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Nous avons commémoré le 7 mai 2024 le soixante-dixième anniversaire de la chute de Diên Biên Phu dont Paul Claudel, saluant le général de Castries, disait que c’était “une histoire comme celle de Roland à Roncevaux”. La comparaison s’entend, à condition de préciser qu’à Diên Biên Phu, ce fut un ordre de cessez-le-feu qui fut envoyé au général de Castries et que ce sont 10.000 de nos preux qui ont été abandonnés à la cruauté des infidèles.
Le panache malheureux
Il existe une curiosité française qui est la coutume de célébrer les désastres. On ne trouve cette habitude dans aucune autre nation. Non que la France ait eu plus de défaites à subir que les autres peuples : c’est le contraire qui est vrai. Les historiens militaires estiment que les armées françaises sont celles qui comptent le plus de batailles gagnées depuis quinze siècles. Le foisonnement de ces victoires, et non pas leur rareté, a découragé les célébrations, car les batailles remportées par nos anciens sont plus nombreuses que les jours de l’année : qui songe à rappeler la victoire de Tolbiac, de Poitiers, de Châtillon, de Fontenoy ou de Denain, pour ne citer que des journées qui ont déterminé le sort de la chrétienté ?
Nous aimons le panache malheureux. Ou plutôt nous mettons le panache plus haut que le malheur.
Nous préférons nous souvenir d’Azincourt ou de Crécy, journées de catastrophes glorieuses qui n’ont pas débouché sur la perte d’une guerre, et dont nos amis Anglais font inlassablement mémoire. Nous évoquons avec fierté la défaite de Camerone, la charge improductive de Reichshoffen, la bataille perdue du Vercors et évidemment la chute de Diên Biên Phu. Nous aimons le panache malheureux. Ou plutôt nous mettons le panache plus haut que le malheur.
Tout le monde savait
Diên Biên Phu est un symbole de courage et bien plus que cela. Après la Seconde Guerre mondiale, l’Indochine libérée de l’occupant japonais renaissait. Les routes, les chemins de fer, les écoles, les hôpitaux bâtis par les Français reprenaient vie. Survivante elle-même de la plus terrible des épreuves, la France, avec ce qui lui restait de force, accomplissait son devoir de protection et d’amitié.
Car elle n’avait pas seulement apporté aux Vietnamiens des infrastructures et un avenir : ses missionnaires et ses martyrs leur avaient apporté le Christ. À ce moment de l’Histoire, le visage du Ressuscité faisait face aux ambitions totalitaires et la République laïque se tenait aux côtés des chrétiens. On entendait gronder l’orage communiste et on respirait déjà les odeurs de son fleuve de sang. La France, seule, colmatait la brèche qui partout cédait en Asie. L’armistice de Pan-Mun-Jom [entre les deux Corées, ndlr] avait laissé le loisir à la Chine de mettre toutes ses forces au service du totalitarisme. Elle les apporta à Ho Chi Minh. Tout le monde en Occident savait que si la France lâchait, c’est toute l’Asie du Sud-Est qui basculerait dans le camp totalitaire.
Un sacrifice collectif
Tout le monde savait, mais personne n’agissait. Le général Eisenhower, président de la prospère Amérique, préféra ignorer l’appel au secours de son frère d’armes. À Paris, le chef du gouvernement, Joseph Laniel, finit par incarner “la dégradation de la volonté nationale” qu’il avait dénoncée autour de lui. Il laissa nos preux à leur solitude. Nos aînés se battirent jusqu’au bout, à un contre dix, comme leurs aïeux de Roncevaux. Ils se sacrifièrent dans un acte d’héroïsme collectif et gratuit, dans l’indifférence d’une opinion française qui s’intéressait alors à l’Indochine comme elle s’intéresse aujourd’hui à l’Ukraine, fort distraitement. Elle ne se réveilla que lorsqu’il était trop tard.