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Comment le Vatican manœuvre pour sauver 20.000 enfants en Ukraine

Matka z dziećmi na granicy

LOUISA GOULIAMAKI/AFP/East News

Jean-Baptiste Noé - publié le 29/09/23

C’est l’un des sujets les plus délicats de la guerre en Ukraine : des enfants ukrainiens déportés vers la Russie, privés de leur famille et dans l’impossibilité de revenir dans leur pays. Le géopoliticien Jean-Baptiste Noé raconte comment le Saint-Siège s’est engagé dans une médiation afin de trouver des solutions à ces drames humanitaires.

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Combien d’enfants sont passés d’Ukraine en Russie et comment s’est déroulé ce transfert ? Les interrogations sont nombreuses quant aux circonstances, au nombre et au déroulé de cette opération. Un rapport du Sénat évoque près de 20.000 enfants, mais il est probable que ce chiffre soit plus important. Ces enfants ukrainiens auraient été déportés vers la Russie au début du conflit en février et mars 2022, pour être confiés à des familles d’accueil et commencer une nouvelle vie côté russe. Pour les associations ukrainiennes, cela constitue un crime humanitaire qui doit ouvrir à réparation et d’abord au retour des enfants en Ukraine. 

Côté russe, l’interprétation est différente : ce sont des enfants orphelins de familles russophones (essentiellement situées dans l’est de l’Ukraine), qui ont été confiés à des familles d’accueil russes pour qu’ils puissent continuer à pratiquer leur culture et à vivre dans un environnement culturel russe. Pour l’Ukraine, c’est un vol d’enfants et une russification inacceptable ; pour la Russie, c’est une action humanitaire apportée à des orphelins. Un même fait, deux interprétations contradictoires, qui révèlent une nouvelle fois les fractures et les enjeux historiques et mémoriels qui pèsent sur cette guerre. 

L’intervention du Vatican

Soucieux de trouver un levier d’action en Ukraine, le Saint-Siège s’est très tôt emparé de cette question. Le dossier a l’avantage de ne pas concerner des sujets militaires ni d’engager une quelconque délimitation des frontières. C’est un dossier dans lequel le Vatican peut pleinement jouer son rôle traditionnel de médiateur et ainsi aider à trouver une solution. Le 27 avril dernier, reçu à Rome par François, le Premier ministre ukrainien, Denys Shmyhal a officiellement demandé au Pape d’intervenir dans la libération de ces enfants. Ce qui était jusqu’à présent une opération en sous-main a ainsi trouvé une reconnaissance officielle au plus haut niveau. Peu de temps après, le cardinal Zuppi était envoyé en émissaire auprès des chancelleries belligérantes, emportant avec lui le dossier des enfants. 

Si le dossier stagnait, il semble avoir connu une accélération début septembre. Pour l’instant, rien n’est encore public, la diplomatie vaticane suivant une prudente discrétion. Mais plusieurs articles parus dans la presse italienne ont donné un aperçu de l’avancée des négociations. L’Avvenire, journal qui est le porte-voix de la conférence épiscopale italienne, dont le président actuel est le cardinal Zuppi, a ainsi fait paraître un article annonçant une issue positive à la mission Zuppi et aux libérations d’enfants : ““L’étoffe de la paix” [que Mgr Zuppi] tisse patiemment depuis plus de deux mois commence à porter ses fruits”, peut-on y lire. 

la relation entre Rome et Moscou s’est réchauffée, ce qui pourrait renforcer le levier de négociation de Mgr Zuppi.

Dans un autre journal italien, Le Corriera della Serra, il est indiqué que Mgr Zuppi aurait obtenu des transferts d’enfants de Russie vers l’Ukraine. La prudence reste néanmoins de mise, car personne ne connaît ni le calendrier de ces retours ni le nombre d’enfants concernés. On sera probablement très loin des 20.000 enfants évoqués par le Sénat français. La déception risque donc d’être grande et la mission déboucher sur peu de choses. 

Diplomatie russe

Quoi qu’il en soit, la relation entre Rome et Moscou s’est réchauffée, ce qui pourrait renforcer le levier de négociation de Mgr Zuppi. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergei Lavrov, l’a lui-même évoqué lors d’une réunion tenue le 15 septembre devant trente-cinq ambassadeurs : “Les efforts du Vatican, dont l’envoyé va revenir, se poursuivent.” Annonçant ainsi lui-même que le cardinal Zuppi allait revenir à Moscou et qu’il allait probablement le rencontrer, ce qui ne fut pas le cas lors de la première venue en juin dernier. 

Autre geste d’ouverture, le nouvel ambassadeur de Russie près le Saint-Siège est arrivé cinq jours seulement après le départ de son prédécesseur. Un délai extrêmement rapide alors qu’il peut parfois s’écouler plusieurs semaines, voire plusieurs mois, lors du remplacement d’un ambassadeur. Preuve que Moscou prend Rome au sérieux et que le Kremlin estime nécessaire d’avoir un ambassadeur près de la basilique Saint-Pierre. Lors de la visite de congé que l’ancien ambassadeur a effectué auprès du Pape, celui-ci lui a remis une liste de noms d’enfants dont le retour en Ukraine est espéré. Signe que le Vatican maintient son influence et son action. Reste à voir ce qu’il adviendra réellement de cette médiation. En diplomatie comme en amour, les mots tendres sont appréciés, mais les actions concrètes sont préférables.

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Guerre en Ukraine
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