnues par l’évêque du lieu, Mgr Jean Ito, en 1984, jugées dans la pleine continuité de celles de Fatima par le cardinal Ratzinger, futur pape Benoît XVI, les révélations d’Akita ont pourtant reçu assez peu d’échos. Et pas seulement parce que ces événements se sont produits au bout du monde.
Une enfant de la guerre
Le Japon, malgré le coup d’arrêt mis au XVIe siècle par la persécution à la foudroyante expansion du catholicisme dans l’archipel nippon, est terre mariale. Des apparitions y ont eu lieu, reconnues par l’Église, à la fin du XIXe siècle, au profit d’un chrétien emprisonné et voué au martyre que Notre-Dame est venue consoler dans sa prison. En 1948, l’épiscopat japonais a consacré le pays au Cœur immaculé de Marie, démarche qui s’inscrit dans la droite ligne des demandes exprimées par la Vierge en 1917 au Portugal et montre combien l’avertissement céleste a été pris au sérieux par une nation doublement foudroyée, en août 1945, par les deux bombes atomiques d’Hiroshima et Nagasaki, cette seconde ville étant archevêché catholique.
Née en 1931, dans une famille bouddhiste, Mlle Sasagawa Katusoko est une enfant de la guerre et d’un double cataclysme qui marquera son peuple pour des générations. Victime à l’adolescence de très graves problèmes de santé qui auraient dû la tuer ou, dans le meilleur des cas, la laisser paralysée, la jeune fille guérit, dans des conditions si miraculeuses qu’elle décide de demander le baptême catholique et de consacrer sa vie à l’évangélisation et à la catéchèse. Hélas, en mars 1973, celle qui se prénomme désormais Agnès, retombe soudain malade et devient totalement sourde, ce qui lui interdit désormais d’enseigner quoi que ce soit… Pourtant, loin de se laisser abattre par ce nouveau coup du sort, cette femme de 42 ans, tout en apprenant à lire sur les lèvres et maîtriser la langue des signes, postule dans une petite congrégation religieuse, les Servantes de l’Eucharistie qui, malgré son âge déjà avancé pour une vocation, et son infirmité, la reçoit. Elle y entre le 12 mai 1973, veille de la fête de Notre-Dame de Fatima.
La voix de Marie
Un mois plus tard, dans la nuit du 12 au 13 juin, Agnès, en prière devant le tabernacle, en voit jaillir une lumière éblouissante. Le 28, elle ressent une douleur atroce dans sa main gauche où se forme un stigmate cruciforme, plaie qui va, à compter du 6 juillet, trouver son écho sur la statue, fabriquée dix ans plus tôt par un artiste local pour le couvent, de Notre-Dame de tous les peuples, dont les apparitions d’Amsterdam, très controversées, notamment parce que la Vierge s’est montrée bien bavarde, ont à compter de 1945 fait couler beaucoup d’encre. Mais peu importe le support, pour discutable qu’il soit, le fait est que des plaies sanglantes, exhalant un parfum suave sans rapport avec celui que pourrait répandre ce bois local, sont apparues sur la statue et qu’Agnès n’est pas, tant s’en faut, la seule à les voir.
À peu près à la même date, la novice, sourde depuis des mois, entend distinctement la voix de Marie lui promettre de la guérir, ce qui sera fait partiellement peu après, totalement neuf ans plus tard, et lui demander, en attendant cette guérison, d’offrir les souffrances de sa surdité, et celles du stigmate, “pour les péchés de l’humanité”.
Le message du 3 août
Ce premier message est suivi, le 3 août, d’un second, plus explicite :
“Ma fille, ma novice, dit Notre-Dame à Agnès, aimes-tu le Seigneur ? Alors, écoute ce que j’ai à te dire car c’est très important. En ce monde, beaucoup d’hommes affligent le Seigneur. Je désire des âmes pour Le consoler. Pour apaiser le courroux du Père céleste, j’attends, avec mon Fils Jésus-Christ, des âmes qui expient par leurs souffrances et leur esprit de renoncement à la place des pécheurs et des ingrats.
Le Père s’apprête à laisser tomber sur toute l’humanité un châtiment pour faire connaître sa colère contre ce monde. Avec mon Fils, je suis intervenue tant de fois pour apaiser le courroux du Père. J’ai empêché la venue de calamités en lui offrant, avec toutes les âmes victimes qui le consolent, les souffrances endurées par le Fils sur la croix, son Sang et son Âme très aimante. Prière, pénitence, renoncements et sacrifices courageux peuvent apaiser la colère de Dieu. Je les demande aussi à ta communauté : qu’elle demeure dans la pauvreté, se sanctifie et prie en réparations des ingratitudes et des outrages de tant d’hommes.”
Le 13 octobre suivant, anniversaire du miracle solaire de Fatima, Notre-Dame annoncera un cataclysme sans précédent doublé d’une crise terrible dans l’Église où le diable sera à l’œuvre, puis, à partir du 4 janvier 1975 et jusqu’au 15 septembre 1981, la statue de la Vierge pleurera cent une fois. Le cataclysme ne s’est pas produit. Il faut croire que les âmes réparatrices, et parmi elles de nombreux non-chrétiens bouleversés par les larmes de la Madone, ces larmes si improbables dans une culture où le fait de pleurer en public est tenu pour une invraisemblable impudeur, auront touché le cœur du Père. C’est ainsi, jadis, qu’au vif mécontentement de Jonas, “Ninive la grande ville” n’a pas été détruite.