Avec ce 6e dimanche de Pâques, nous prenons conscience que la Résurrection du Seigneur commence à être loin derrière nous. Et je ne parle même pas du carême et de ses quarante jours d’efforts, de sacrifices et de prières : cela nous paraît si loin maintenant ! C’est vrai : il est bien confortable ce temps de Pâques avec le Gloria et ses alléluias que nous avons retrouvés avec joie ! De plus, nos petits frères et sœurs récemment baptisés sont venus rejoindre nos rangs chaque dimanche à la messe et nous tâchons de les entourer de notre sollicitude. En outre, nous allons sous peu naviguer de solennité en solennité : l’Ascension, la Pentecôte dix jours plus tard, puis la Sainte Trinité et, le dimanche suivant, la fête du Saint-Sacrement. Vraiment, nous allons être comblés de grâces et de bienfaits du Ciel ! Tant mieux, surtout si nous gardons un cœur grand ouvert, tout prêt à recevoir les grâces divines. Sauf que nous risquons de nous habituer à cette douce quiétude de ce temps pascal et à cette sollicitude du Bon Dieu pour nous. Finalement, le temps du carême, avec ses rigueurs et ses exigences, avait du bon et nous permettait de garder le cap, les yeux résolument fixés sur Jésus-Christ !
Aimer à travers Dieu
C’est pourquoi, de façon très pédagogique, la liturgie vient nous secouer en ce dimanche, juste avant d’entrer dans ce nouveau cycle de fêtes. Prenons la première lecture : nous voilà secoués, tout comme Pierre qui assiste, médusé, à cette nouvelle Pentecôte. Ce n’était pas prévu au programme, ni de façon si évidente ! Qu’il prêche, qu’il annonce le Christ ressuscité, c’est entendu : c’est dans la fiche de tâches ! En revanche, que le Saint-Esprit, la troisième personne de la Sainte Trinité, c’est-à-dire Dieu en Personne, intervienne et vienne comme confirmer les propos de l’apôtre, c’est fort ! Certainement très gratifiant, mais sans doute déstabilisant aussi, même pour un homme qui a côtoyé le Christ trois années durant : Pierre avait sans doute perdu l’habitude de ces interventions divines spectaculaires… C’est une invitation à ne pas nous endormir sur nos lauriers après le temps roboratif du carême, à ne pas trop ronronner en ce temps pascal mais à bien continuer à annoncer Jésus Sauveur et vainqueur de la mort, du mal et du péché : le Bon Dieu fera le reste ! Mais encore faut-il faire le premier pas et annoncer la Bonne Nouvelle…
Les martyrs de tous les siècles l’ont bien compris : comme Jésus, leur Maître, leur modèle, ils ont donné leur vie pour Celui qu’ils aiment au-delà de tout, au-delà de leur propre vie.
La deuxième lecture vient préparer le terrain pour l’évangile : “Aimons-nous les uns les autres” (1Jn 4, 7). Et pour ceux qui tremblent et s’inquiètent en se demandant comment ils vont faire pour aimer ceux qui ne sont pas aimables, saint Jean enchaîne aussitôt : “… puisque l’amour vient de Dieu”. C’est donc Lui qui nous aide à aimer, c’est Lui qui aime à travers nous ! Cela change un peu la donne et nous donne le coup de boost peut-être nécessaire pour cette entreprise qui n’est pas toujours pleinement naturelle…
Jusqu’où, l’amour ?
C’est l’enseignement de Notre Seigneur dans l’évangile qui nous donne la clé de lecture et qui, au passage, vient nous secouer si nécessaire : “Demeurez dans mon amour” (Jn 15, 9). “Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés” (Jn 15, 12). C’est bien là que Jean vient puiser sa doctrine, dans les recommandations, les exhortations du Seigneur Jésus Lui-même. Sauf que quand Jésus transmet cet enseignement à Ses apôtres, ceux-ci ne savent pas encore jusqu’où l’amour du Seigneur pour les siens l’entraînera : jusqu’à la croix, cette croix infamante, la croix marquée du sceau de la honte et du déshonneur. Cet amour pour ses frères les hommes, Jésus va le traduire de façon concrète. Pas seulement par de belles paroles lénifiantes mais par le don de tout Lui-même ! Et jusqu’à la croix. Et ses paroles : “Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime” (v. 13) sont lourdes de sous-entendus. D’autant plus que Jésus enchérit aussitôt : “Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande” (v. 14). Très clairement, ces recommandations ne sont pas optionnelles ou facultatives : elles font partie de l’ADN chrétien ! D’ailleurs les martyrs de tous les siècles l’ont bien compris : comme Jésus, leur Maître, leur modèle, ils ont donné leur vie pour Celui qu’ils aiment au-delà de tout, au-delà de leur propre vie.
Ce monde a tant besoin de cet amour
Oui, voilà des textes qui nous bousculent en cette période de quiétude qu’est le temps pascal ! N’oublions pas les jours saints de Pâques, ce triduum qui a été le sommet de notre carême, et qui est même le sommet de notre vie chrétienne. Tout l’enseignement de Jésus prend son sens dans la contemplation de Sa passion, de Sa mort et de Sa résurrection, qui le sommet de l’amour. Et ce temps de Pâques est fait pour aimer, pour servir, pour annoncer la résurrection du Sauveur… mais pas pour ronronner. Demandons cette grâce d’aimer davantage, d’aimer mieux, d’aimer vraiment. À travers la sainte communion au Corps du Christ, demandons-Lui, à Lui qui Se donne à nous, les forces nécessaires pour accomplir notre mission : notre monde a tant besoin de cet amour et c’est par notre engagement concret, quotidien que Dieu le donne au monde. C’est une belle mission qui nous est donnée — pas facile tous les jours, mais qui est source de joie et de sainteté : Sursum corda, “haut les cœurs” !
Lectures du 6e dimanche de Pâques
1Jn 4, 7-10 ;
Jn 15, 9-17