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“L’Homme armé, une Messe pour la Paix”, la pièce de la discorde

CATHÉDRALE DE COUTANCES

Patrick Verhoef / Shutterstock

La cathédrale de Coutances.

Cécile Séveirac - publié le 28/05/24

L'interprétation de "L'Homme armé, une messe pour la paix", œuvre musicale composée en mémoire de la guerre du Kosovo dans la cathédrale de Coutances le 26 mai dernier, a scandalisé plusieurs fidèles en raison de l'appel à la prière musulmane qu'elle comporte. Selon les diocèses et les paroisses, les réactions diffèrent.

C’est une Messe pour la paix qui semble plus que jamais semer la discorde. L’œuvre du compositeur gallois Karl Jenkins intituléeL’Homme armé, une messe pour la paix a été interprétée à plusieurs reprises ces dernières années dans des églises françaises, à l’instar de la cathédrale Notre-Dame de Coutances (Manche), le 26 mai dernier. Parce qu’elle intègre un appel à la prière islamique, cette interprétation suscite depuis colère et incompréhension parmi des fidèles. “La programmation de ce concert était validée depuis longtemps sans que je ne sois mis au courant”, explique à Aleteia Mgr Cador, évêque de Coutances. “Ce n’est que trois semaines avant la tenue du concert que j’ai été informé de cette organisation et des polémiques qui, çà et là, ont entouré sa mise en place. C’est dans la prière, la consultation et le discernement que j’ai finalement décidé le maintien de cette œuvre dans son intégralité.”

Cet appel à la prière, estime-t-il, “était chanté par un choriste dans le cadre du concert, exécuté comme une œuvre artistique et en tant que pièce musicale : il ne constitue donc ni un acte de culte, ni une profession de foi en tant que telle. La mobilisation de textes et de chants qui viennent de diverses traditions religieuses pour les insérer dans une œuvre artistique ne cherche pas à faire adhérer les auditeurs aux croyances et convictions portées par ces traditions religieuses et n’est pas là pour affirmer le dogme d’une religion ou d’une autre.”

De quoi parle-t-on exactement ? Composée en 1999 à la mémoire des victimes de la guerre du Kosovo, la Messe pour la paix est célèbre pour alterner mélodies profanes et religieuses. À l’ordinaire de la messe catholique et ses textes latins répondent ainsi des textes issus de l’œuvre de Rudyard Kipling, du poète Alfred Tennyson, ou encore du témoignage d’un survivant du bombardement d’Hiroshima, mais aussi un adhan, c’est-à-dire un appel à la prière chez les musulmans. Celui-ci reprend les paroles de la Chahada, qui n’est autre que la profession de foi islamique, le premier des cinq piliers de la foi musulmane. Elle atteste qu’il n’y a pas d’autre Dieu qu’Allah et que Mahomet est son prophète.

De nombreux fidèles choqués par le maintien de ce texte, dans tous les cas incompatible avec l’enseignement de l’Église, ont soulevé son caractère profanatoire. Le droit canonique définit la profanation comme suit : “Les lieux sacrés sont profanés par des actions gravement injurieuses qui y sont commises au scandale des fidèles et qui, au jugement de l’Ordinaire du lieu (habituellement l’évêque, ndlr), sont si graves et contraires à la sainteté du lieu qu’il ne soit pas permis d’y célébrer le culte tant que l’injure n’a pas été réparée par le rite pénitentiel prévu par les livres liturgiques.” (Can. 1211)

Une appréciation au cas-par-cas ?

Si les églises sont bien des lieux sacrés et que l’adhan chanté a suscité l’émoi chez de nombreux fidèles, l’appréciation du caractère “gravement injurieux” semble donc différer selon les endroits : ainsi, en novembre 2023, le curé de la paroisse parisienne de la Trinité avait décidé de célébrer une messe de réparation après l’interprétation de l’œuvre dans son église. “Nous avons l’assurance que ce projet s’inscrivait dans une démarche de promotion de la paix à l’occasion de l’armistice”, écrivait ainsi le père Pinot dans un communiqué. S’il n’y avait “sans doute aucune volonté de promouvoir l’islam”, poursuivait-il, le texte chanté demeurait “en contradiction obvie avec la foi chrétienne et n’avait donc pas sa place dans notre église, même à l’occasion d’un évènement musical.”

À Bordeaux, où la Messe sera interprétée les 1er et 2 juin dans la cathédrale Saint-André, le frère Jean-Clément Guez, recteur, a tranché pour la recherche de l’équilibre : sans interdire à l’ensemble musical Polyphonia de jouer l’œuvre de Jenkins, décision a été prise de supprimer l’adhan. “Il s’agit avant toute chose d’être clair chez nous. Nous pouvons être ouverts, mais nous restons dans une cathédrale”, rappelle ainsi le frère Jean-Clément Guez. “Il me paraissait aussi important de respecter nos nombreux paroissiens libanais qui ont eu des relations difficiles avec l’islam”, confie-t-il. “Je ne savais pas à qui la chorale demanderait de chanter ce texte, mais à mon sens, imam ou pas, cela reste un appel à la prière musulmane dans une église.” À la place, une chanson profane sur Beyrouth, en arabe, et un texte en hébreu seront interprétés.

Tags:
CultureÉgliseFranceIslamprofanation
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