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Comment un village de 1.000 habitants peut-il receler un tel trésor ? À 19 ans, Eugène Delacroix est en situation précaire, orphelin et de santé fragile. Le jeune étudiant de l’École des Beaux-Arts est accueilli par un propriétaire terrien du village d’Orcemont, situé à quelques kilomètres de Rambouillet, pour lui permettre de se reposer. Afin de le soutenir, l’agriculteur lui commande un tableau. Cette première commande sera payée quinze francs.
Contrairement à d’autres tableaux, dont la provenance a été découverte tout à fait par hasard, ce Delacroix a toujours été accroché dans l’église. À peine achevé, il a été offert à la paroisse pour trouver sa place au-dessus de l’autel de la Vierge, auquel il était, dès l’origine, destiné. Son existence n’a pas été qu’un long fleuve tranquille. Volée en 1991, la “Vierge des moissons” a heureusement été retrouvé trois ans plus tard. Depuis, la sécurité du lieu et de l’œuvre a été sérieusement améliorée.
Une inspiration prestigieuse
Le thème retenu par le commanditaire était précis : il s’agissait de réaliser un retable pour l’église du village. La composition s’inspire, très librement, de la “Belle jardinière”, un tableau de Raphaël, conservé au musée du Louvre, représentant une Vierge à l’Enfant avec Saint Jean-Baptiste. Delacroix avait eu l’occasion de copier cette œuvre emblématique, comme le faisaient beaucoup d’étudiants en art. De l’original prestigieux du maître de la Renaissance italienne, Delacroix a conservé la Vierge et l’Enfant-Jésus, agençant différemment les personnages, faisant disparaître le saint Jean-Baptiste.
Le peintre simplifie le paysage toscan. On devine les champs de blé que le peintre devait avoir sous les yeux, horizon vallonné de cette région agricole située au sud d’un département qui ne s’appelait pas encore les Yvelines, mais appartenait à la Seine-et-Oise. Un bouquet de fleurs des champs met en valeur la richesse de la flore locale, mêlée aux blés en été.
Un tableau témoin
Au premier plan les gerbes de blé donnent son titre au tableau. Et, le croiriez-vous ? Elles ne sont pas dessinées de n’importe quelle manière : elles nous apprennent comment elles étaient liées il y a deux cents ans en Ile-de-France, suivant la technique dite de la “pougnade”. Un témoignage de pratiques disparues.
Si l’œuvre de Delacroix n’a jamais changé de localisation, outre son vol, elle n’est pas pour autant restée sur place. Elle a eu son lot de voyages, accueillie par les musées du monde entier. Le plus récent l’a emmenée il y a quelques années au Japon, pour une exposition consacrée à Victor Hugo et au romantisme. Depuis, sa boîte de transport, réalisée sur mesure, attend un nouveau départ.