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Un petit bijou vert émeraude, porteur d’espoir pour les jeunes amants mais aussi pour les vieux époux. Lettres aux jeunes amants pour leur donner le goût de l’alliance (Labor et Fides) est le dernier ouvrage de Franck H. Laurent, professeur de lettres à la retraite. Un échange épistolaire rempli d’affection avec un jeune couple qui s’apprête, non sans vertige, à se dire oui, mêlant habilement humour, poésie et théologie, dans un style parfois énigmatique, à l’image du sujet qu’il caresse de sa plume avertie : l’amour et le mariage. Marié depuis 33 ans, Franck H. Laurent a préparé pendant près de trente ans, avec son épouse, de nombreux couples au mariage dans sa paroisse, au Chesnay (Yvelines). Un sujet qui le passionne et dont il partage avec générosité et délicatesse les subtilités. Entretien.
Aleteia : Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ces Lettres ?
Franck H. Laurent : Quand on recevait chez nous les couples pour la préparation au mariage, la rencontre était divisée en deux parties : la première abordait le message de l’Église, les piliers du mariage, l’engagement… et la deuxième partie, c’était le dîner ! Et c’est là que s’échangeaient finalement les choses les plus intéressantes, c’est à ce moment-là que l’on pouvait creuser davantage et aller aux sources de l’amour. Ce livre entraîne dans cette quête de l’amour véritable. Un ami prêtre m’a dit : “il y a quelque chose de mystagogique dans ce livre”, c’est-à-dire qu’il essaie d’approfondir le mystère de l’alliance entre un homme et une femme – qui est très proche d’ailleurs du mystère d’alliance entre Dieu et les hommes. Et cette approche nécessite une écriture poétique, philosophique, symbolique.
À l’heure où de moins en moins de couples se marient, vous portez un message pour le moins audacieux : vous encouragez le mariage. Quel bienfait y voyez-vous ?
Dans le mariage, il y a une reconnaissance absolue de la valeur du sujet. On s’engage avec une personne. Or je ne vois pas d’autre dimension que celle de toute une vie pour découvrir qui est cette personne ! La durée n’est pas l’ennemie du couple, au contraire. Le temps joue en faveur du couple. L’amour se transforme, il prend des allures différentes au fil des ans, mais chaque jour qui passe, il constitue, il construit le “nous”. Si on veut rentrer dans le mystère de l’autre, je pense que les contrats courts et modulables ne sont pas la bonne solution !
Vous dites que “le temps joue en faveur du couple” ? Mais lorsqu’il y a de la lassitude, des crises… le temps ne semble pas toujours jouer en faveur du couple !
Le temps est créateur d’éternité. C’est un paradoxe mais c’est vrai. Je me réfère à ce merveilleux texte des noces de Cana (Jn 2). Le premier vin était moins bon que le second ! Une fois qu’on a passé le stade de l’ébriété amoureuse, de l’ébriété sexuelle, le texte nous dit qu’il y a un deuxième vin qui va être servi – et il faut voir grâce à qui il est servi, le Christ est intervenu ! – et ce vin là est meilleur. Cela étonne tout le monde ! Chaque jour qui passe apporte au mariage de plus hautes réjouissances. Les crises ne sont pas mauvaises. Elles permettent de grandir. La dispute, contrairement à la querelle qui est passionnelle et qui détruit la relation, suppose la raison, et entraîne le débat, qui nettoie la relation et la rétablit.
Lorsque l’amour est naissant, vous conseillez de ne pas en parler trop vite, pourquoi ?
Parce qu’en parler le livrerait au philtre des ambiguïtés. Je suis frappé aujourd’hui comme on exhibe l’amour. Au temps des débuts, il est préférable de le préserver, de le garder secret, de ne pas le laisser envahir de choses extérieures qui pourraient le perturber, comme les attentes de l’imaginaire. Il arrive que “l’amour de l’amour” engloutisse “l’amour de l’aimé”. Il est bien sûr bon de manifester sa joie ! Mais je crois beaucoup à un temps pendant lequel on prépare son âme à découvrir l’autre en vérité. Un temps de silence pour désencombrer son désir, pour se rendre compte que cet amour naissant n’est pas une projection de ses désirs sur l’autre mais un véritable appel, une vocation.
Vous rêvez d’une “société civilisée [qui] permettrait à chaque couple de prendre 40 jours de voyage de noces” ! Pourquoi un temps si long ?
40 est bien évidemment un chiffre symbolique ici, pour représenter une durée assez longue. C’est la symbolique de la quarantaine : un laps de temps où il se passe quelque chose de suffisamment fort pour y fonder le reste de sa vie. Il faut avoir des quarantaines dans sa vie ! Et le voyage de noces mérite de prendre ce temps. Une période assez longue, où l’on va rencontrer l’autre et se heurter à ce qu’il est. Un peu comme le Christ au désert, pour essayer d’éliminer la tentation de l’avoir, du pouvoir et du savoir sur l’autre, pour le découvrir tel qu’il est. S’offrir le luxe de sortir un peu du monde pour se consacrer à l’autre, c’est quelque chose de très fondateur pour le couple.
Vous avez un mot “magique” en cas de crise dans le couple : “ayeka”, qui signifie en hébreu “où es-tu ?”. Une expression préférable selon vous à l’accusation “qu’as-tu fait ?”. Quelle est la différence ?
Vous avez sans doute reconnu le premier mot que Dieu adresse à Adam après la chute : “où es-tu ?” (Gn 3, 9). Dieu ne le questionne pas sur le plan moral, il ne demande pas : “qu’est-ce que tu as fait ?”. Il l’interroge par rapport à lui-même : “où en es-tu ?”. Quand il y a une crise dans le couple, demander “où es-tu ?” laisse une chance à l’autre de prendre conscience de ce qui ne va pas. Elle ne détruit pas la relation tandis que la question directe, accusatrice, inquisitoire, “qu’as-tu fait ?” rend presque impossible le processus de reconstruction. “Où es-tu ?” résonne comme une invitation à se poser ensemble la question : “où est-ce que nous en sommes ?”. Ayeka ramène à quelque chose de plus profond dans l’histoire du couple, qui demande à être éclairci pour pouvoir continuer sa route.
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