Inutile de rappeler la Renaissance, les peintres et les sculpteurs promus par les papes et les cardinaux pour se convaincre de l’importance de l’art comme levier de puissance de l’Église. La plupart des touristes qui viennent à Rome ou qui visitent les cathédrales ne le font pas par acte de foi, mais pour voir des lieux culturellement riches. Et ce faisant, ils s’imbibent aussi de la foi et de la culture chrétienne.
Dialogue avec l’art d’aujourd’hui
Au XXe siècle, Paul VI voulut renouer le dialogue avec les artistes contemporains. C’est à lui que l’on doit la création de salles dans les musées du Vatican dédiées à l’art contemporain ainsi qu’à une audacieuse politique d’acquisition. Art religieux ou non, les salles comprennent quelques-uns des grands noms de l’art du siècle dernier. Paul VI fut aussi l’ami des écrivains et des philosophes, dont Jacques Maritain. Une politique poursuivie par Jean Paul II, avec la création d’un dicastère chargé des questions culturelles et artistiques, mené par le cardinal français Paul Poupard.
En se rendant à la Biennale de Venise, qui est l’une des grandes foires d’art contemporain, François met ses pas dans ceux de ses prédécesseurs, en témoignant de l’importance d’un art qui n’est pas que passé, mais aussi dialogue et culture vivante. C’est la première fois qu’un pape se rend à la Biennale, le Saint-Siège y participant depuis 2013. Rencontres avec de jeunes Vénitiens et des artistes contemporains vont ainsi ponctuer cette brève mais dense journée, dans une cité qui a su allier à son paroxysme les rapports entre l’art, la politique et la diplomatie.
Diplomatie de l’art
L’art est aussi instrument de dialogue. Pour renouer les liens compliqués avec la Chine, les musées du Vatican ont organisé plusieurs expositions consacrées à l’art chinois, en présentant des manuscrits et des pièces rares et uniques ; le Vatican possédant de nombreuses pièces chinoises de grande qualité. Certains ont même été prêtés à Pékin, dans un geste de bonne volonté et de coopération. La révolution culturelle maoïste ayant abouti à la destruction d’une grande partie du patrimoine culturel chinois, le Vatican a proposé les services de ses experts pour apporter leur éclairage et pour travailler avec leurs homologues chinois. Une décision menée sous le pontificat de Benoît XVI, qui a permis par la suite d’aboutir aux accords conclus entre le Saint-Siège et la Chine.
Avec les pays arabes musulmans, l’art est un vecteur de dialogue, de compréhension et de diplomatie.
Même geste et même politique avec des régimes opposés aux chrétiens ou des pays dont les aires culturelles et civilisationnelles sont très éloignées du christianisme. Avec les pays arabes musulmans, l’art est un vecteur de dialogue, de compréhension et de diplomatie. Là aussi, le Saint-Siège apporte souvent son expertise et contribue à organiser des expositions, voire en organise dans ses musées. C’est ainsi qu’en 2014, une exposition fut consacrée à l’art indonésien, organisée en partenariat avec le gouvernement d’Indonésie et son ambassade près le Saint-Siège. En 2010, ce fut une exposition consacrée à l’art maritime en Thaïlande et dans les pays d’Asie du Sud-Est. En 2019, François a présidé l’inauguration des nouvelles salles du musée ethnologique Anima Mundi, dédiées aux arts africains et océaniens. Il a rappelé le rôle de ce musée comme une “maison vivante, habitée et ouverte à tous, avec les portes grandes ouvertes aux populations du monde entier. […] La beauté et l’art rappellent à chacun la valeur de l’harmonie et de la paix entre les peuples et les nations”.
Restauration commune
Si le dialogue de l’art se fait du Vatican vers les autres cultures, il peut aussi se faire des autres pays vers le Vatican. Nombreux sont les entreprises et les États, y compris non catholiques, à financer des travaux de restauration des églises et des œuvres du Vatican. L’Azerbaïdjan a ainsi contribué à la restauration de certaines parties de la basilique Saint-Pierre, le Japon œuvre régulièrement à la restauration de tableaux et de fresques. De quoi faire travailler des artisans et des restaurateurs du monde entier et de toutes cultures. Là aussi, l’enjeu n’est pas uniquement économique mais aussi culturel et évangélique. L’art est une langue commune et un levier au service de l’action diplomatique du Saint-Siège.