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Décryptage des Dubia : les femmes pourront-elles recevoir l’ordination sacerdotale?

Woman Church

M-Production | Shutterstock

La rédaction d'Aleteia - publié le 08/10/23

Le pape François a répondu par la voix du dicastère pour la Doctrine de la foi à cinq dubia (doutes/questions) adressées en juillet dernier par cinq cardinaux. Décryptage de la réponse du pape François à la quatrième question portant sur l’ordination sacerdotale des femmes.

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Le dicastère pour la Doctrine de la foi a rendu publique ce 2 octobre 2023 la lettre du pape François, datée du 11 juillet dernier, répondant aux cinq cardinaux, Walter Brandmüller, Raymond Burke, Juan Sandoval Íñiguez, Robert Sarah et Joseph Zen, qui avaient adressé un premier message exprimant leurs doutes – dubia, dubium au singulier, en latin – à l’approche de l’ouverture du Synode sur l’avenir de l’Église.

Voici la question (dubuim) n°4 des cardinaux portant sur l’ordination sacerdotale des femmes, suivie de la réponse du Pape et d’un court décryptage.

Dubium sur le soutien des pasteurs et des théologiens à la théorie selon laquelle “la théologie de l’Église a changé” et donc que l’ordination sacerdotale peut être conférée à des femmes.

À la suite des affirmations de certains prélats, qui n’ont été ni corrigées ni rétractées, selon lesquelles la théologie de l’Église et le sens de la messe ont changé avec Vatican II, la question se pose de savoir si le dictat du Concile Vatican II est toujours valable, selon lequel «le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel qui ont en eux une différence essentielle et non seulement en degré» (Lumen Gentium IO) et que les presbytres, en vertu du «pouvoir sacré d’offrir le Sacrifice et de remettre les péchés» (Presbyterorum Ordinis 2), agissent au nom et en la personne du Christ médiateur, par lequel le sacrifice spirituel des fidèles est rendu parfait? Il est demandé également si l’enseignement de la lettre apostolique Ordinatio Sacerdotalis de saint Jean Paul II, qui enseigne comme une vérité à considérer définitive l’impossibilité de conférer l’ordination sacerdotale aux femmes, est toujours valable, de sorte que cet enseignement n’est plus assujetti à des changements ou à la libre discussion des pasteurs ou des théologiens.

Réponse du Pape François à la quatrième question

a) «Le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel qui ont entre eux une différence essentielle» (Concile œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Lumen Gentium, 10). Il n’est pas opportun de défendre une différence de degré qui implique de considérer le sacerdoce commun des fidèles comme quelque chose de “second ordre” ou de moindre valeur (un «degré inférieur»). Les deux formes de sacerdoce s’éclairent et se soutiennent mutuellement.

b) Lorsque saint Jean Paul II a enseigné qu’il faut affirmer «de façon définitive» qu’il est impossible de conférer l’ordination sacerdotale aux femmes, il n’a en aucun cas dénigré les femmes et conféré le pouvoir suprême aux hommes. Saint Jean-Paul II a également affirmé d’autres choses. Par exemple, que lorsque nous parlons de pouvoir sacerdotal, «Nous sommes dans le concept de la fonction, non de la dignité et de la sainteté». (Saint Jean Paul II, Christifideles Laici, 51). Ce sont des mots que nous n’avons pas suffisamment accueillis. Il a aussi clairement affirmé que, bien que seul le prêtre préside l’Eucharistie, les tâches «ne donnent pas lieu à la supériorité de certains sur d’autres» (Saint Jean Paul II, Christifideles laici, note 190 ; Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration Inter Insigniores, VI). Il a également affirmé que si la fonction sacerdotale est «hiérarchique», elle ne doit pas être comprise comme une forme de domination, mais comme «totalement ordonnée à la sainteté des membres du Christ» (St Jean Paul II, Mulieris dignitatem, 27). Si l’on ne comprend pas cela et si l’on ne tire pas les conséquences pratiques de ces distinctions, il sera difficile d’accepter que le sacerdoce soit réservé aux seuls hommes et l’on ne pourra pas reconnaître les droits des femmes ni la nécessité pour elles de participer, de diverses manières, à la conduite de l’Église.

