En cette chaude journée du 5 septembre, l’hommage de la Nation est à la fois sobre et d’une grande solennité. Traversée du Pont Alexandre III, cérémonie dans la cour des Invalides, puis nouvel hommage militaire dans la base aérienne d’Orléans pour ce Jurassien membre des commandos parachutistes. Le sergent Nicolas Mazier avait 31 ans. Il est décédé le 29 août au cours d’une opération de reconnaissance en appui des forces irakiennes à une centaine de kilomètres de Bagdad, où le groupe a essuyé une embuscade de djihadistes de l’État islamique (EI). L’homme a essuyé une riposte de tirs. Membre du commando parachutiste de l’Air n°10 (CPA n°10), il a été décoré de la Croix de la Valeur militaire avec palme et de la Médaille militaire à titre posthume.
Le lendemain, le 6 septembre, c’est le retour auprès des siens à Dole et des obsèques religieuses. Avant même les funérailles à l’église, la force symbolique de l’entrée aux Invalides, au dôme surmonté de la croix, devant la cathédrale Saint Louis siège du diocèse aux armées, n’est pas que militaire mais aussi spirituelle.
L’engagement de Nicolas Mazier, qui fut militant avant de devenir soldat, a pour fil rouge le patriotisme, si l’on suit Jean-Baptiste Gagnoux, maire LR de Dole qui pleure son ancien compagnon politique : “Nicolas restera pour toujours un jeune Français qui avait son pays et ses valeurs profondément ancrés en lui.” C’est en cohérence avec ce que promeut le catéchisme de l’Église catholique (CEC §2239) :
Le devoir des citoyens est de contribuer avec les pouvoirs civils au bien de la société dans un esprit de vérité, de justice, de solidarité et de liberté. L’amour et le service de la patrie relèvent du devoir de reconnaissance et de l’ordre de la charité.
Plus, la réalité du terrorisme qui a massacré des civils jusque dans notre capitale implique l’obligation de protéger la collectivité (CEC §2265) :
En plus d’un droit, la légitime défense peut être un devoir grave, pour qui est responsable de la vie d’autrui. La défense du bien commun exige que l’on mette l’injuste agresseur hors d’état de nuire.
Le parcours du Sergent Mazier constitue une belle illustration de cet enseignement.
Un visage pour en représenter d’autres
Dans le sacrifice suprême de ce militaire, qui a perdu la vie avant son 32e anniversaire, il y a beaucoup à honorer. Honorer d’abord, par lui, la disposition de tous les militaires des forces spéciales qui savent qu’ils risquent leur vie chaque jour de leur déploiement et ont accepté en s’engageant cette éventualité. Honorer ensuite leur discrétion synonyme d’humilité auprès des autres, qui conduit à ce que les proches ne soient pas au courant du lieu de déploiement de leur être cher. Depuis Nicolas Sarkozy, la levée de l’anonymat des morts des forces spéciales et l’hommage qui leur est rendu aux Invalides permet à la Nation de voir leur visage et se recueillir. Elle conduit aussi à risquer que les parents apprennent par les médias la mort de leur fils en mission.
Enfin, à travers lui, honorer les autres, les soldats qui n’ont pas eu d’hommage aux Invalides, comme le sergent Baptiste Gauchot, 26 ans, et l’adjudant Nicolas Latourte, 29 ans, morts en Irak quelques jours avant, ceux qui échappent à la mort mais portent des séquelles, comme ces quatre militaires blessés avec le Sergent Mazier dont les noms n’ont pas été révélés et qui devront se construire, et tous les soldats morts accidentellement hors mission qui ne bénéficient pas des hommages militaires. Sur le pont Alexandre III, ce mardi, toutes les branches des forces armées sont représentées pour le passage du corps du Sergent Mazier. Pompiers, gendarmes, police, armée de terre, aviateurs de tout grade, ainsi que beaucoup de touristes étrangers font foule.
La Nation a besoin de ces modèles.
Les civils ne sont pas venus en masse comme aux États-Unis, où l’hommage aux militaires est plus spontané. Pourtant, au-delà de la grande famille de l’Armée, c’est la Nation qui envoie et que défendent ces hommes. Et elle a besoin de ces modèles. Il convient de se les réapproprier et de chérir leur exemple. En y étant plus sensible, elle saura davantage estimer le dévouement dans le reste de la société, comme le travailleur social Thibaud Roth, resté jusqu’au bout auprès des personnes handicapées, dont la mémoire aurait pu être davantage mise en valeur dans une France qui cherche à cultiver des exemples édifiants.
Le sacrifice de Nicolas Mazier, en pleine jeunesse, n’est pas vain ; il prolonge dans notre pays cette lignée d’hommes offrant leur vie pour protéger leurs concitoyens, faisant résonner en 2023 les mots de Péguy : “Heureux ceux qui sont morts pour des cités charnelles, car elles sont le corps de la cité de Dieu”. Aux Français d’aujourd’hui de s’en rendre dignes.