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Il aurait l’âge de prendre sa retraite – les nonces apostoliques peuvent la prendre à 70 ans – mais Mgr Christophe Pierre est toujours en mission au poste aussi prestigieux que stratégique de nonce aux États-Unis. À 77 ans, le natif de Rennes s’apprête à recevoir la barrette cardinalice, une marque de confiance et d’estime du Pape pour ce diplomate qui a pris en 2016 le relais aux États-Unis de Mgr Carlo Maria Viganò, nonce qui a porté de graves accusations à l’encontre de François en 2018.
Aîné d’une famille de six enfants, Christophe Pierre est né le 30 janvier 1946 à Rennes. À I.Media, il confie se sentir “breton” mais souligne qu’il a eu “un destin différent” de ses compatriotes, puisque son père, avocat, ancien prisonnier de guerre qui s’est évadé de façon spectaculaire d’un camp d’officiers en Autriche, choisit d’émigrer à Madagascar alors qu’il a 3 ans. Ils rentrent en France après une dizaine d’années, puis repartent en Algérie où le père de famille est juge d’instruction militaire à Marrakech. Puis ils reviennent s’installer à Saint-Malo.
Le jeune Christophe grandit au sein d’une famille où l’Église “faisait partie du paysage”. Sa mère est une des cofondatrices de l’Action catholique en Bretagne, son père a fondé une troupe scoute… les enfants ont tout de suite été lancés dans des mouvements catholiques et dans l’apostolat. “Ma famille était l’Église, une Église ouverte”, confie-t-il. C’est donc “naturellement” qu’est née sa vocation. Après avoir pensé à une voie religieuse, il intègre le séminaire à l’âge de 17 ans.
À la fin de sa formation, son évêque lui propose la filière diplomatique du Saint-Siège. Mais il hésite beaucoup, craignant que cette carrière ne soit pas assez pastorale. Ordonné prêtre en 1970, il fait d’abord une maîtrise de théologie à l’Institut catholique de Paris, servant trois ans comme vicaire dans une paroisse du diocèse de Nanterre où il est marqué par la congrégation des Fils de la Charité.
Nonce en Ouganda en 1999
Le jeune prêtre accepte finalement d’intégrer l’Académie pontificale ecclésiastique, ‘l’école des nonces’ à Rome, études qui dureront quatre ans. Il fait aussi un doctorat en Droit canon à l’Université pontificale du Latran.
Mgr Christophe Pierre, qui n’a jamais été en poste à Rome, commence son service diplomatique au Saint-Siège en 1977. Il sera affecté dans de nombreuses nonciatures – en Nouvelle-Zélande, au Mozambique, au Zimbabwe, à Cuba, au Brésil, à l’ONU à Genève – avant d’être nommé nonce apostolique en Haïti par Jean Paul II en 1995. C’est le cardinal Angelo Sodano, alors secrétaire d’État, qui le consacre évêque le 24 septembre 1995 à Saint-Malo.
Quatre ans plus tard, en 1999, l’archevêque est nommé nonce en Ouganda. Courant 2006, Mgr Pierre figure parmi les favoris pour occuper le poste de secrétaire du Saint-Siège pour les relations avec les États, l’équivalent d’un ministre des affaires étrangères. Un autre Français, Mgr Dominique Mamberti, devenu cardinal, est finalement nommé. En 2013, son nom circulera aussi parmi les possibles secrétaires d’État envisagés pour le pape François.
En mars 2007, Benoît XVI le désigne nonce au Mexique. À Mexico, le diplomate organise les voyages de Benoît XVI (2012) puis de François (2016). Le 30 mai 2016, il est décoré par le gouvernement mexicain de l’Ordre mexicain de l’Aigle aztèque.
Nonce aux États-Unis dans une période de trouble
Le 12 avril 2016, le pape François le nomme nonce apostolique aux États-Unis d’Amérique. Un poste délicat puisque son prédécesseur de 2011 à 2016, est devenu l’un des détracteurs de François. Le nom de Mgr Viganò est lié au premier scandale Vatileaks de 2012, quand des lettres qu’il avait adressées à Benoît XVI sur la corruption du Vatican fuitent dans la presse. Puis en 2018, le prélat italien publie un témoignage accusant le pape François d’avoir fait de l’alors cardinal Theodore McCarrick, archevêque émérite de Washington, un “conseiller de confiance” dans les nominations épiscopales aux États-Unis, alors que le nonce assure avoir informé le Pape du comportement inadapté du haut prélat envers des séminaristes et des sanctions qui pèsent contre lui.
L’affaire entraînera la démission de McCarrick – visé par une plainte – du Collège cardinalice et sa perte de l’état clérical. Fait rare : le Saint-Siège publie intégralement en 2020 le rapport de l’enquête menée sur les mécanismes qui ont conduit à la couverture de ces abus y compris au plus haut sommet de la hiérarchie. Durant ces années, Mgr Christophe Pierre est confronté aux États-Unis à une Église en pleine tourmente après ces révélations.
Dans ce pays où les catholiques peuvent se déchirer entre ‘progressistes’ et ‘conservateurs’, le nonce français a souvent invité les évêques à œuvrer pour l’unité. Récemment, il les encourageait encore à mettre en œuvre la synodalité promue par le pape François, un thème que Mgr Christophe Pierre défend, dénonçant la tendance à “se battre pour des idées”. Le nonce prône une défense de la vie qui soit aussi “sensible aux situations humaines”.
Un “homme ordinaire”
En juillet 2023, Mgr Pierre accompagne le cardinal Matteo Zuppi, envoyé par le Pape pour une mission de paix à Washington – après des étapes à Kiev et Moscou. Il participe ainsi à la rencontre de deux heures avec le président Joe Biden. Au total, Mgr Pierre a vécu dans neuf pays, souvent durant de longues périodes. Nonce heureux qui se décrit comme un “ordinary guy” (un homme ordinaire), il a fait de sa mission un engagement très pastoral. “Je suis en permanence au contact des personnes, des réalités humaines”, assure celui qui estime qu’ “on est pasteur parce qu’on le veut, où qu’on soit”.
Dans la liste des nouveaux cardinaux créés par François figure un compatriote de Mgr Christophe Pierre en la personne de François Bustillo, évêque d’Ajaccio. Avec eux, la France compte désormais six cardinaux électeurs : le cardinal Aveline, archevêque de Marseille, le cardinal Mamberti, préfet du Tribunal suprême de la Signature apostolique, le cardinal Philippe Barbarin, archevêque émérite de Lyon et le cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque émérite de Bordeaux.