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À Noël, l’Église célèbre la venue sur terre de Jésus, le Sauveur annoncé par les prophètes. Les chrétiens parlent du mystère de l’Incarnation. Dans le langage courant, le mot peut rimer avec secret ou même ésotérisme. Le mot “mystère” est pourtant régulièrement utilisé par les chrétiens et en théologie : “mystère de la foi”, “mystère joyeux”, “saints mystères”. La foi aurait-elle des choses à cacher ? Serait-elle réservée à un petit groupe d’initiés ? Le Dictionnairede l’Académie française apporte une première réponse : le mystère est, “dans la foi chrétienne, [une] vérité contenue dans la Révélation et qui dépasse la raison.”
Le grec musterion vient du verbe muein, qui veut dire “être fermé”. Dans le monde antique, on parle ainsi de “religions à mystères” pour des cultes proches de la magie et qui sont pratiqués par une élite restreinte. Le sens chrétien est presque inverse : le mystère n’est plus une vérité cachée sauf à quelques élus, mais la vérité inépuisable rendue accessible à tous. Le dessein bienveillant de Dieu pour les hommes n’est-il pas une chose infinie ? Le bonheur promis une réalité éternelle ?
Une immensité perceptible et supérieure
La théologie a donc repris ce terme de “mystère” pour désigner cette immensité, perceptible et en même temps toujours supérieure. Saint Paul en use à de nombreuses occasions, par exemple aux Colossiens : “Car Dieu a bien voulu […] faire connaître en quoi consiste la gloire sans prix de ce mystère parmi les nations : le Christ est parmi vous, lui, l’espérance de la gloire !” (Col, 1, 26). La liturgie elle-même proclame : “Il est grand, le mystère de la foi”. Une exclamation qui suit l’actualisation, au cœur de l’eucharistie, du Mystère pascal, justement.
De la même manière, la récitation du chapelet est l’occasion de méditer sur les mystères (glorieux, joyeux, douloureux et lumineux) de la vie de Christ. Ceux qui disent régulièrement cette prière mariale savent combien la contemplation des scènes du ministère du Seigneur est riche et sans cesse renouvelée.
L’action invisible de la grâce
Plus spécifiquement, le “mystère” est aussi le grec du mot “sacrement” : une chose visible manifeste l’action invisible de la grâce. Plus littérairement, le “mystère” est enfin un drame théâtral qui donne à voir ce que les yeux ne peuvent contempler. Le Moyen Âge en fut friand, mais Péguy a sans doute donné ses lettres de noblesse à ce genre à travers son triptyque sur la cathédrale de Chartres. Dans Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc, Le Porche du mystère de la deuxième vertu et le Mystère des Saints Innocents (entre 1910 et 1912), il offre à ses lecteurs une superbe ouverture sur l’Incarnation et la Rédemption. Sans doute les plus grands mystères, et les plus décisifs.