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Certes, le document n’est pas contraignant, mais il est révélateur d’un certain état d’esprit. À la fin d’une longue discussion, l’ancien ministre de l’Éducation nationale Pap N’Diaye et le Secrétaire général de l’Enseignement catholique ont signé, le 17 mai 2023, un « Protocole d’accord sur la mixité ». Il s’agit, pour le réseau catholique, qui représente plus de 95% des établissements privés sous contrat d’association avec l’État, de faire en sorte que ses effectifs soient aussi diversifiés socialement que les établissements publics pour éviter une forme de ghettoïsation. Mais, est-il si facile de permettre aux classes populaires d’avoir accès à une école par définition payante ? Peut-on empêcher les classes supérieures, même non catholiques, de mettre leurs enfants dans un établissement qui leur semble meilleur ? Le défaut de mixité est-il si grand ? Voici quelques obstacles objectifs à une plus grande mixité dans les écoles libres.
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Le poids de l’histoire… et du statu quo
Au niveau national, la règle est que la proportion d’élèves inscrits dans le privé ne dépasse pas 20%. Mais ce chiffre est localement très variable : en Bretagne, 41% des enfants le sont, 30% à Paris, contre moins de 15% en Bourgogne ; des départements comme le Morbihan ou la Vendée atteignent même 50%. Le fruit de l’histoire du catholicisme en France. Pourtant, cette répartition et cette limitation peuvent devenir des obstacles à la mixité. En effet, des territoires plus pauvres peuvent ne pas être desservis par une école privée et le rectorat ou le ministère s’opposer à une ouverture.
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Des problèmes sociologiques et démographiques
Dans le même ordre d’idées, l’implantation des établissements, fruit de l’histoire, est aujourd’hui dépendante de la démographie et de la sociologie. En 1717, saint Jean-Baptiste de La Salle crée une école dans le quartier ouvrier du Gros Caillou (Paris VIIe) pour donner une instruction gratuite à des enfants pauvres. Aujourd’hui, La Rochefoucauld est le collège catholique avec l’Indice de Position Sociale (IPS) le plus élevé de France… dans un quartier où les ouvriers ont été largement remplacés par des CSP+.
Cela dit, la chose n’est pas si évidente puisque, quelle que soit la zone d’implantation, les IPS sont supérieurs dans l’établissement privé du coin par rapport au voisin public. Dans un article de février dernier, Le Monde expliquait également que, dans dix ans, la proportion des élèves de 6e dans le privé serait de 46%… à cause de la crise démographique de la capitale qui voit partir les familles les plus modestes.
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Le coût pour les familles
Si l’enseignement libre est financé à 75% par l’État, elle n’est pas entièrement gratuite pour les parents. Le reste à charge correspond aux dépenses liées au “caractère propre” (la pastorale par exemple), à un taux d’encadrement supérieur et à l’entretien de l’immobilier qui n’est qu’en partie supporté par les collectivités territoriales. Les frais d’inscription représentent donc un premier obstacle financier à la venue d’enfants de milieux populaires, même si des arrangements ou des prix dégressifs peuvent exister.
Le protocole d’accord sur la mixité prévoit d’ailleurs que les établissements privés accueillent plus de boursiers, avec l’aide des services de l’État qui s’engageraient à accorder les mêmes sommes que pour une inscription dans le public. Mais le vrai coût pour les familles est celui de la cantine, jusqu’à 10 euros par repas dans certaines écoles, qui n’est pas subventionnée, ou très rarement, par les mairies qui le font pour les élèves du public.
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La fuite de l’enseignement public
La phrase a fait scandale. En expliquant avoir renoncé à inscrire ses enfants de l’école publique du quartier après “un paquet d’heures non remplacées”, ce qui n’était apparemment pas vrai en l’espèce, Amélie Oudéa-Castéra, éphémère ministre de l’Éducation nationale a donné une des raisons principales du succès des établissements libres : la qualité de l’enseignement et de l’encadrement. Le malheur de l’enseignement public, réel ou supposé, augmente le nombre de demandes d’inscriptions dans l’enseignement privé.
Dans un sondage de 2023, 40% des familles expliquaient souhaiter faire ce choix. Mais, en raison des coûts, de la répartition géographique et du niveau d’information, ce choix se réalise d’abord pour les familles aisées. Lesquelles ne sont pas toutes très dévotes mais apprécient les établissements catholiques pour leurs résultats. Amélie Oudéa-Castéra, encore elle, assumait dans un entretien à Libération en janvier dernier l’inscription de ses enfants à Stanislas tout en rassurant les journalistes : ce n’était pas par “idéologie” (sic) puisqu’elle n’est pas catholique.