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Partir aux confins de l’Asie centrale pour aller à la rencontre des communautés catholiques éparpillées dans les steppes. C’est le projet un peu fou que Diane et Anna, 28 ans, ont décidé de mener ensemble. Neuf mois de pèlerinage sur les traces des minorités chrétiennes de ces pays “en stan”, méconnues, oubliées, voire tout à fait anonymes. Kazakhstan, Turkménistan, Ouzbékistan, Kirghizistan, Tadjikistan… Ces terres semblent loin, trop loin. Et pourtant, pas de quoi décourager ces deux aventurières à l’âme missionnaire.
Parties en octobre 2022, les voilà revenues en France en juillet, la tête pleine de souvenirs et l’âme gonflée à bloc. Issues de la région lyonnaise, Diane et Anne sont amies de longue date. Elles se sont rencontrées pendant leurs années scoutes, desquelles elles ont visiblement gardé leur attrait pour l’aventure. En 2019, après leur master (Anna est étudiante en langues et Diane en joaillerie), les deux jeunes filles ont des envies de large. Malgré le covid, elles réussissent à partir en direction de la Russie. Elles restent un an dans un foyer au cœur du Caucase russe, spécialisé dans le handicap, hébergées par une famille catholique. “C’est là que nous avons été baignées dans la réalité des minorités catholiques, peu présentes dans ce pays”, expliquent Diane et Anna à Aleteia.
“Le no man’s land des catholiques”
À peine rentrées en France, elles couvent à nouveau la fièvre du voyage. Elles débutent leur vie professionnelle mais l’idée d’une nouvelle mission ne les lâche pas. Devenues russophones, elles s’intéressent aux missionnaires d’Asie centrale, mais butent sur le manque d’informations à leur disposition. Qu’à cela ne tienne, puisque personne ne sait grand chose sur les catholiques d’Asie centrale, ce sont elles, Diane et Anna, qui iront combler ce vide. “Là-bas, c’est un peu le no man’s land des catholiques. Nous avons voulu partir à leur rencontre, dans une démarche de pèlerinage.” En octobre, les deux amies s’envolent donc vers le Kazakhstan, où elles restent trois mois. Puis, elles se rendent au Tadjikistan, en Ouzbékistan, et terminent par le Kirghizistan et Turkménistan. À chaque pays sa communauté missionnaire : Franciscains en Ouzbékistan, Jésuites au Kirghizistan, Verbe Incarné au Tadjikistan, Oblats de l’Immaculée au Turkménistan… Et, un peu partout, des filles de la Charité. Une dynamique lancée par Jean Paul II, qui avait décidé d’envoyer des missionnaires différents pour évangéliser ces terres.
L’Église est devenue le point de rassemblement des gens seuls et pauvres.
Elles sont hébergées dans les paroisses où elles donnent tout leur temps, notamment pour l’animation des messes et des temps de prière. “Ce sont des paroisses où les répertoires de chants sont très limités. Pour les fidèles, entendre un chant à deux voix relevait presque du miracle”, se rappelle Diane. “Nous leur avons appris des chants, avec les différentes voix, en les traduisant en russe pour qu’ils puissent chanter une fois parties”. Car le russe, c’est la langue que parlent les catholiques d’Asie centrale. La très grande majorité d’entre eux sont issus de la déportation communiste – les plus grands goulags se trouvaient en terre kazakhe. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’évangélisation auprès des locaux est si difficile, relèvent les jeunes femmes. “Là-bas, la messe n’est célébrée qu’en russe. Par conséquent, une grande majorité de la population n’a pas accès à la messe en langue vernaculaire. Et il y a aussi, sur ces terres musulmanes, la prégnance de cette idée selon laquelle le Dieu des chrétiens est soit celui des Russes, soit celui des Occidentaux : pour eux, un Dieu faible.” Dans chaque pays, la religion musulmane est intrinsèquement liée à l’identité, qu’elle soit kirghize, kazakhe ou ouzbèke. “Les conversions sont très difficiles, quitter l’islam n’est pas bien vu”, souligne Anna.
Le nourrisson de l’Église
Dans les paroisses catholiques, les mères célibataires abandonnées par leur mari sont légion. “L’Église est devenue le point de rassemblement des gens seuls et pauvres, qui subissent une misère à la fois matérielle et spirituelle, mais aussi morale”, explique Diane. “Les prêtres sont sous l’eau. Ils aimeraient pouvoir faire de l’éducation morale, affective et sexuelle car la jeunesse en a vraiment besoin, elle n’a aucun repère en la matière, mais ils sont débordés.” Surtout, la petite communauté catholique est esseulée et repliée sur elle-même, dans l’incapacité de partager sa foi. Une épreuve que sont loin de partager les catholiques d’Occident, rappellent les deux jeunes femmes. “L’Église d’Occident est confrontée à de grandes difficultés mais quelle chance nous avons malgré tout de pouvoir vivre notre foi et nos sacrements en communion avec d’autres ! Là-bas, si un jeune reçoit le baptême, il est seul et n’a personne avec qui partager sa foi.”
Pour illustrer ce que représente l’Église d’Asie centrale, Anna et Diane aiment l’appeler “le nourrisson de l’Église”. “Elle n’est pas consciente de ses forces, elle a besoin d’une attention de tous les instants, et elle porte l’espérance de la vie”, résument-elles. “La foi germe dans une culture qui n’y est pas propice, on ne peut pas attendre un rendement immédiat. On sème, sans savoir si les fruits porteront dans 100 ou 200 ans. C’est vraiment le temps de Dieu. Et cela montre que l’Église catholique a encore tant à donner !”