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2,6 millions. C’est le nombre de mineurs qui ont consulté des sites pornographiques chaque mois au cours de l’année 2022. Révélés par une étude de l’Arcom en mai 2023, ces chiffres effrayants ont confirmé l’urgence de mettre en place des mesures pour restreindre l’accès des mineurs aux sites pornographiques. C’était l’un des objectifs de la loi sur la régulation numérique, dite loi “SREN”, adoptée par le Sénat le 2 avril, puis par l’Assemblée nationale le 10 avril. Elle charge l’Autorité de de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) d’établir un système technique de vérification de l’âge des internautes auquel devront se conformer les plateformes de contenus pornographiques.
Si l’intention est bonne, elle ne convainc pourtant pas les associations de protection de l’enfance. “Je ne vois pas pourquoi ce serait à l’Arcom de chercher ce dispositif technique”, remarque Olivia Sarton, membre de l’association Juristes pour l’enfance. Développer des solutions techniques devrait revenir aux sites.” La juriste regrette aussi une “énième loi” inefficace. La loi du 30 juillet 2020 prévoyait déjà que le CSA, devenu Arcom, pouvait prendre l’initiative de bloquer des sites pornographiques qui ne respecteraient pas l’obligation de vérifier l’âge des internautes. En vain.
Plus de complexité ?
“Les procédures sont sans cesse bloquées par les voies juridiques mises en œuvre par les sites porno concernés, et rien n’a bougé”, s’agace Olivia Sarton. La loi SREN prévoit que le blocage des sites pourra être désormais être effectué sans l’autorisation du juge judiciaire, mais avec un éventuel contrôle a posteriori du juge administratif. “Nous ne voyons pas en quoi cette nouvelle loi pourra améliorer les choses, poursuit la juriste. Nous avions déjà des dispositions un peu similaires, sauf que là elles ont été complexifiées.” Sans compter que les dispositions ne s’appliqueront qu’aux sites français et extra-européens, pour ne pas empiéter sur la compétence de l’Union européenne en matière de régulation des plateformes en ligne.
Pour d’autres associations, non seulement cette loi n’apporte aucun bénéfice, mais elle est en plus contre-productive. Pour Arthur Melon, délégué général du Conseil français des associations pour les droits de l’enfant (Cofrade), confier à l’Arcom la charge de trouver la bonne méthode pour empêcher les mineurs d’accéder aux sites pornographiques est un très mauvais signal envoyé aux plateformes. “Si on constate que les mineurs ont toujours accès aux contenus, les plateformes vont dire que ce n’est pas de leur faute, qu’elles se sont conformées au référentiel et que si ce dernier n’est pas efficace, il faut voir avec l’Arcom”, explique-t-il au Parisien. Pour lui, cette loi entraînerait donc surtout une forme de “déresponsabilisation” des sites.
L’omerta de la pornographie
“On a l’impression qu’on est constamment en train de donner un blanc seing aux éditeurs de sites pornographiques, ajoute Olivia Sarton des Juristes pour l’enfance. Il semble que cette solution technique existe déjà mais qu’elle n’est pas mise en oeuvre”. Plusieurs tentatives avaient été lancées par le gouvernement pour trouver une méthode de vérification de l’âge qui respecterait en même temps l’anonymat des utilisateurs. La dernière en date, celle du jeton numérique qui devait garantir un “double anonymat”, apparaissait prometteuse et fiable. Mais cette solution envisagée en 2023 n’a finalement pas été retenue par la loi. L’Arcom a donc désormais deux mois pour en déterminer une nouvelle.
Quant au contrôle du respect de l’obligation de vérifier l’âge des utilisateurs, l’association Juristes pour l’enfance n’est pas optimiste. “Les solutions pour le blocage des sites en cas de non respect sont toujours aussi compliquées”, remarque Olivia Sarton. La principale difficulté pour obtenir les blocages des contenus est l’impossibilité d’identifier les éditeurs de sites, ce qui contraint en réalité à se retourner contre les fournisseurs d’accès. “Jusqu’à aujourd’hui, toutes les procédures contre les fournisseurs d’accès n’ont pas abouti, parce que ça implique de bloquer l’accès pour tous.” Or, cela est souvent considéré contraire à la liberté des utilisateurs. “La difficulté avec la pornographie, c’est que malgré des rapports consécutifs qui ont confirmé qu’elle est toxique pour tous, car extrêmement violente et dégradante pour l’image de la femme, il y a une omerta sur le sujet”, assure-t-elle. Avant de conclure : “Tant qu’on ne sort pas de cette dualité, que l’on n’admet pas que la pornographie n’est bonne pour personne, on ne trouvera jamais de solution.”