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Première partie du colossal projet de loi sur la fin de vie, les soins palliatifs occupent les députés depuis le début de l’examen du texte en séance, le 27 mai. C’est encore sur eux qu’ils vont plancher ce lundi 3 juin avant de passer à la deuxième partie, “l’aide à mourir”. Composée de quatre articles, la première partie du texte vise à “renforcer les soins d’accompagnement et les droits des malades”. Loin d’être anodine, la formulation “soins d’accompagnement” a déjà suscité des désaccords. Patrick Hetzel, député LR du Bas-Rhin, a ouvert les hostilités avec un amendement (n°CS341) demandant à maintenir uniquement le terme de “soins palliatifs” craignant un “subterfuge” visant à terme à inclure l’euthanasie et le suicide assisté dans ces soins d’accompagnement. L’amendement a été rejeté. Un glissement sémantique porteur de confusion qui inquiètent autant à droite qu’à gauche de l’hémicycle. Le député communiste des Bouches-du-Rhône Pierre Dharréville ainsi que le député PS Jérôme Gudej ont également déposé des amendements visant à remplacer le terme “d’accompagnement” par “palliatifs” mais ils ont eux aussi été rejetés. Si les soins d’accompagnement demeurent, un amendement porté par plusieurs députés (2036) précisant l’intitulé de l’article premier a pu être voté. Loin d’une coquetterie, il intègre la notion de “garantie” des soins palliatifs. Une amendement important car c’est bien l’effectivité de ces soins palliatifs qui est en jeu.
Reconnaissance des besoins spirituels
Au deuxième jour de l’examen, mardi 28 mai, c’est dans un climat plus serein, presque détonnant dans l’hémicycle, que le communiste Pierre Dharréville a défendu son amendement (2905) visant à clarifier l’objet de l’article 1, à savoir le renforcement des soins d’accompagnement et les droits des malades. Il vise à distinguer, au sein des soins d’accompagnement, les soins palliatifs d’une part et les “soins de confort et de support” d’autre part “destinés à répondre aux besoins physiques de la personne, dont le traitement de la douleur, ainsi qu’à ses besoins psychologiques, sociaux et spirituels”. L’amendement a été adopté à 46 voix contre 39 avec des soutiens venant de différents groupes politiques. “Je maintiens ici que la dimension spirituelle est consubstantielle de la personne humaine”, a abondé le socialiste Dominique Potier, défendant un amendement identique. “Dans ces moments-là, aux frontières de la vie, priver quelqu’un de l’accès par un clerc, un laïc, un proche ou n’importe qui de cette traversée de l’épreuve par la spiritualité, ce serait vraiment une atteinte fondamentale aux droits humains.” Il en va de même par les Thibault Bazin, député LR de Meurthe-et-Moselle, et Marc Le Fur, député LR des Côtes-d’Armor qui, auteurs d’amendements similaires, ont soutenu les amendements portés par les députés de gauche.
Si demain les personnes n’ont pas accès aux soins palliatifs pour soulager leurs souffrances, mais ont accès aux produits létaux, auront-elles vraiment le choix ?
L’accompagnement au deuil et l’accompagnement des proches ont eux aussi été évoqués. L’adoption de l’amendement 877 de Laurent Panifous (LIOT) précise que le soutien à l’entourage de la personne malade, délivré dans le cadre des soins d’accompagnement, peut se poursuivre après son décès. “Pour le première fois l’accompagnement au deuil est prévu dans la loi”, s’est félicité Jérôme Guedj (Socialistes).
Aussi étonnant que cela puisse paraître, un point a fait l’unanimité sur tous les bancs de l’hémicycle : le manque de soins palliatifs mais aussi de prise en charge de la douleur. En faisant adopter l’amendement 412, Cécile Rilhac (Renaissance) a fait élargir la notion de souffrance aux douleurs physiques et aux souffrances psychiques ou psychologiques, “afin d’englober la totalité des réalités vécues et ressenties par les patients”. Geneviève Darrieusecq (Démocrates) a rappelé de son côté qu’actuellement il faut plus de six mois pour obtenir un rendez-vous dans un centre anti-douleurs. Une question cruciale, comme le rappelle Annie Genevard (LR), puisque c’est la première qui entre en jeu dans une demande de mort. Or, “il y a très peu de douleurs qui sont absolument réfractaires”, souligne la députée. Julien Odoul (RN) dénonce, lui, un “échec collectif”. “Nos concitoyens ont peur de la souffrance”, indique le député. “Ils ne veulent pas abréger leur vie, mais lutter contre la souffrance et la douleur” relève-t-il. “Beaucoup de personnes souffrent dans notre pays, a ajouté Pierre Dharréville. “C’est d’autant plus un problème qu’elles pourraient ne pas souffrir.” “Si demain les personnes n’ont pas accès aux soins palliatifs pour soulager leurs souffrances, mais ont accès aux produits létaux, auront-elles vraiment le choix ?”, a interrogé avec force Thibault Bazin. Et Patrick Hetzel de renchérir : “Il serait terrible que des concitoyens soient amenés à demander le droit à l’euthanasie alors qu’ils n’auraient pas pu accéder préalablement aux soins palliatifs.”
Un droit “opposable” aux soins palliatifs
C’est sur ces considérations partagées par la majorité que Marc Le Fur a proposé, avec l’amendement 1470, que les soins palliatifs soient “garantis” et non seulement “prodigués”. Ainsi, “nous sortirons des vœux pieux pour aller vers quelque chose de réaliste et concret”. Malgré un double avis défavorable du gouvernement et de la commission l’amendement a été adopté par 81 voix pour, 70 contre. Le groupe Les Républicains a demandé un scrutin public sur ce point. “Mes chers collègues, vous êtes favorables à ce que l’« aide à mourir » soit un droit, nous sommes favorables à ce que les soins palliatifs relèvent du droit opposable”, a résumé avec humour et sincérité Marc Le Fur.