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La vénérable Madame Louise, de Versailles au carmel

LOUISE-DE-FRANCE-DOMAINE-PUBLIC

Domaine public

Louise-Marie de France (1737–1787), dite Madame Louise, fille de Louis XV.

Anne Bernet - publié le 22/12/23

Fille de Louis XV, d’un caractère bien trempé, Madame Louise a toujours voulu se consacrer à Dieu. Devenue carmélite, elle ne cessa de prier pour le salut de l’âme de son père. L’Église honore sa mémoire le 23 décembre.

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Lorsque, ce matin de 1770, Louis XV entre dans les appartements de Mesdames, ses filles, il sait que la nouvelle qu’il va leur annoncer leur causera un choc mais, même s’il en a pesé les mots, le roi ne s’attend pas, cependant, à la réaction des princesses. En effet, lorsqu’il leur dit : “Louise est partie”, Mesdames Victoire, Sophie et Adélaïde s’écrient : “Avec qui ?” L’anecdote, si elle a fait les délices de la Cour, est trop belle pour être vraie. Même si, redoutant leur indiscrétion, la huitième fille de Louis XV, surnommée à sa naissance, le 15 juillet 1737, “Madame Dernière” car la famille royale ne savait plus que faire de tant de princesses probablement impossibles à marier, a caché ses projets à ses aînées, nul n’ignore son attirance, précoce, pour la vie religieuse.

Auraient-elles pu réellement croire à une fugue amoureuse avec quelque beau gentilhomme s’agissant de la pieuse Louise qui, chaque fois que l’on a évoqué un projet matrimonial digne d’elle, a déclaré, consternée : “N’ai-je sujet d’être bien inquiète qu’on me destine un époux, à moi qui n’en veux pas d’autre que Jésus-Christ ?”

La leçon a porté

La seule question a toujours été de savoir quand le roi donnerait sa bénédiction, s’il la donnait, à la vocation de sa fille. Louis XV, en effet, a toujours éprouvé une forte répugnance à laisser partir ses enfants chéries, en un temps où l’union diplomatique d’une princesse signifie une rupture définitive avec sa famille sans aucun espoir de retrouvailles. Il n’ignore pas que sa benjamine, pour laquelle il éprouve une préférence inavouée, en raison de son intelligence bien supérieure à celle de ses aînées, est dotée d’un fort caractère et qu’il est difficile de lui en imposer. Son entourage a pourtant pris grand soin de juguler ses humeurs emportées, au grand dam de la petite. 

Un jour qu’une de ses femmes de chambre la réprimandait à bon droit, Louise, furibonde, lui a dit de son air le plus altier : “Comment osez-vous parler sur ce ton à la fille de votre roi ?” À quoi la domestique a rétorqué, glaciale : “Et vous, Madame, sur quel ton osez-vous parler à une fille de votre Dieu ?” La leçon a porté et, de ce jour, Louise a appris les mérites de l’humilité chrétienne et remis chaque chose à sa place, au point qu’à son retour du couvent de Fontevraud où elle a grandi, le spectacle de la Cour et de ses vanités lui est devenu insupportable.

Seule son entrée au carmel, dont les rigueurs ne l’effraient pas, pourrait sauver l’âme du Roi.

Ce sentiment s’est aggravé après la mort de sa mère, la reine Marie, en 1768, le mariage, qu’elle désapprouve comme une faute politique, de son neveu, le futur Louis XVI, avec une archiduchesse d’Autriche, le ton que l’adolescente donne à son entourage, et, pis que tout, l’intronisation d’une nouvelle maîtresse royale dotée du statut officiel de favorite, la très belle comtesse du Barry. Bien que Louis XV soit veuf, Louise voit dans cette liaison de son père la garantie de sa damnation… et, pour l’arracher à l’enfer, elle est prête à tous les sacrifices. Seule son entrée au carmel, dont les rigueurs ne l’effraient pas, pourrait sauver l’âme du Roi.

Pour le salut éternel de son père

Certes, Madame Louise, à 33 ans, est trop âgée pour le cloître mais comment refuser l’entrée d’une fille du roi, et dont la mère a toujours aidé les carmélites, d’autant qu’elle apportera une dot énorme, propre à sauver le carmel de Saint-Denis, si pauvre que l’on envisage sa fermeture. À ceux qui s’étonnent de la voir renoncer aux facilités de son existence princière, elle rétorque : “J’étais esclave à la Cour et mes chaînes, pour être brillantes, n’en étaient pas moins des chaînes.” Désormais, son choix l’a rendue libre. Le 25 septembre 1771, la princesse prononce ses premiers vœux, prend le nom de religion de Thérèse de Saint-Augustin et déclare : “Moi carmélite, et le roi tout à Dieu.”

En fait, à la mort de Louis XV, emporté par la variole le 10 mai 1774, l’on est bien loin de la conversion espérée, même si le souverain fait incontestablement une fin chrétienne. Madame Louise ne se décourage pas pour autant, prie et se sacrifie pour le salut éternel de son père. Nommée maîtresse des novices, elle saura guider, entre autres, la vocation d’une jeune fille pauvre, Claudine Lidoine qui, sous le nom de sa protectrice, Thérèse de Saint-Augustin, prieure du carmel de Compiègne, mourra martyre sur l’échafaud le 16 juillet 1794. Elle devient ensuite économe de la communauté, puis par trois fois prieure, en 1773, 1776 et 1785.

Au Paradis, au grand galop !

Mi-décembre 1787, elle tombe malade après avoir ouvert un paquet expédié d’Italie et contenant des reliques. Beaucoup penseront que le présent était empoisonné… Même si l’on peut se demander qui avait intérêt à assassiner une princesse sans pouvoir sur les choix politiques de son neveu, cloîtrée depuis dix-sept ans, le soupçon demeurera. Madame Louise s’éteint le 23 décembre. On prétend qu’à l’agonie, elle aurait crié, comme si elle donnait un ordre à son cocher : “Au Paradis ! Au grand galop !” Elle a été déclarée vénérable en 1873. Seul un miracle obtenu par son intercession manque à sa cause de béatification.

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