Parmi les Pères du Désert, il existe des “mères du désert”, femmes courageuses qui n’ont pas eu peur de partir au désert, vivant de la rude ascèse des premiers moines, en sachant la tempérer d’une certaine douceur. C’est justement de douceur dont nous entretient sainte Synclétique dans l’une de ses sentences. Les solitaires dont nous parlent les Apophtegmes des Pères du Désert menaient une guerre acharnée contre tout ce qui ressemble au confort et à la facilité. Ils pratiquaient de longs jeûnes et des veilles fréquentes, ils portaient même sur eux des instruments de pénitence (cilices et ceintures de fer).
Dureté contre soi-même
On peut comprendre qu’une certaine dureté régnait chez ces moines, dureté contre soi-même bien sûr, mais aussi parfois contre le prochain. Les relations n’étaient pas toujours tendres entre ces lutteurs, qui se froissaient du moindre relâchement. Au milieu de ce monde, Synclétique apporte un souci d’équilibre, sans diminuer en rien son zèle pour la pénitence :
“Imite le publicain, afin de ne pas être condamné avec le pharisien. Et choisis la douceur de Moïse afin de changer ton cœur, qui est un rocher, en une source d’eau” (Sentence n. 19).
Pas de douceur sans humilité
Le rappel opportun de la parabole du publicain et du pharisien de l’Évangile nous remet devant l’exigence d’humilité qui s’impose à celui qui veut servir Dieu. Le désert appelait une vertu héroïque, mais le danger était grand de s’appuyer sur ses œuvres jusqu’à se glorifier de ses exploits ascétiques. Saint Antoine avait dû déjà combattre pour rappeler à ses disciples que ce qui touche le cœur de Dieu, c’est avant tout la charité, qu’on trouve parfois mieux pratiquée chez des séculiers que chez les moines.
Synclétique montre le lien qui existe entre l’humilité et la douceur. Elle fait appel pour cela à la figure de Moïse qui était, d’après le témoignage de l’Écriture (Nb 12, 13), un homme très doux, “le plus doux que la terre ait porté”. Pourtant c’était un chef de peuple, qui avait dû s’imposer dans des circonstances dramatiques, mais, quand il le fallait, comme dans l’épisode qui amène cette citation, il savait s’effacer, même devant son frère Aaron et sa sœur Myriam qui le jalousaient. C’est Dieu lui-même qui avait dû prendre sa défense.
Les douces larmes de l’amour
Synclétique invite donc à un “changement de cœur” et, reprenant l’image de Jérémie, elle met en contraste le cœur de chair, le cœur sensible, avec le cœur dur, le cœur de pierre. Le cœur de chair devient avec elle une fontaine de vie, il est ce cœur liquide dont parlent les mystiques. Les douces larmes de l’infinie compassion de l’amour couvrent une multitude des péchés… Merci, Synclétique, de nous partager ce trésor !