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“Ça te fera ça de moins pour le purgatoire !” Voilà une expression que l’on entend parfois sur les lèvres des chrétiens ! On pourrait l’interpréter d’une manière défaitiste : “De toute façon, la souffrance est nécessaire… quitte à l’avoir, autant la vivre maintenant !” On peut aussi l’entendre comme une merveilleuse nouvelle ! Il est possible de vivre, dès cette terre, cette grande préparation à la vie du ciel et anticiper, avant même de mourir, les joies du Paradis ! Voilà une doctrine des plus traditionnelles que l’on retrouve dans la doctrine de la nuit de saint Jean de la Croix. La nuit, selon lui, n’est autre qu’un purgatoire vécu sur terre qui prépare à l’union d’amour avec Dieu dans le centre de l’âme. Mais de quoi parle-t-il vraiment ? Laissons le frère Wilfrid Stinissen (1927-2013), nous en parler : ce carme belge qui devint prieur de son couvent en Suède est reconnu comme un des meilleurs spécialistes de saint Jean de la Croix de la fin du XXe siècle.
À quelle époque de la vie spirituelle ?
Chez les chrétiens, il y a plusieurs époques de la vie spirituelle : celle où l’on commence à suivre le Christ d’une manière plus décidée ; celle où la vie avec Lui devient comme une respiration naturelle. Mais le chemin n’est pas encore terminé. Comme l’explique le frère Wilfrid : “On est tenté de croire — en lisant les mystiques surtout — qu’on a trouvé le chemin, et qu’il s’agit maintenant de continuer ce chemin le reste de sa vie, que le repos deviendra toujours plus profond, la satisfaction toujours plus grande” (La nuit comme le jour illumine, p. 18).
Il est donc bien possible de vivre ce “purgatoire” sur la terre. Il s’agit d’une dilatation de l’âme qui lui donne de vivre dès cette terre dans la joie de la vie du ciel. Mais pour cela, il faut consentir à entrer pleinement dans l’épaisseur du mystère de la Croix.
Tout, en réalité, ne fait que commencer. Après avoir expérimenté suffisamment longtemps une vie dans la proximité de Dieu, une expérience de sa présence dans le centre de l’âme, l’âme est désormais prête, elle est suffisamment attachée à sa volonté, pour passer par une expérience plus douloureuse, une purification plus profonde qui revêt deux aspects, “un aspect moral et un aspect ontologique” (p. 19).
La purification morale
L’aspect moral de la nuit est lié à la trop grande sainteté de Dieu. Lorsque le Seigneur s’approche d’une âme, sa lumière très pure met en lumière les zones d’ombres les plus cachées. Elle vit alors une expérience difficile à supporter. Son péché et sa misère sont mis en lumière, non pas pour qu’elle désespère, mais pour qu’elle s’offre avec sa petitesse et à sa faiblesse au feu dévorant de la Miséricorde divine. Laissons la parole à Wilfrid : “Il est extrêmement important de comprendre que la souffrance de la nuit obscure n’est pas causée par l’absence de Dieu. C’est au contraire la présence de Dieu — une présence qui d’une certaine façon est trop intense et dépasse la capacité de l’âme — qui est la cause de toutes les peines de la nuit. Saint Jean de la Croix répète inlassablement que la nuit vient du “trop grand” amour de Dieu” (p. 20).
La transformation « ontologique »
Mais la nuit n’est pas qu’une “purification”. Elle est aussi une “transformation” pour que la parole de saint Paul se réalise en l’âme : “Avec le Christ, je suis crucifié. Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi” (Ga 2,19-20). Celui qui voyait le monde et les êtres d’une manière humaine, va désormais les envisager avec les yeux de Dieu. La “rose” n’est plus une merveilleuse plante qui lui parle de la beauté de Dieu : elle devient une parole du Père qui lui révèle toute la beauté de son Verbe en qui il a tout créé. Il n’aime plus non plus ses frères avec les ressources de ses forces humaines, mais avec l’amour de l’Esprit Saint lui-même. Ce n’est plus lui qui doit “supporter” un collègue difficile à gérer : c’est Jésus lui-même qui l’aime par lui, avec son propre Cœur. Mais avant d’arriver à cet heureux état, il faut consentir à passer par une transition douloureuse :
“Les puissances de l’âme n’acceptent pas tout de suite de ne plus pouvoir agir de façon habituelle. Il faut du temps avant qu’elles s’abandonnent pleinement à Dieu et apprennent à écouter les signaux qui viennent du dedans, au lieu de s’emparer brutalement de leur objet. Il faut du temps avant que les griffes ne se transforment en antennes sensibles. Dans l’attente de cette transformation, on est suspendu entre ciel et terre (NO II 6, 5). On ne peut plus agir comme auparavant, on fait l’expérience de son impuissance totale” (p. 23).
Consentir à entrer dans le mystère de la croix
En résumé : il est donc bien possible de vivre ce “purgatoire” sur la terre. Il s’agit d’une dilatation de l’âme qui lui donne de vivre dès cette terre dans la joie de la vie du ciel. Mais pour cela, il faut consentir à entrer pleinement dans l’épaisseur du mystère de la Croix. Ce “purgatoire” arrive généralement chez les chrétiens après un long temps de familiarité avec Dieu. Il prend la forme d’une purification des racines les plus profondes du péché et d’une transformation du cœur. Bien que l’expérience soit douloureuse — elle peut prendre des milliers de formes ! — il s’agit peut-être de la plus belle grâce que Dieu puisse faire à un homme sur cette terre. Cette nuit, comme le dit Jean de la Croix, est une nuit vraiment bienheureuse puisqu’elle nous conduit à une union profonde avec Celui qui nous a tant aimé.
Pratique :