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80e anniversaire du Débarquement : la force du symbole et la vérité historique

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FFI / AFP

Le général de Gaulle en Normandie entre Courseulles et Graye, le 14 juin 1944.

Xavier Patier - publié le 04/06/24

Que commémorons-nous le jour du 80e anniversaire du Débarquement de Normandie ? Derrière l’héroïsme des soldats de la liberté, les Français doivent se souvenir que le 6 juin 1944, la libération française du territoire n’était pas acquise, rappelle l’écrivain Xavier Patier.

La célébration du “Jour J” que nous avons pris l’habitude d’appeler “D Day”, sans doute par courtoisie à l’égard de nos amis américains, est un événement mémoriel un peu particulier pour nous, Français. Il y a la force du symbole et il y a la vérité historique. La force du symbole : comment ne pas célébrer l’héroïsme des soldats de la liberté “qui ont donné leur vie à leur patrie sur notre terre”, comme l’a dit le général de Gaulle, et qui ont écrit une des pages les plus glorieuses de l’histoire militaire ? Leur sacrifice a apporté une contribution décisive à la chute du nazisme. La célébration du Débarquement est un devoir mémoriel particulièrement bienvenu dans une époque comme la nôtre, où nos libertés reculent partout. Le Débarquement est l’incarnation d’une espérance qui s’est révélée réaliste. Emmanuel Macron a décidé d’y inviter le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Pourquoi pas ? 

Dans le dos du chef de la France libre

Mais faut-il aussi rappeler la vérité politique : la bataille du 6 juin 1944 a été lancée sans nous. Si l’on enlève le glorieux bataillon Kieffer qui foula le premier les plages de Normandie, les soldats alliés étaient britanniques, américains, canadiens, mais pas français. Le Débarquement était une opération anglo-américaine décidé dans le dos du chef de la France libre avec un objectif explicite : ouvrir un front à l’Ouest pour glisser vers le nord jusqu’à Anvers, y détruire les bases B1 et V2, et de là foncer vers la Ruhr. La libération du territoire français occupé n’était pas le projet. L’économie des vies françaises dans les bombardements de nos villes, non plus. Il n’était pas question pour Eisenhower de marcher vers Paris. Il a fallu l’opiniâtreté du général de Gaulle, le soulèvement du peuple parisien et le savoir-faire du maréchal Leclerc pour que Paris soit libéré dès le mois d’août, « par lui-même, par son peuple avec le concours des armées de la France ». Les troupes du Débarquement n’étaient pas là quand fut chanté le Te Deum à Notre Dame. Elles n’étaient pas là non plus quand la division Leclerc, accomplissant le serment de Koufra, libéra la ville et la cathédrale de Strasbourg. 

C’est par le verbe que De Gaulle a fait remonter la France de l’abîme pour la conduire à la table des vainqueurs.

L’avant-veille du 6 juin 1944, selon les Mémoires de guerre, avait eu lieu une des réunions les plus violentes et les plus pénibles entre Churchill et De Gaulle, puis entre De Gaulle et Eisenhower. C’est ce jour-là que Churchill a lancé sa phrase fameuse : “De Gaulle, dites-vous bien que quand j’aurai à choisir entre vous et Roosevelt, je préférerai toujours Roosevelt ! Quand nous aurons à choisir entre les Français et les Américains, nous préférerons toujours les Américains.” De Gaulle a raconté qu’il avait ressenti à cet instant que la France était traitée « comme un paillasson ». Les forces françaises n’avaient pas été associées à la préparation du Débarquement, ni la Résistance. Les Américains avaient décidé d’installer sur notre territoire une administration américaine de type colonial, leur fameux AMGOT (“Allied Military Government of Occupied Territories”). Ils avaient déjà imprimé aux États-Unis des billets de 100 francs sur le modèle du dollar, avec la complicité active de Jean Monnet, afin d’empêcher la France libre de retrouver la souveraineté monétaire et l’indépendance. 

Défaitisme naturel ?

C’est pour cette raison que, devenu président de la République, le général de Gaulle a refusé de participer à la commémoration du vingtième anniversaire du Débarquement, en juin 1964. Du coup, le Premier ministre anglais et le président Américain s’étaient décommandés aussi, vexés. Le général s’était confié sur cette affaire à Alain Peyrefitte : “Et vous voudriez que j’aille commémorer le Débarquement alors qu’il était le prélude à une seconde occupation du pays ? Ça contribuerait à faire croire que si nous avons été libérés, nous ne le devons qu’aux Américains. Cela reviendrait à tenir la Résistance pour nulle et non avenue. Notre défaitisme naturel n’a que trop tendance à adopter ces vues.” Notre défaitisme naturel : De Gaulle savait d’expérience qu’il existe une large frange de nos compatriotes prompte à se complaire dans l’autodénigrement et à préférer les solutions de l’étranger. Il ajoutait : 

En revanche, ma place sera au mont Faron le 16 août, puisque les troupes françaises ont été prépondérantes dans le débarquement de Provence, que notre 1re armée y a été associée dès la première minute, que sa remontée fulgurante par la vallée du Rhône a obligé les Allemands à évacuer tout le midi et tout le Massif Central sous la pression de la Résistance. Et je commémorerai la libération de Paris puis celle de Strasbourg, puisque ce sont des prouesses françaises […]. Mais m’associer à la commémoration d’un jour où on demandait aux Français de s’abandonner à d’autres qu’à eux même, non ! Les Français sont déjà trop portés à croire qu’ils peuvent dormir tranquilles, qu’ils n’ont qu’à s’en remettre à d’autres du soin de défendre leur indépendance. Ils ne faut pas les encourager dans cette confiance naïve, qu’ils paient ensuite par des ruines et par des massacres ! Il faut les encourager à compter sur eux-mêmes ! Il faut avoir plus de mémoire que ça !

L’offensive de la liberté 

Cette naïveté n’a pas cessé de nous menacer. Il était bon de rappeler ces faits. Et il est bon aussi de rappeler que le général de Gaulle, le 6 juin 1944, a finalement accepté, sur l’insistance de Churchill, de parler à la BBC pour entraîner la Résistance à mettre toutes ses forces dans la bataille décisive. Il fit le 6 juin 1944 un de ses discours les plus politiques, parlant sans amertume de “l’offensive de la liberté”. Il faut le relire : “La bataille suprême est engagée […], c’est la bataille de France et c’est la bataille de la France […]. Cette bataille, la France va la mener en bon ordre. C’est ainsi que nous avons, depuis quinze cent ans, gagné chacune de nos victoires.” 

C’est aussi par le verbe que De Gaulle a fait remonter la France de l’abîme pour la conduire à la table des vainqueurs. Ceux qui aujourd’hui estiment que le gaullisme est un astre mort sont exactement les mêmes que ceux qui, dans le passé, ont refusé de croire l’Appel de l’homme du 18 juin

Tags:
HistoirenormandieSeconde guerre mondiale
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