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Comment devenir meilleure au festival de Cannes

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LOIC VENANCE / AFP

L'actrice espagnole Karla Sofia Gascon (à gauche) a gagné le prix d’interprétation féminine du festival de Cannes pour son rôle dans le film "Emilia Perez" réalisé par Jacques Audiard (à droite).

Henri Quantin - publié le 29/05/24

Pour une devenir une meilleure personne, le mieux est de changer de sexe. Tel est le message du film "Emilia Perez", dont l’actrice principale Karla Sofia Gascon, qui a gagné le prix d’interprétation féminine du festival de Cannes, est un homme devenu femme. "On croyait à un hommage à la rédemption par l’ouverture à l’autre, déplore l’écrivain Henri Quantin, c’est un déballage narcissique incluant une menace."

“Croire, comme dans le film Emilia Perez, qu’il est toujours possible de s’améliorer, que chacun peut devenir une meilleure personne.” Prononcée par Karla Sofia Gascon comme un mot de la fin du festival de Cannes, cette profession de foi cinématographique pourrait réjouir. Elle inscrirait en outre le film de Jacques Audiard dans la lignée de la multitude de chefs-d’œuvre centrés sur une histoire de rédemption. De fait, bien des intrigues perdraient tout intérêt s’il était impossible de s’améliorer.

En guise de jeu de l’été anticipé, le lecteur peut s’amuser à trouver les titres auxquels nous pensons : rédemption du shérif-adjoint ivrogne grâce à John Wayne et quelques bâtons de dynamite, rédemption du boxeur endormi par la gloire et l’argent grâce à une femme qui croit en lui, rédemption d’un vaniteux marchand de voitures de sport grâce à son frère autiste, rédemption d’un vétéran raciste de la guerre de Corée par sa rencontre avec un jeune garçon d’origine Hmong, rédemption d’un skin néo-nazi touché par la folie christique d’un pasteur qui tient absolument à manger une tarte aux pommes avec lui…

Le nouveau péché originel

Par qui et comment vient le salut d’un pauvre type ou d’un salaud ? Telle est la question cruciale de bien des histoires poignantes, qu’elles finissent par un happy end ou par un sacrifice sublime. Avec Emilia Perez, Jacques Audiard a, semble-t-il, voulu apporter une réponse nouvelle : pour devenir une meilleure personne, le mieux est de changer de sexe. La femme généreuse est l’avenir de l’homme pourri. C’est vrai dans l’intrigue, où un narcotrafiquant mexicain se rachète une virginité en devenant une femme ; c’est vrai de la comédienne récompensée du prix d’interprétation féminine, qui fut homme jusqu’à 46 ans. La transition de genre est la nouvelle forme de la rédemption, dans un monde où l’identité sexuelle masculine est le nouveau péché originel. Nul besoin pour changer, dès lors, de la rencontre d’un plus faible ou de l’amour inconditionnel de quelqu’un qui croit en vous. “Chacun peut devenir une meilleure personne” cache désormais un slogan pour des comprimés anti-androgènes.

De même qu’elle ne fait pas de vous “une meilleure personne”, la transition de genre n’améliore en rien vos qualités dans l’art dramatique.

La suite de la déclaration de la comédienne transgenre ôte ses dernières illusions à celui qui pensait entendre un acte de foi en la perfectibilité de tout être humain : “Donc, vous tous qui nous avez fait souffrir, il est temps que vous changiez.” On croyait à un hommage à la rédemption par l’ouverture à l’autre, c’est en réalité un déballage narcissique incluant une menace.

Le bistouri ou la parole ?

Devant ce prix d’interprétation féminine attribué à un ancien homme, certaines féministes se sont senties dépossédées d’un trophée qui leur est en principe réservée. L’argument semble moins évident que dans le sport : autant Nadal pourrait sans doute continuer à gagner Roland-Garros en se déclarant femme, autant les hommes n’ont a priori pas d’avantages physiques naturels pour bien jouer un rôle. De même qu’elle ne fait pas de vous “une meilleure personne”, la transition de genre n’améliore en rien vos qualités dans l’art dramatique. En revanche, le comédien talentueux et travailleur est généralement capable de jouer une femme au cinéma ou sur une scène de théâtre. Olivier Py y excelle quand il se grime en Miss Knife et entonne des chansons aussi drôles qu’émouvantes, comme Les Cafés du cinquième ou Martyre sous les roses. Son art, il est vrai, le pousse à soumettre son corps non au bistouri qui ampute, mais à la parole qui transfigure.

Tags:
Cinémafestival de cannesgenderSociété
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