“Celui qui a vu rend témoignage, et son témoignage est véridique ; et celui-là sait qu’il dit vrai afin que vous aussi, vous croyiez.” (Jn 19, 35) Il y a de quoi s’étonner devant le ton solennel que prend soudainement l’évangéliste quand il parle du côté transpercé du Christ. Comme si tout le témoignage de Jean reposait sur cette observation : le coup de lance qui ouvre le Cœur du Christ et de ce Cœur s’écoule l’eau et le sang. Jean, le premier, “lève les yeux vers celui qu’ils ont transpercé” (Cf. Zc 12, 10 – Jn 19, 37) et là se dévoile pour lui, comme dans une photographie instantanée, tout le mystère de notre rédemption : “Dieu est Amour” (1 Jn 4,16).
Dieu nous aime avec un cœur de chair
“Dieu est amour”, vérité ultime et fondamentale de notre foi, centre de toute vie chrétienne. Dans le Cœur du Christ, se révèle la nature de Dieu, son identité la plus profonde, son nom propre : il est l’Amour. L’amour absolu, infini, sans limite ni condition. Et toute vie chrétienne est une réponse à cet amour. Dieu nous aime et veut que nous l’aimions en retour et c’est dans cette relation d’amour à laquelle nous sommes appelés que se noue la grandeur de l’existence chrétienne. Tout chrétien est un amoureux parce qu’il se découvre aimé du Dieu-Amour. Dans le cœur transpercé du Christ nous buvons à la source même de l’amour. La seule boisson qui peut étancher notre soif d’être aimé.
L’amour de Dieu s’est manifesté et révélé à nous dans le cœur d’un homme : Jésus.
“Le verbe s’est fait chair” (Jn 1, 14). L’amour de Dieu s’est manifesté et révélé à nous dans le cœur d’un homme : Jésus. Cet amour descendu des cieux s’est fait chair pour nous aimer avec un cœur de chair. “Nous avons reconnu et nous avons cru que l’amour de Dieu est parmi nous.” L’amour de Dieu est venu jusqu’à nous et il nous est rendu accessible par cet homme. Celui qui veut trouver l’amour de Dieu doit trouver Jésus Christ car c’est en son cœur que l’amour repose. Aucune relation avec le Dieu véritable ne peut se passer d’une relation avec le Christ et il n’est pas de connaissance véritable de Dieu qui ne soit d’abord une connaissance de Jésus Christ car c’est en lui, dans son Cœur Sacré que le Dieu d’Amour se rend présent à nous.
Le mystère de l’amour qui n’est pas aimé
“Il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis” (Jn 15, 13). En se donnant à nous dans le cœur véritable de son Fils unique, l’amour de Dieu se fait vulnérable au point de se laisser atteindre par le péché tapi à la porte du cœur de l’homme (cf. Gn 4, 7). Le Cœur de Dieu est un cœur qui se laisse blesser par l’homme et qui prend sur lui la blessure du cœur de l’homme. Le mystère du Cœur du Christ c’est celui de l’amour qui n’est pas aimé, mais qui surgit plus fort que la haine. Un amour sans limite, qui va au-delà de la colère, au-delà même de la justice. Dieu qui se retourne contre lui-même, prenant sur lui l’ardeur de sa colère et le feu de sa justice parce qu’Il est Amour et que cet amour est miséricorde pour les pécheurs. Il consent à cette blessure, pour que dans sa blessure nous trouvions le remède car c’est “par ses blessures que nous sommes guéris” (Is 53, 5).
Dans ce cœur blessé par notre péché
“Puisque l’amour de Dieu a trouvé son expression la plus profonde dans le don que le Christ a fait de sa vie pour nous sur la Croix, écrivait Benoît XVI, c’est avant tout en regardant ses souffrances et sa mort que nous pouvons reconnaître de façon toujours plus clair l’amour sans limites que Dieu a pour nous : “Car Dieu a tant aimé le monde, qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas mais ait la vie éternelle” (Jn 3, 16) (Lettre pour le 50e anniversaire de l’encyclique Haurietis Aquas).
Dans cette blessure du cœur du Christ, cette blessure que notre péché lui inflige, se trouve le signe le plus éclatant de son amour pour nous et de sa victoire définitive. Comme l’évangéliste, nous sommes invités à lever les yeux vers celui que nous avons transpercé pour puiser à la source de l’amour l’eau qui nous purifie et le sang qui nous fait vivre. Dans ce cœur transpercé, c’est tout l’amour de Dieu qui nous est ouvert pour que nous puissions y répondre, rendre amour pour amour.
Lectures de la solennité du Sacré Cœur de Jésus