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“Ora et labora“, dit le moine. Si elle ne figure pas telle quelle dans la Règle de saint Benoît, chacun peut reprendre à son compte ce conseil empreint d’une infinie sagesse : “Prie et travaille.” Le travail, ici, est ordonné à la prière, qui vient en tête, si bien qu’on pourrait presque le développer en ce sens : “Prie Dieu d’abord ; travaille à Le chercher, ensuite.” C’est aussi tout le sens de la grande Règle de saint Augustin : “Dilige, et quod vis fac“, c’est-à-dire “aime et fais ce que tu veux”. Le mot, ici, éclaire l’idée : si “dilige” se traduit par “amour”, c’est qu’il vient du latin “lex“, c’est-à-dire “loi”. Il n’y a donc pour le chrétien d’autre loi que celle de l’amour. Saint Augustin n’ouvre pas ici une porte béante à la définition dévoyée que les hommes ont fait de la liberté. Le docteur de l’Église ne fait que redire que tout doit être ordonné à l’amour, ou plutôt, que l’amour de Dieu doit être la cause et la fin de toute chose.
Ce petit détour par l’Antiquité tardive n’est pas vain : puisque Dieu a fait l’homme libre, il ne l’a pas voulu esclave d’un travail dont le mot même porte en lui le signe de la souffrance. Au travail, apprendre à se détacher du “trop” c’est aussi se recentrer sur le “bon”, pour redonner sa place à Dieu dans son devoir d’état. Apprendre à lâcher prise et être pleinement aux siens, une fois passé le seuil de son bureau, c’est aussi remettre l’amour de Dieu au cœur de sa vie et quitter cette lassitude de celui qui s’épuise à ne pas savoir quitter son labeur l’esprit tranquille. Ne plus être dépendant en tout point de son travail, c’est aussi répondre de cette fidélité que tout chrétien est appelé à vivre, selon son état de vie, pour faire du Seigneur et de ceux qui l’entourent sa priorité ; c’est ordonner le travail à l’amour pour ne pas ordonner l’amour au travail.