c) D’autre part, pour être rigoureux, nous reconnaissons qu’une doctrine claire et faisant autorité sur la nature exacte d’une “déclaration définitive” n’a pas encore été élaborée de manière exhaustive. Il ne s’agit pas d’une définition dogmatique, cependant, elle doit être acceptée par tous. Personne ne peut la contredire publiquement et pourtant elle peut faire l’objet d’études, comme dans le cas de la validité des ordinations dans la Communion anglicane.

Que comprendre de la réponse du pape François ?

Les cinq cardinaux dans ce dubium relèvent quela Constitution dogmatique du concile Vatican II, Lumen Gentium, confirme clairement la doctrine traditionnelle de l’Eglise selon laquelle entre le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel, il y a “une différence d’essence et non seulement de degré (essentia et non gradu tantum)” (LG 10 §2).  Dans sa réponse, le pape François reprend volontiers ce passage de Lumen Gentium, mais en omettant la différence de degré qui est pourtant présentée comme première par la Constitution dogmatique (non tantum fait dépendre essentia de gradu). Le pape justifie le raccourcissement qu’il s’autorise du texte conciliaire en affirmant que : “Il n’est pas opportun de maintenir une différence de degré qui implique de considérer le sacerdoce commun des fidèles comme quelque chose de « seconde catégorie » ou de moindre valeur (« un degré inférieur »)”.

On notera que le pape François applique ici avec largesse les règles d’interprétation et de réinterprétation des définitions dogmatiques qu’il donne en réponse au dubium n°1 des cinq cardinaux, réponse où il écrit notamment : “Si l’on entend par [réinterpréter] « mieux interpréter », l’expression est valable“ ; et encore : “[L’Eglise] mûrit aussi dans la compréhension de ce qu’elle a elle-même affirmé dans son Magistère”.

Pour ce qui est précisément de l’ordination sacerdotale des femmes, le pape François relève que l’impossibilité d’octroyer l’ordination sacerdotale aux femmes établie par saint Jean Paul II était certes une « déclaration définitive » mais n’ayant pas le caractère d’une « définition dogmatique ». Elle ne peut pas être « contredite publiquement », mais peut faire « l’objet d’études ». Ainsi, croit-on pouvoir comprendre, cela rend légitime des “études” sur ce sujet dans le cadre du Synode. En fin de compte,  le Saint-Père ne donne pas ici sa position, laissant  au synode la possibilité d’approfondir la question.

Cependant, le pape François s’est déjà exprimé sur le sujet en affirmant clairement qu’il n’est pas favorable à l’ordination sacerdotale des femmes, notamment en considération des principes pétrinien et marial. D’après le théologien et cardinal Urs von Balthasar, l’Église fonctionnerait sur deux principes : du principe pétrinien, en référence à la succession apostolique, relèverait tout ce qui est d’ordre ministériel et juridictionnel, ce principe étant essentiellement masculin ; du principe marial, en référence à Marie épouse et mère, relèverait tout ce qui ressort à l’être de l’Eglise, ce principe étant essentiellement féminin. L’ordination sacerdotale relevant du principe pétrinien/masculin, celle des femmes n’aurait pas de sens. 

Élargissant la question dans un interview donné à la revue jésuite America, la pape François avait développé l’idée que l’Église ne peut se limiter à sa dimension ministérielle. «L’Église est femme. L’Église est une épouse. Nous n’avons pas développé une théologie de la femme qui reflète cela», y déplore le pape. Le fait «que la femme n’entre pas dans la vie ministérielle n’est pas une privation». Sa place est «beaucoup plus importante» et il reste aujourd’hui à la développer à l’aune du «principe marial». Ce dernier, qui vient avec le «principe pétrinien», concerne la place de la féminité dans l’Église, «de la femme dans l’Église».

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