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Saint Jean Paul II écrit dans une méditation intitulée “Le don désintéressé” : “Jeune pasteur d’âmes, j’ai entendu ces paroles de mon directeur spirituel : “Peut-être Dieu désire-t-il te donner cette personne”…” L’expression “te donner” est sans doute ambiguë, risquée diront certains. Elle ne signifie aucunement qu’il faille revendiquer l’autre comme une propriété privée. Gustave Thibon écrivait, je le cite de mémoire : “Le bourreau comme l’amant pervers ont ceci de commun qu’ils prétendent posséder une personne. On ne possède qu’un cadavre.” Posséder l’autre, c’est l’assassiner. L’autre m’échappe toujours, comme m’échappe la vie, l’amour et la mort.
On aime par un certain mystère
Dans son altérité, et cela est particulièrement vrai de la différence homme-femme comme structure fondamentale de l’humanité, l’autre est image de Dieu pour moi. Intimement présent et infiniment distant. L’expression du saint pape Jean Paul II, “te donner cette personne”, vise précisément le “don désintéressé” comme amour d’agapè, qui s’abaisse au rang de serviteur et n’oublie jamais que Dieu est la source de tous les dons. “Je te reçois et je me donne à toi pour t’aimer fidèlement”, disent les époux dans l’échange des consentements, avec la conscience qu’ils reçoivent de Dieu la “garde” de l’autre et qu’ils devront en rendre compte au jour du jugement.
La vie s’incline devant le rythme du cœur, avec sa part d’imprévu, cette part des anges que l’on ne voit jamais passer, mais qui laissent leur sillage de lumière vive.
Pourquoi se marier avec tel ou telle ? Je ne sais. Il en est de même de l’amitié. “Si l’on me presse de dire pourquoi je l’aimais, disait Montaigne à propos de La Boétie, je sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant : Parce que c’était lui, parce que c’était moi.” On aime par un certain mystère. Certains êtres sont façonnés pour nous. Ils nous correspondent, on ne sait trop comment. Certaines rencontres nous sont données, comme si elles préexistaient à notre venue au monde. Un visage nouveau nous paraît familier et notre cœur se met à battre comme on retrouve un vieil ami, comme on se baigne dans la rivière de notre enfance. La vie s’incline devant le rythme du cœur, avec sa part d’imprévu, cette part des anges que l’on ne voit jamais passer, mais qui laissent leur sillage de lumière vive, leur trace parsemée d’étoiles.
Tous faits pour donner
On aime par mystère, sans doute. On aime aussi par décision, en engageant toute notre liberté pour servir un autre que nous-mêmes. “Un cœur n’est juste que s’il bat au rythme des autres cœurs”, disait Paul Eluard. Nous sommes tous faits pour donner notre vie et donner la vie. Dans la vocation fondamentale du mariage, ou dans telle ou telle autre forme du don de soi, comme la consécration à Dieu pour la vie du monde. Nos cœurs sont en creux pour qu’un autre y entre, comme deux amants qui se connaissent assez pour que leur corps devienne la maison commune, la demeure familière, lieu d’extase et de paix, de puissance et de repos. Lieu sacré et grandiose, lieu tout simple aussi, tout pauvre, comme est humble la table où l’on s’assoit sous la lampe. Je me souviens de la chanson de Frederik Mey qui berça mon enfance de noblesse et de beauté. Le vieux vinyle crépitait sous le diamant :
Une cruche en pierre,
Des miettes de pain
Autour de ton verre
Des taches de vin.
En acte et en vérité
La pierre, le pain, le verre, le vin… Le don de notre vie doit-être humble et concret. Ce qui n’entre pas dans nos faits et gestes, ce qui n’implique pas notre corps de chair ne concerne pas véritablement notre existence. L’homme n’est pas fait pour brasser des idées mais pour étreindre l’exigence du réel. Le Christ prit dans ses mains du pain et du vin, et en fît le don sacré de sa vie. Nous pouvons demander, en cette rentrée, d’apprendre à aimer en acte et en vérité, à conduire ceux que Dieu nous “donne” vers le Donateur de toute vie, vers la source de tout don, à être “un pont et un passage, disait saint Jean Paul II dans un poème, pour que toutes les brebis passent”.