Pour qu'Aleteia poursuive sa mission, faites un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu. Ainsi l'avenir d'Aleteia deviendra aussi la vôtre.
*don déductible de l'impôt sur le revenu
Depuis le 22 avril et jusqu’à ce vendredi, professionnels de santé, élus, représentants des cultes, francs-maçons, philosophes et présidents d’associations sont reçus par les membres de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi sur la fin de vie. Une étape souvent marginalisée mais nécessaire avant l’examen du texte en séance le 27 mai à l’Assemblée. Non pas que ces auditions puissent changer radicalement le texte, le gouvernement ayant déjà annoncé sa volonté de légaliser “l’aide à mourir”, c’est-à-dire l’euthanasie et le suicide assisté. Mais elles permettent de mieux mesurer les enjeux et les conséquences qu’une telle évolution va avoir sur l’ensemble de la société française.
“Sans avoir de données suffisantes sur les besoins réelles, ce projet de loi nous fait basculer vers un modèle qui rompt une digue essentielle, un principe essentiel de notre société voire de notre civilisation : celui de l’interdit de tuer”, a lancé en préambule le le 24 avril matin Mgr Vincent Jordy, archevêque de Tours et vice-président de la Conférence des évêques de France (CEF). “Cette loi introduit donc un déséquilibre.” Il a également soulevé le mésusage fait de la notion de fraternité. “Nous sommes également surpris de l’usage qui est proposé de la notion de fraternité, aujourd’hui principe constitutionnel qui assure en principe la solidarité dans les droits économiques et sociaux et qui justement devrait assurer une égalité d’accès aux soins palliatifs”, détaille-t-il.
Donner la mort n’est pas un soin et ne le sera jamais.
L’archevêque de Rennes, Mgr Pierre d’Ornellas, a quant à lui insisté sur le manque de clarté du texte qui n’emploie pas une seule fois les termes de suicide assisté et euthanasie, privilégiant systématiquement “l’aide à mourir”. “On voudrait tous parler avec clarté comme le font les autres pays en nommant les actes tels qu’ils sont afin de nourrir le débat démocratique dans la vérité mais on semble vouloir cacher l’acte d’assistance au suicide et d’euthanasie sous le vocable aide à mourir sous le prétexte que c’est simple et humain. Mais ce qui est humain c’est la vérité.” Et le spécialiste des questions de bioéthique de reprendre : “Donner la mort n’est pas un soin et ne le sera jamais mais on l’englobe derrière la formule d’aide à mourir qui désigne déjà ce que font les bénévoles et les soignants lorsqu’ils accompagnent les personnes vers la mort de manière aussi apaisée que possible. L’acte létal brise l’accompagnement et stoppe le soin.” Toujours dans l’usage des termes, l’archevêque de Rennes en pointe deux essentielles à ses yeux dans les conditions d’accès à “l’aide à mourir” : les “souffrances insupportables” et l’ «altération grave du discernement”. “Comment objectiver les termes de “graves” et de “souffrances insupportables” ?”, s’interroge-t-il, y voyant un flou qui pourrait élargir par la suite l’accès à cette pratique.
Soignants et médecins ont également été auditionnés. Parmi eux Claire Fourcade, médecin en soins palliatifs, présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs. “L’État a-t-il le droit et le pouvoir de dire : parce que vous voulez mourir, je vais vous tuer ?”, s’est-elle interrogée en préambule lors de son audition le 24 avril. “N’ayons pas peur des mots et parlons sans ambiguïté, c’est bien cette question qui nous réunit aujourd’hui.” Elle a partagé avec les membres de la commission ce qu’est son travail, à savoir les soins palliatifs. “Les soins palliatifs ne sont pas un cahier de recettes de Bonne Mort. Ils sont une médecine qui place la relation humaine au cœur du soin. Un éloge du regard, de l’altérité, de la parole et du silence, des mains, de la lenteur et de l’équipe”, a-t-elle rappelé. “Leurs pionniers sont venus dire le scandale de laisser mourir dans la douleur, la solitude ou la peur en même temps que le scandale de faire mourir. C’est grâce à eux que chaque année en France plus de 150.000 personnes et leurs proches sont accompagnées, soulagées et écoutées.” Et la médecin d’insister : “Les soins palliatifs sont un progrès inouï de ce début du troisième millénaire : vivre dignement jusqu’à la mort. Ils ne sont pas une évolution du soin. Ils sont une Révolution.” Claire Fourcade a également partagé son expérience de 25 ans de soins palliatifs au cours desquels elle a accompagné 13.000 personnes, soit plus de 700 chaque année. Et parmi tous ces patients, “seulement quatre demandeurs d’euthanasie ont persisté”, indique-t-elle. “Cette loi, en l’état, est celle de la toute-puissance médicale. L’état doit-il donner au médecin le pouvoir de dire “parce que vous voulez mourir, je vais vous tuer”” ?